16 - Ysée

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Je franchis la porte d'entrée sans frapper puisque Léandre n'est pas là.

-C'est moi!

Je retire mes chaussures et ma veste et passe le couloir pour entrer dans le salon, mais personne n'est là et la maison est plongée dans le calme plat. Je regarde dans la cuisine, idem.

-Blanche?

Aucune réponse. Est-elle sortie? Ce n'est pas son genre de ne pas me prévenir. Même si elle ne me doit pas de compte, nous nous tenons toujours au courant de notre emploie du temps.

Je monte les escaliers.
Si Léandre était là il me gronderait de monter en chaussettes, que les marches glisses. C'est vrai que je suis déjà tombée mais bon je fais attention maintenant. Et ça m'amuse de désobéir sur des petites choses lorsqu'il n'est pas là pour me surveiller.

Je vais directement vers la chambre commune et ouvre doucement la porte pour y passer la tête.

-Blanche?

La pièce est plongée dans le noir. Mais je devine sa présence et entend son souffle.
J'entre et m'approche du lit où elle est couchée. Dort-elle déjà?
Soudain j'entends un reniflement que je lui connais bien. Je m'assois sur le bord du lit et pose ma main sur son bras.

-Blanche... pourquoi tu pleures?

Elle ne me répond pas et sanglote de nouveau. Je lui caresse doucement l'épaule mais elle n'a aucune réaction si ce n'est de renifler encore.
Je pousse un soupire triste. Blanche pleure régulièrement. Et en particulier lorsque Léandre n'est pas là. Il a toujours été évident qu'elle est en dépendance affective totale vis à vis de lui et a une peur maladive de l'abandon.
Nous en avons déjà discuté lui et moi, mais elle se braque toujours lorsque nous essayons d'aborder le sujet.
Léandre fait de son mieux pour la rassurer continuellement et lui prouver qu'il est présent pour elle, qu'il ne compte pas se débarrasser d'elle du jour au lendemain, mais cela n'est pas suffisant. Quant à moi j'essaye de les soutenir tous les deux et de faire relais pour qu'elle ne se retrouve jamais trop longtemps seule, c'est dans ces moments là qu'elle broie du noir. Aujourd'hui j'ai fait exprès de rentrer plus tôt pour elle.

Si j'aime le BDSM en particulier pour son aspect sexuel, et également pour toutes les tensions qui va avec, l'absence de tabou et la confiance totale que nous avons les uns envers les autres, pour Blanche c'est bien plus que ça. Si le fait que notre relation ne doive jamais entraver ma vie professionnelle, familiale ou amicale est une de mes limites, Blanche est dans une situation différente. Elle n'a plus aucune famille, a toujours très difficilement réussi à gérer des relations amicales et est incapable de travailler à cause des crises d'angoisses que cela lui provoque dû à un passé particulier.
Léandre et moi sommes sur la même longueur d'onde à ce sujet: nous la soutenons du mieux que nous pouvons, et essayons de la pousser à s'ouvrir. Nous avons même réussi cette année à la convaincre de s'inscrire à un cours de danse contemporaine le samedi après-midi. Financièrement elle est totalement dépendante de Léandre mais il gagne largement bien sa vie pour que cela ne pose aucun problème. Lors de la signature de leur contrat, l'une des conditions était qu'elle s'engage à suivre une thérapie, ce qui l'a vraiment aidé depuis que nous nous connaissons, elle est notamment sortie de la dépression.
Mais il y a encore du chemin...

Je m'allonge à côté d'elle et viens me coller contre son dos en petites cuillères. Je l'entoure de mon bras et me tait. Il lui faut juste du temps. Le temps de se calmer, le temps que ça passe.
Finalement, elle se tourne vers moi. J'aperçois son visage dans l'obscurité. L'une de ses larmes brille, je l'essuie délicatement et viens l'embrasser sur le bout du nez.

-Tout va bien. Je suis là.

Je l'embrasse encore, cette fois sur sa bouche. Un simple baiser doux et rassurant avant de reposer ma tête sur l'oreiller.
Sans dire un mot elle vient à son tour m'embrasser, avec beaucoup moins de douceur, et passe sa main sous ma jupe.

Menottes et Panache (en pause) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant