Première section

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" Prendre conscience "

Le monde dans lequel je vis ne se résume qu'à des endroits que je connais par cœur, qu'à des actions que je me sens capable de réaliser.
Je ne sais pas voir plus loin que le bout de mon nez, j'ai toujours cette peur constante de m'approcher de ce que je ne connais pas.
L'inconnu est effrayant à mes yeux et le moindre petit obstacle peut me faire reculer de plusieurs pas en arrière.
J'ai toujours besoin de connaître les choses à l'avance, j'ai toujours ce besoin de contrôle.
Si quelque chose ne va pas dans mon sens, alors je suis effrayé et paralysé.
On m'a souvent qualifié comme étant une personne peureuse.
C'est sûrement parce que je n'ai pas la même vision de la vie qu'eux.
Je ne crois pas que cela soit de ma faute si j'ai peur.
Je ne crois pas non plus avoir choisi cette peur de l'inconnu.
Ma vie se résume donc ainsi ; je me lève et je traîne à la maison.
Lorsque je reçois un message de mes amis pour sortir, je décline en trouvant une excuse idiote qui marche toujours, tout ça parce que je n'ai pas envie de sortir du confort que j'ai installé.
Et pourtant, ce confort, je le déteste. Je me sens malheureux en restant chez moi, seul, sans personne à qui parler. Du coup, je m'enferme dans mes jeux ou dans mes relations en ligne, vers des gens que je ne risquerais jamais de rencontrer, et qui ne me connaissent pas car je me cache sous un pseudo et une photo de profil lambda comme eux. Parfois, je vais à la fac, je prends le même bus à la même heure à chaque fois, car je suis certain que celui-ci est vide.
Résumé brièvement, c'est ainsi que je mène ma vie.

Et puis un beau jour, je me suis réveillé et j'ai pris conscience d'une chose ; je ne veux plus me comporter ainsi.
Enfin, je crois que je me suis toujours dit cela. Mais, je n'ai jamais réussi à changer ma manière d'être.
Bref, je me suis réveillé en me disant "tu comptes être comme ça toute ta vie ?".
Du haut de mes vingt-deux ans, je sais que je loupe des choses.
Je les vois, tout autour de moi, ces personnes qui acquièrent des expériences sur la vie pendant que moi je traîne dans mes draps. Je n'ai pas réussi à me dégoter une petite amie lorsque j'en avais l'occasion, tout ça parce que j'avais peur de la suite. Tout ça parce que je me pose trop de questions, tout ça parce que c'est une chose qui m'est totalement inconnue.
Je n'ai pas de petit boulot parce que je n'ai pas envie de côtoyer des gens que je ne connais pas. Je ne vais jamais à des fêtes, des concerts, des expositions, des parcs d'attractions, des anniversaires...
Enfin, vous voyez le genre ?
Comme le dit le rappeur Orelsan dans un de ses titres ; "Putain j'vais crever mais j'ai jamais kiffé". Je ne veux pas me réveiller trente ans plus tard en me disant ça.

Et pourtant, la même chose se répète aujourd'hui.
Voilà que je me retrouve immobile devant un message Instagram que je viens de recevoir ;

"Ça te dit qu'on se voit prochainement ?"

Il s'agit d'un garçon avec qui je parle depuis plus d'un an. On s'est rencontré sur un site de jeux vidéos et il parait qu'il habite à deux heures de chez moi. Sauf que moi, même si je l'aime bien et qu'il est cool, je ne sais pas si j'aurai le courage de le rencontrer. Au pire, je me dis que je peux lui répondre oui et que si jamais, je pourrais trouver une excuse pour décliner deux jours avant.
...Mais sérieusement, c'est avec ce genre de comportement que je ne risque jamais d'avancer.

Je souffle en jetant mon téléphone sur mon matelas, ce dernier rebondissant avant de s'éclater sur le sol. Bien évidemment, je râle encore plus.
Cela attire l'attention de ma petite sœur qui débarque dans ma chambre, un pinceau à maquillage dans la main et de la poudre dans l'autre.

_ Tu peux faire moins de bruit ? Tu me fais peur à hurler comme ça à chaque fois ! Quand c'est pas sur tes jeux, c'est autre chose... Qu'est-ce que tu as ?

Elle me demande en fronçant les sourcils pendant que j'inspecte l'état de mon téléphone. Heureusement, il n'y a rien et je peux dire merci à ma coque de protection.

_ Quelqu'un veut me voir, mais je ne sais pas si je vais y aller.

_ Quoi ? T'as un rencard Noah ?! Accepte immédiatement.

_ Mais non, c'est un ami que je connais de mon site.

Ma petite sœur Juliette est au courant de comment je suis, en fait, toute ma famille le sait. C'est elle la plus compréhensive en fait, et je l'aime pour ça. Je lui parle souvent de mes amis virtuels, du bien qu'ils m'apportent. Mais elle sait que jamais je n'oserai les rencontrer en vrai. Pas parce que j'ai peur qu'un vieux de cinquante ans se cache derrière, mais plus parce que je ne saurai pas comment agir en vrai. Qu'est-ce que je vais devoir dire quand on va se voir pour la première fois ? Et si c'est gênant et que nous avons pas la même entente que derrière nos écrans ? C'est encore un flot de questions que je me pose sans cesse...

_ C'est comme tu le sens. Surtout ne te force pas mais, je suis persuadée que ça pourrait être une bonne chose pour toi de rencontrer Max.

"Une bonne chose", je sais de quoi elle veut parler.
Max est un garçon sympathique, il a toujours été une oreille attentive pour moi et c'est un pro pour filer des conseils aux autres. En fait, c'est le genre d'ami qu'on voudrait bien avoir dans la vraie vie à ses côtés, il a toujours le mot pour faire rire et il n'a aucune limite. Une vraie boule d'énergie. C'est vrai, ça serait une bonne chose pour moi de le rencontrer, mais voilà, il y a sans arrêt quelque chose qui me freine. Il y a sans cesse cette petite voix dans ma tête qui me dit que c'est une mauvaise idée.

Bon sang, au diable cette petite voix qui m'empêche de vivre.

"_ Quand est-ce que ça t'arrange ?
_ La semaine prochaine, mardi ?
_ D'accord.
_ Dans ce cas tu viendras me chercher à la gare de ta ville, je te redirais ça !"

Mes mains étaient en train de trembler et je n'en croyais pas mes yeux. Je venais vraiment d'accepter une telle chose ?
C'est bien beau d'avoir des coups d'éclair comme ça, mais quand il s'agit d'assumer ensuite, il n'y a plus personne.
Juliette me rassure, me dit que tout va bien se passer. Elle me raconte aussi que ça va me faire du bien, que c'est un premier pas vers une nouvelle façon de vivre, qu'elle est fière de moi. Je suis fière de moi.

Rouge flamboyantWhere stories live. Discover now