zéro

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L'alcool me brûle les lèvres et la gorge. C'est particulièrement désagréable. D'ailleurs, je fais une grimace, ce qui fait rire ma belle blonde, Ráhel. Je ne cesse de me répéter depuis plusieurs heures qu'elle est magnifique, d'ailleurs, j'ai dû le lui dire aussi plusieurs fois, entre quelques shots. Oh, Ráhel peut avoir tous les garçons qu'elle veut, mais elle ne m'aura jamais moi. Et c'est triste pour nous deux, sûrement. Oui, je la trouve magnifique. Oui, elle m'a clairement avoué plusieurs fois que je la faisais craquer, bon, à chaque fois, elle était complètement bourrée, mais je suppose que ça compte quand même. Elle est trop belle pour moi, son père me l'a d'ailleurs souvent dit, implicitement, il fallait savoir lire entre les lignes. Mais je pouvais clairement voir ses yeux qui me lançaient des éclairs et qui me disaient que je ne méritais pas sa fille. Puis elle n'appartient pas au même monde que moi, le maladif de service. On a été voisin pendant plusieurs années, alors c'est sûr que ça l'a aidé à comprendre le problème que je suis. Elle m'a connu avant que ma vie ne se brise.

Encore une fois, je dis, à ce qui se rapporte le plus comme ma meilleure amie, à quel point elle est magnifique et elle me jette un regard mi-amusé, mis-vexé. Dans un sens elle est flattée, mais elle ne doit pas comprendre pourquoi je lui dis ça alors que je l'ai toujours repoussé. J'ai peur de son père, simplement, honte à moi. Mais qui n'aurait pas peur du plus important avocat de la ville, rien que ça, et à qui on doit une fière chandelle. C'est vrai, je dois beaucoup de choses à son père, il a souvent fait jouer ses relations pour moi, alors je suppose que ma reconnaissance envers lui et la façon de payer ma dette est de ne pas attraper sa fille chérie entre mes filets pourris et détraqués.

Elle commence à onduler contre moi, au rythme de la musique et elle plante sa tête dans mon cou. Je frissonne malgré moi, je ne sais même pas si dans le fond elle me plaît. Je suis mal à l'aise d'avoir à la repousser. Si il n'y avait pas eu son père, je me demande si je l'aurais laissé me conquérir parce que j'en avais envie, ou tout simplement parce que je ne sais pas dire non aux gens. Peut-être que son père n'est qu'une excuse pour moi, pour pouvoir lui dire non.

Mon regard parcourt la foule. Plusieurs hommes nous fixent, sûrement jaloux que ce soit moi qui profite des formes parfaites de la blonde. Je ne peux m'empêcher d'avoir un petit sourire triomphant. L'alcool me libère, je me sens léger, prêt à tout. Je m'autorise à poser mes mains tremblantes sur les hanches de la belle. Je sens son sourire contre ma peau.

J'ai chaud, beaucoup trop chaud au milieu de cette piste de danse, en chemise. Je sens la sueur coller le tissu contre ma peau dans mon dos, je sens mes cicatrices cachées par le col de la chemise dans mon cou qui me piquent, il en est de même pour celles parcourant mon épaule droite et mon bras droit. Mon oreille droite, sourde, bourdonne terriblement, et si mon corps n'était pas aussi imbibé d'alcool, je ne supporterais sûrement pas le mal de tête qui assaillie mon crâne. Je suis un abîmé, un blessé, à l'intérieur comme à l'extérieur. La liste de mes cassures et autres fissures seraient trop longues à énumérer.

Ráhel approche sa bouche de mon oreille valide, la gauche, et elle crit qu'elle a envie de fumer. Elle sait que je supporte difficilement la fumée, alors elle me plante là, au milieu de la piste de danse. Je la regarde se diriger vers le fumoir en titubant. Déjà, de nombreux regards viriles la suivent, et je ne peux m'empêcher de prier intérieurement pour qu'elle ne soit pas embêtée. À défaut de l'inviter dans mes bras, je me dois de la garder toute aussi innocente et joyeuse qu'elle l'est en temps normal.

Je me laisse porter pendant un petit moment par la musique, ce boum boum persistant dans mes oreilles, si fort que mon oreille sourde le perçois elle-aussi. Au final, je décide d'aller m'asseoir sur un tabouret près du bar, danser seul n'est pas particulièrement intéressant et ce n'est pas dans mon caractère de faire le show au milieu de la piste de danse.

playtime (sous contrat d'édition chez Nisha et caetera, sortie prochainement)Where stories live. Discover now