8 - Le vide a remplacé l'angoisse.

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À nouveau, mon cerbère s'avance dans ma direction. Apparemment, l'entretien est terminé. Je me lève avec l'impression de peser une tonne. Mes membres me semblent gourds, sans force. Pourtant, il me faut avancer alors que je n'ai visiblement pas le choix si ce n'est de suivre celui qui semble bien déterminé à régenter mes déplacements dans la cité. Je n'ai même pas un regard pour la femme qui reste dans son bureau et encore moins pour les combattants qui passent à mes côtés, leurs armes me frôlant de temps à autre. Nous descendons de plusieurs étages dont je me mets à compter les marches.

Deux cent vingt-deux au total avant que nous marquions un arrêt et nous nous dirigions sur la droite. Je connais cet étage, celui de l'infirmerie. La voix d'Heinrich qui m'interpelle me le prouve alors que nous pénétrons dans l'une des salles identiques à tout le reste si ce n'est l'odeur qui s'en dégage. Une fragrance chimique mélangée à celles qu'un corps humain peut produire lorsqu'il est malade, blessé ou mourant. Pourtant, après avoir passé trois semaines confinée dans ce lieu, l'odeur m'interpelle, mais ne m'écœure plus comme autrefois. Elle disparaît rapidement.

— Mais enfin, regarde-toi un peu. À croire que tu fais exprès de te mettre dans le pétrin tout ça pour venir me voir, hein, c'est ça ?

Je lève mon visage et le sourire qu'affiche Heinrich disparaît rapidement, remplacé par de l'inquiétude. Il s'avance vers moi et me prend sous son aile en m'éloignant de mon cerbère. Rien que pour cela, je lui en suis reconnaissante. Faute de pouvoir nous isoler dans une pièce étant donné le manque d'espace, il nous conduit derrière une toile accrochée à une ficelle servant visiblement à nous séparer du reste du monde. Il pose une main sur mon visage et m'oblige à le regarder.

— Où as-tu mal ? s'enquiert-il.

— Mon dos et.. Un peu de partout en fait.

Il me demande de retirer mes vêtements, ce que je fais sans rechigner. Le dos tourné, je le laisse prendre soin de ma blessure même si je dois bien reconnaître que c'est extrêmement douloureux. Le temps se prolonge alors que je sers mon tricot sur ma poitrine, la tête baissée.

— Que s'est-il passé ? Une bagarre ? Et tu es tombée sur le dos ?

Je soulève les épaules, ce qui augmente la douleur.

— Non.

— Quoi alors ?

— Ils m'ont fait aller dehors, confié-je après un moment.

Heinrich pose ses mains sur mes épaules et m'oblige à me retourner avec douceur, mais fermeté vers lui pour le regarder.

— Dehors ?

J'acquiesce de la tête. Il semble aussi désappointé que je le suis. Il réfléchit intensément avant de me faire reprendre ma position initiale et que je ne sente à nouveau une compresse sur la plaie. Je pensais qu'il avait laissé tomber le sujet avant qu'il ne prenne la parole :

— Seule ?

— Non. J'étais au milieu d'un régiment de combattants.

— Mais tu étais la seule civile. L'alarme a retenti, mais personne ne nous a indiqué de nous rendre à la surface cette fois-ci, insiste le médecin.

— Oui. Ils m'ont amenée dehors puis ils m'ont abandonnée pour se mettre à nouveau à l'abri, dis-je froidement.

Or, c'est loin de ce que je ressens en cet instant. Une tempête d'émotions fait rage en moi. Je serre les poings alors que je peux encore ressentir la colère de ce qu'ils ont osé me faire alors qu'ils couraient vers la porte avant de la refermer sur ma personne. Ces gens censés me protéger m'ont laissée avec les monstres.

L'ÉVEIL DES DRAGONSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant