Chapitre 7 • Cad, simplement Cad

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Je plains les pauvres filles qui ont dû tomber sous son charme, il se pavane tant qu'un paon en serait jaloux. Son seul mérite, c'est ses dons de guérisseur. 

J'examine ma plaie, je n'ai quasiment plus mal et ce n'est qu'une question d'heures avant de pouvoir reprendre ma quête. Pourtant une question me taraude l'esprit depuis mon réveil.

— Pourquoi tu m'as soignée ?

— Je ne laisse pas mourir les faibles.

C'est un imbécile doublé d'un prétentieux. J'arque un sourcil et me mords la joue. Avant que je ne puisse faire le moindre mouvement, il écarte mon arc et mon poignard.

— Hors de question de faire de nouveaux dégâts, déclare l'Écureuil Noir.

— Parce que tu crois vraiment que je vais te laisser filer ? Tu es un criminel.

Le concerné hausse les épaules, dédaigneux.

— Et toi une piètre chasseuse, ta gourde t'aurait tuée, affirme-t-il d'un ton faussement moralisateur en s'étirant.

Je l'observe bâiller et lever les bras au ciel. Il semble bien détendu, assis en tailleur dans ce parterre de terre et de sable. 

— Je suis une chasseuse de prime, je ne cueille pas le champignon, claqué-je en grognant.

— Heureusement, tu aurais pu en avaler une demi-douzaine vénéneuse avant de vomir tes tripes.

Son petit ricanement va me faire sortir de mes gonds d'une seconde à l'autre. Il range tout son attirail dans sa besace, j'y aperçois d'étranges outils en boîtes et aux bocaux contenant des mixtures verdâtres ou feuilles séchées. 

Mes poings se serrent, mon palpitant s'accélère et la sale bête n'arrange rien en tournant en rond autour de nous. Je n'ai rien à faire avec ces deux énergumènes. Je vais récupérer des forces avant de les envoyer six pieds sous terre.

Dans la douleur, je me relève, mes jambes tremblent tant elles sont instables. Le Voleur m'observe, nous nous défions du regard. Lui s'appuie contre un arbre dont l'écorce s'effrite. Il en prend des morceaux qu'il fourre dans ses affaires.

Je fais trois pas précaires, les muscles s'étirent de part et d'autre de mon corps. Ce qui n'est pas pour déplaire à cet abruti.

— L'antidote a des effets secondaires, j'ai mis la dose.

Je l'examine d'un œil mauvais.

— Peut-être que j'aurais dû te laisser croupir, songe-t-il en échangeant un regard avec son stupide animal de compagnie.

Trop fatiguée pour rétorquer ou même de lui donner de l'attention, je décide de m'asseoir contre un autre tronc aussi terne que le précédent, mais loin du Voleur.

— Il fera bientôt nuit ! affirme mon ennemi.

Je hausse les épaules, comment peut-il le savoir alors que les rayons du soleil peinent à surplomber le lieu ?

— Oui comme chaque jour, rétorqué-je.

— Nous allons dormir ici avant de nous rendre en ville.

Surprise, je tourne la tête dans sa direction.

— Ah parce que tu as accepté l'évidence que je vais te ramener à Thanoc ?

— Il en est hors de question, ça ferait trop plaisir au Consul.

— Et tu comptais aller où, Monsieur le guérisseur ? claqué-je avec ironie.

— À Enancyor.

Je pouffe dans ma barbe, je ne mettrai jamais un pied dans cette contrée d'êtres étranges qui fument des pipes d'épis de sapin à longueur de journée. Thanoc est ma seule chance d'espérer réparer l'Orbe.

— Parce que tu penses que je vais te suivre ? Qui ne me dit pas que tu vas filer dès que je dormirais ? Ou peut-être que tu m'as soignée pour mieux me poignarder dans mon sommeil ?

Le Voleur se pince l'arête du nez en soupirant longuement.

— Comment est-ce qu'on peut se poser autant de questions ? J'agis moi, je ne tergiverse pas.

Je prends la remarque de plein fouet et croise les bras contre ma poitrine. Qu'est-ce qu'il est prétentieux, je l'étranglerai bien à l'aide de la sale bête. L'Écureuil Noir l'appelle et celle-ci grimpe sur son épaule, il lui offre une friandise.

Puis elle débarque devant moi avec une moitié de l'Orbe. Je prends le temps de l'examiner avant de m'en saisir. Enfin me tourne vers le Voleur, songeuse.

— Considère que tu vivras encore demain matin.

Je l'interroge d'un regard, mais il ne répond rien. Quel plan a-t-il en tête ? Peut-être qu'il a des complices à Enancyor. Est-ce qu'ils m'emprisonneront ? Alzim viendra-t-il me chercher comme il l'a fait au domaine familial il y a quatre ans ? Je frissonne de la tête aux pieds, je refuse de songer à l'année de mes quatorze ans dans cet endroit en si mauvaise compagnie. Le Voleur se prépare un lit de fortune avec des branches mortes et de la mousse. La sale bête apporte à sa manière quelques touches ici et là. De mon côté, je me contente de m'installer aussi confortablement que je peux contre le tronc.

Le silence nous accompagne durant un certain temps, en réalité, il s'impose juste à moi. Le Voleur n'a de cesse de causer avec son petit "Pam". Je pouffe lorsqu'il s'amuse à lui cacher des noisettes au creux de ses mains.

L'Écureuil Noir se tourne vers moi, un sourire narquois collé au visage. Je détourne la tête, le sang affluant à mes joues. Je m'attarde un peu trop longtemps sur une vieille branche menaçant de tomber au sol. Le regard du criminel me brûle la nuque, j'attends déjà sa remarque déplacée et ses compliments sur ma discrétion.

—  Comment tu t'appelles, la Chasseuse ?

— Laérra, avoué-je trop fatiguée pour être méfiante.

Je dodeline de la tête, attendant sa réponse.

— Cad.

— C'est-à-dire ?

Il ricane en grignotant une noisette.

— Retiens Cad, ça sera déjà pas mal pour ta petite cervelle en ébullition.


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L'Orbe du CerfWhere stories live. Discover now