7 - ...un véritable don du ciel.

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Mon corps cesse étrangement de trembler. Il se relâche. À présent, je ressens de légères crampes dans mes bras et jambes, mais ce n'est rien face à mes autres douleurs qui s'éveillent avec force. J'ai si peur de souffrir à nouveau lorsqu'il me brûlera, ce qu'il s'apprête à faire d'un instant à l'autre. Je m'aperçois qu'en fait, c'est cela qui m'inquiète le plus et non de mourir. Je me mets à réfléchir sur la raison de ce manque de peur face à une mort imminente.

Le visage des mes parents, de mon frère Marco défilent dans ma tête.Leur souvenir me fait réaliser que je suis si seule, que je ne suis aimée de personne et que je ne suis attachée à aucun de mes semblables. Tout ce qui m'attend est de vivre dans un trou avec d'autres rats pour ensuite être choisie pour faire tel ou tel métier afin de participer à la survie du groupe et cela durant le reste de ma vie. Pas très réjouissant. Je vais grandir, avoir peut-être des enfants si je survis jusque-là, pour qu'eux aussi vivent dans cette cité souterraine, loin de la lumière, de la vie. Ensuite, je veillerai et je mourrai de faim ou de fatigue. C'est cet avenir peu réjouissant qui m'attend.

Mon regard balaie le paysage qui m'entoure. La mort est partout. Aucune couleur, aucune preuve de vie, si ce n'est le fait que je me tiens encore debout devant ce monstre.

"Pourquoi vivre alors ? "

Giulia apparaît à moi et je la vois heureuse de simplement être une future pondeuse. C'est comme ça que j'appelle celles qui font le choix d'être mère. Elle arrive à être optimiste ainsi rien que par la pensée qu'elle offrira un nouvel être à la communauté. Je me mets à la jalouser et je comprends que je le fais depuis un bon moment. C'est pour cela que je ne la fréquente plus. Elle a le même âge que moi, elle aussi a également perdu toute sa famille et subit les mêmes conditions de vie que les miennes. Et pourtant, elle se projette dans l'avenir, elle éprouve encore de la joie pour si peu de choses. Elle possède encore ce que je n'ai plus : de l'espoir.

Mon frère était cela pour moi. C'est lui qui me poussait à croire en un avenir meilleur, de penser que cela s'arrangerait. Il m'avait sauvé la vie de toutes les manières possibles et imaginableset bien souvent en mettant en jeu sa propre vie. Il avait joué, parié que nous nous en sortirions toujours. Il avait perdu, pour moi. Alors, que me restait-il pour vouloir encore me battre, pour souhaiter encore survivre ? Sans m'en rendre compte, je viens de faire un pas vers le monstre, si proche à présent. Puis, un autre.

— Tu comptes m'écraser tel un insecte, c'est ça ? demandé-je dans un souffle.

Le dragon ne fait rien si ce n'est pencher la tête légèrement sur le côté. Je peux observer de près, l'une de ses pupilles qui me renvoie l'éclat de vie, si lumineuse, si mouvante, qui émane de l'intérieur de son être. Un éclat allant du rouge au jaune pur comme le soleil. Tout du moins d'après les souvenirs que j'ai encore de l'astre lumineux.

— Pourquoi, tu ne me tues pas ?

Ma voix s'affermit au fur et à mesure que la peur me libère. Pour la première fois depuis de nombreuses années, le poids qui oppresse ma poitrine disparaît peu à peu. Mon cœur s'allège. L'angoisse que je ressens à chaque jour, à chaque heure de ma vie s'estompe. J'ai cela en moi depuis cette journée, à l'école où Marco est venu me rejoindre dans la classe pour me chercher, pour me sauver du souffle qui a embrasé le monde, mon monde. Une froide colère remplace la peur.

— Pourquoi les avoir tués ?

Le monstre ne bouge pas, il m'observe simplement. Son inaction ne fait que décupler ma rage. Je m'avance encore.

— Pourquoi ?

Bien évidemment, il ne me répond pas.

"Comment le peut-il ? "

L'ÉVEIL DES DRAGONSWhere stories live. Discover now