𝙹𝚘𝚞𝚛 𝟷𝟷

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« — Depuis le commencement, je pourrais dire dès le premier instant où je vous ai vu, j'ai été frappée par votre fierté, votre orgueil et votre mépris égoïste de sentiments d'autrui. Il n'y avait pas un mois que je vous connaissais et déjà je sentais que vous étiez le dernier homme du monde que je consentirais à épouser. »

Le suspens est insoutenable. Même si j'ai dû lire Orgueil et Préjugés au moins cent fois. Jane Austen a littéralement bouleversé l'époque du romantisme avec ce Roman, et quand je lis, et que je relis l'œuvre, je me demande parfois si ç'aurait été mieux que je sois née à la même époque. Avec un peu de chance, j'aurai pu croiser le chemin d'un Bingley, ou d'un Darcy... 

 Il est 6 heures du matin et déjà, la chaleur est écrasante. Ma chambre est directement exposée au soleil. Hier, je me suis baignée dans le lac du domaine, ma mère m'a vue alors qu'elle faisait du cheval en compagnie de ma tante Emily. Ma tante, la sœur de mon père, est plutôt garçon manqué, elle a ri devant le regard outré de ma mère. J'ai alors plongé ma tête dans le lac et disparu sous ses lamentations. 

Tante Emily est en compagnie de ses deux fils et sa grande fille, Carl a le même âge que moi, William a un an de plus et Ruby est en deuxième année de droit à Oxford. Ils sont plutôt gentils, mais je trouve qu'ils ont un style de vie trop différent du mien. Carl est accro à son téléphone et ne cesse de poster des stories de tout et n'importe quoi, William est trop extroverti et frimeur, tandis que Ruby... C'est Ruby, la Ruby qui mange tout le temps, qui n'est jamais contente et qui ne fait que se lamenter. 

Mais ils sont sympas quand même, même si William a une fois essayé de m'attacher les cheveux à un arbre sous prétexte qu'il avait à étudier Antigone... 

Je me lève et vais tirer le rideau blanc transparent jauni par les quelques rayons de soleil matinaux. Lorsque j'ouvre la porte de la Véranda, une bouffée d'air chaud et humide me fouette le visage, je respire un bon coup et fait glisser toute la baie vitrée pour aérer la chambre. Je sors admirer le lever de soleil. Je me penche un peu sur la rambarde lorsque j'entends quelqu'un parler, deux femmes de ménage viennent d'arriver, et elles parlent avec... Carl ? Qu'est-ce qu'il fait réveillé à une heure aussi matinale ? Je suis passée devant sa chambre hier vers 3 heures du matin pour me servir un verre d'eau, la porte était entrouverte et je l'ai vu encore scotché devant son téléphone. Je ne juge pas, mais, a-t-il dormi ? à en croire sa voix grave, je n'en suis pas si sûre... 

— Granny dort encore, entrez. 

Sa voix est sèche lorsqu'il s'adresse à Lucy et Maria, ça me déplaît assez. Les deux femmes s'exécutent en silence. 

Comme si c'était lui qui les payait... 

Je rentre du balcon et traverse ma chambre à grandes enjambées. Lorsque je franchis le seuil la porte, c'est William que je vois passer en caleçon, ses cheveux blonds sont en bataille et il a une brosse à dents dans la bouche, et son téléphone à la main :

— Salut, Molière, bien dormi ? déclare-t-il en enlevant sa brosse à dents.

Je suis subjuguée, il n'a donc aucune pudeur ?! quand-même, ma mère et mon père sont là, les bonnes aussi... Il n'a pas peur de tomber face sur quelqu'un ? 

— Euh, oui, j'ai bien dormi, bredouillai-je. 

— Super, bon bah je descends manger. 

Il replace sa brosse à dents et descends les marches en toute simplicité, comme si ce qui venait de se passer était normal. 

Je fais abstraction de ce que je viens de voir et essaye d'oublier l'image horrifiante de William en caleçon... Lorsque je regarde l'heure, il est 6h28, je m'empresse de descendre saluer les deux bonnes. Lorsque j'arrive à la cuisine, Carl est en shorts de plage orange et il textote toujours sur son téléphone qui doit comporter au moins 5 caméras, et William est appuyé contre le mur, toujours scotché à son écran en mangeant un donut. 

𝐏𝐎𝐈𝐍𝐓 𝐕𝐈𝐑𝐆𝐔𝐋𝐄 [ 𝙴𝙽 𝙲𝙾𝚄𝚁𝚂 ]Where stories live. Discover now