𝙹𝚘𝚞𝚛 𝟷𝟹

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En voiture, le trajet se passe dans le silence le plus complet. Une vieille musique est diffusée par les hauts parleurs de la voiture, je la fredonne en même temps. 

— Anxieuse ? fit mon père. 

— Très...

Je me surprends entrain de tripoter les petites peaux mortes autour de mes ongles rongés. Il est 7h57 lorsque la voiture se gare devant le portail, attisant encore et toujours un regard envieux, admirateur de la foule d'élèves. Pardon, mais personne ne se trimballe en Rolls Royce en ville, un matin tranquille de rentrée scolaire. 

Nous devons arriver 30 à 15 minutes avant le début des cours. Je baisse ma vitre, tout le monde me dévisage. Dans leurs regards, un brasier de jalousie qui brûle. Je ne connais personne. Aucun visage ne m'est familier. Super. 

— Bon, je pense que je vais y aller, papa. Viens me chercher à 16h. 

— Accroche toi !

Je lui fais la bise et ouvre la portière pour descendre. Les regards ne me lâchent pas. Tête baissée, je me faufile dans la foule. La grande pancarte cuivrée affiche le nom du lycée écrit en doré. Une statue de la reine est prostrée devant l'entrée. Très imposante, Sa Majesté.

Le lycée est vaste, le hall bourdonne de bruits de voix confuses des élèves, des cris et des vociférations de ceux que je devine être des surveillants, et des injonctions incitant au silence. L'ambiance est nulle, ça sent le café froid et le papier partout. 

Les murs des couloirs sont tapissés d'affiches, des casiers gris sont castrés dans les murs. Pour un lycée d'excellence, vraiment rien de très innovant... Je marche et me faufile dans la masse de monde pour me frayer un chemin. La foule est d'autant plus dense auprès du mur des emplois du temps. Après quelques efforts, et quelques marques de semelles sur mes ballerines blanches, j'arrive à trouver mon emploi. Philosophie en premier cours, génial.

Mes yeux descendent le long de la liste des élèves de ma classe à la recherche de mon nom, que je trouve finalement au numéro 15. Aucun nom ne m'est familier et les noms sont classés au hasard. Lorsque mes yeux tombent sur son nom, j'ai l'impression d'entendre sa voix grave au fin fond de mes oreilles. Croyant d'abord à une hallucination auditive - ce qui m'arrive très souvent ces jours-ci - je chasse cette pensée gênante mais elle se concrétise quand un souffle chaud me titille l'oreille gauche, ce qui me glace le sang sur place. 

— Regardez qui je croise pile au moment où j'en avais besoin ! 

— Ethan... soulignai-je avec un sourire forcé après m'être retournée.

— Miller... il répond d'un sourire étirant ses lèvres charnues.

— C'est Catherine, fis-je d'une voix cinglante.

— J'aime bien ton nom de famille. Dis, c'est quoi ton deuxième prénom ? 

La question était assez brusque, prise au dépourvu, je lui réponds simplement.

— Theresa, j'ai repris celui de ma grand-mère. 

— Catherine Theresa Miller voudrais-tu bien... 

— Non, je ne t'épouserai pas ! criai-je presque, sentant mes joues prendre une teinte cramoisie. 

Il se tape le front et essaye d'arrêter un rire en soupirant tandis que j'essaye de m'extirper de la foule. 

— Non mais attends ! Je voulais juste que tu me montres la salle ! 

Mon cœur rate un battement et je m'arrête net. Qu'est-ce qui m'a pris de croire que... Je devrais arrêter de lire Jane Austen... 

— Tu devrais arrêter de lire trop de romans ! se moque-t-il. 

Tiens, on dirait que ma conscience communique avec Ethan... 

— C'est la salle numéro 6 dans l'aile A. 

Je ne me retourne même pas, morte de honte. Je vais récupérer mon blason près de ce qui me semble être un amphithéâtre, suivie de près par Ethan qui ne s'abstient pas à commenter quand je l'enfile. 

— Je veux juste savoir pourquoi tu me fais la gueule, il déclare, de son accent for prononcé. Je croyais que c'était cool entre toi et moi. 

Je m'arrête pendant quelques secondes le temps qu'il arrive à ma hauteur, puis, les lèvres pincées, je me risque de dire :

— Tu m'as ignorée pendant tout l'été, tu penses que revenir comme ça, comme une fleur, arrangera les choses ? 

Le brouhaha autour de nous s'accentue quand la sonnerie retentit brusquement, incitant tous les élèves à rejoindre leur salle de cours. 

— Je.. ne t'ai pas ignorée. 

Sa voix se dissipe avec le bruit, je continue de marcher, tête baissée à ses côtés. 

— Je suis désolé, vraiment. 

— Tu t'excuses beaucoup, remarquai-je. 

— C'est ce que je ressens beaucoup, surtout envers toi.

Sur ces derniers mots, nous entrons en classe.

𝐏𝐎𝐈𝐍𝐓 𝐕𝐈𝐑𝐆𝐔𝐋𝐄 [ 𝙴𝙽 𝙲𝙾𝚄𝚁𝚂 ]Where stories live. Discover now