Chapitre 11 : La croix

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Nous étions assiégés, la forêt du Sud ainsi que celle de l'ouest étaient occupées et au nord se trouvait la mer. La Cornouaille se trouvait désormais entre leurs mains et le roi allait vouloir la reprendre. De longues nuits de peur se suivirent en attendant un quelconque changement. Un matin, à neuf heures sonnantes, la cloche sonna. Tristan et moi allâmes voir ce qui se passait et un rassemblement de gardes et de moines semblait se créer devant les murs où siégeait l'abbé. Celui-ci avait changé, il ne portait plus la tunique sale et trouée que nous avions tous, mais une magnifique robe de soie arborant des parures dorées. Il n'était plus abbé, mais roi de ces lieux et en tel il allait se comporter.


Il se leva de son trône et proclama d'une voix forte et empreinte de vanité.


— Bien chers frères, quel plaisir de vous revoir tous sains et saufs ! Comme vous le savez, nous sommes encerclés par des animaux, des chiens de sauvages massacrant et pillant nos bien aimés confrères. Nous avons sous-estimé leur sauvagerie, mais cela sera réglé au plus vite, soyez-en sûr. Le mal nous a pénétré mes enfants, il est en nos murs. La maladie s'est propagée et le membre gangrené doit être ôté avant que le corps ne se meure.


En même temps que ses mots volaient, une lourde croix fut levée au-dessus de la porte principale dominant la plaine ainsi que la forêt. Tous les gades étaient rassemblés et semblaient prêts à se défendre.


— Notre bien-aimé frère Oliver a disparu durant mon voyage auprès de notre roi, ainsi que trois soldats du général Kent. Je connaissais Oliver depuis sa plus tendre enfance et je n'ai jamais connu plus loyal serviteur et ami.


Pendant le discours, une ombre planait sur nous, observant la scène tout en restant cachée, mais je la savais là. Je le sentais au plus profond de mon être.


— Je n'ai donc pas cru une seule seconde à une fuite de sa part, il a été assassiné mes frères. J'en suis certain.


Une clameur d'horreur envahit Glastonbury, chaque regard accusait son voisin. Je n'osai pas regarder Tristan de peur que l'on nous accuse et restai donc pétrifié. La croix était désormais en place, tel un arbre dont les deux branches semblaient nous accueillir dans son étreinte mortelle.


— Mais nous connaissons le coupable, et il devra répondre de ses crimes. Il se trouve parmi nous, caché sous l'apparence d'un frère, mais Dieu ! Dieu sait reconnaître ses enfants. Vous savez tous que notre très cher et regretté Oliver n'était qu'amour et compassion et que dans son honneur sans faille il tenait aussi la lourde responsabilité des clés de ces lieux. Plusieurs d'entre elles furent malheureusement perdues, du moins c'est ce que nous pensions. Mais après une fouille complète des chambres, deux de ces disparues furent retrouvées.
Mon cœur s'arrêta, le ciel s'assombrit.


— La clé de la cour Nord ainsi que celle de la cave ont mystérieusement réapparu, un miracle en somme ! N'est-ce pas, Tristan, mon cher Tristan ? Veuillez s'il vous plaît me rejoindre.


Il monta, le regard fier et le torse bombé prêt à en découdre. Les gardes le prirent par les bras le tenant fermement de peur qu'il les dévore.


— Tristan, je vous accuse du meurtre d'un moine ainsi que celui de trois gardes de notre roi. Une haute trahison en somme qui se solde par une exécution sommaire. Garde ! Mettez-le en place.


Et soudain, mon ami, mon frère sortit sa dague et trancha la gorge d'un garde. La lame acérée perfora le poumon de l'abbé qui s'écroula sur le sol et tomba des murs dans un fracas assourdissant. Les moines applaudirent Tristan tandis qu'il s'échappa pour rejoindre sa sœur et son peuple bien aimé... mais il n'avait pas sa dague. Elle se trouvait sous ma tunique, inutile dans les mains d'un couard. Je ne pouvais plus bouger, plus parler, plus penser.

Les Filles du Diable, premier cycle  : GLASTONBURYWhere stories live. Discover now