Prologue: Weavershouse

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Je regarde le paysage défiler. Cela fait maintenant trois heures que nous roulons depuis la dernière pause. L'odeur pesante de cuire de la vieille Mustang m'étouffe. Le paysage rural, rendu monotone par une averse, commence à me lasser. 

Ma tête se repose contre la vitre froide et humide, et mon regard rencontre mon reflet qui me contemple depuis le rétroviseur. Mes traits son tirés, et des cernes dues à la fatigue du voyage, soulignent mon visage. Le moteur ronronne et sa vibration résonne dans ma tête.  Je ferme les yeux, et  un lourd soupir franchit mes lèvres. Les yeux à nouveaux rivés sur mon reflet, je peux maintenant voir un sourire éclaircir mon visage. Voila ce qui arrive souvent lorsque je songe à la destination vers laquelle nous porte la bagnole défraîchie. 

Quand je pense à la maison, je souri... 

Il faudrait peut-être que je précise que c'est un vieux manoir. Autrement dit, la propriété est énorme, et la place que ce lieu prend dans mon cœur, en comparaison, est gargantuesque. 

Je tourne la tête vers la gauche. Mon oncle a le regard concentré sur la route, mais quand il s'aperçoit que je le regarde, il me lance un sourire, que je lui rends aussitôt. C'est lui qui a obtenu ma garde à la mort de mes parents. Aussi loin que je m'en souviennes, j'ai toujours vécu avec Oncle Aaron. Ses cheveux châtains, habituellement tirés impeccablement vers l'arrière, retombent sur ses yeux. Une légère barbe commence à apparaître sur ses joues. Je jette un coup d'œil impatient sur la montre de marque qui orne le poignet de mon oncle.   J'exprime cette impatience par un énième soupir, et mon regard se porte à nouveau sur le paysage. La pluie a cessée, et le ciel  est moins couvert. 

Le rire du quarantenaire à mes côtés résonne dans l'habitacle. Il est homme d'affaires et gagne très bien sa vie. 

"Ne t'inquiète pas, nous sommes presque arrivés. Allonge toi sur la banquette arrière, et repose toi, tu a vraiment l'air fatiguée. Je t'éveille dès que l'on passe les portes du manoir."

Je réfléchir à sa proposition, et somnoler quelques instants me parait une bonne idée pour tuer le temps. Je détache alors ma ceinture, et enjambe difficilement l'espace entre nos deux sièges, et cale mon sac à dos sous ma tête. La fatigue scelle mes paupières et mes pensées divaguent. 

Le manoir est un héritage familial. Le nom de la propriété, « Weavershouse » vient de notre nom de famille Weaver. Il y a de cela un ou deux siècles, mes ancêtres vivaient dans cette maison. La seule chose qui nous empêchait d'y emménager définitivement, sont mes études.

Et j' attend avec impatience le moment où je pourrais enfin passer toute l'année dans cet endroit que j'adore. 

Malgré la connexion internet, wifi, télé, ... manquante, je ne m'ennuie jamais au manoir.

Premièrement Weavershouse possède une bibliothèque gigantesque avec un nombre incroyable de livres accumulés à travers les générations de Weavers.

Ensuite, le jardin est un réel paradis, avec ses champs de fleurs, arbres fruitiers, le lac et les buissons parfaitement taillés.

Quand l'envie m'en prend, je dépose mon chevalet dans les hautes herbes et reporte le paysage idyllique sur ma toile. La peinture est une de mes passions favorites, venant juste après la lecture. J'ai toujours préféré la retranscriptions des mots et de la pensée, que le dessin et la peinture sont parfois incapables d'apporter. 

  Je jalouse mes ancêtres qui y vécurent paisiblement. Les Weaver, autrefois famille nombreuse, n'est aujourd'hui composée plus que deux héritiers. Moi et mon oncle.  

Je ne me souvient ensuite plus que de rêveries incohérentes et de souvenirs anciens.  

***

WeavershouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant