Chapitre 1 - Je suis le héros d'une tragédie

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Il y avait un café, au coin de la rue.

Ne manquant jamais de clients, il était surtout connu pour ses cafés latte et les dessins en mousse de lait que ses employés y faisaient. Les nouveaux venus étaient attirés par les bonnes critiques et l'ambiance apaisante qui y régnait, tandis que les plus fidèles clients venaient pour le chaleureux sourire du patron et la tarte aux fruits de saison.

Il n'y avait pas beaucoup de monde, ce jour-là.
Un couple prenait son quatre-heure dans un coin, un groupe de lycéens profitait du dernier jour du week-end, et un étudiant au bord de l'épuisement tentait de finir son devoir, les yeux rivés sur son ordinateur.
Tous s'étaient installés dans des fauteuils bruns, préférant leur confort aux chaises en bois décoré des plus petites tables. Ainsi, ils profitaient allègrement de la lumière filtrée par les rideaux orangés et de la mélodie de fond qui comblait les silences inopinés.

Une seule personne était assise au comptoir.

Ses prunelles cachées par une paire de lunettes noires, même le barman aurait été incapable de dire où elle posait son regard. Peut-être ses yeux fixaient-ils la verrerie devant elle, ou bien avait-elle fermé ses paupières.
De toute façon, personne ne s'en préoccupait. Son calme presque surnaturel et son air paisible favorisaient la discrétion. Et puis, la jeune femme n'aimait pas spécialement attirer l'attention. Certes, ses longs cheveux blonds retombant en cascade sur ses épaules avaient de quoi attirer l'œil pour une Japonaise, mais elle faisait avec.

Portant une main à son visage, elle dégagea son front d'une mèche de cheveux clairs. L'autre glissa sur le comptoir, grattant le bois verni de ses ongles, jusqu'à atteindre sa tasse de café fumante et à en tapoter le rebord. Elle ne semblait pourtant pas vouloir en boire le contenu. C'était à se demander ce qu'elle faisait dans cet établissement. Car à part fixer - en supposant - le comptoir en silence, elle n'avait ni voisin avec qui discuter, ni livre à dévorer, ni téléphone à regarder.
Mais elle n'avait pas l'air de s'ennuyer, au contraire. En faisant davantage attention à elle, on remarquait que sa main libre tapotait le comptoir au rythme de la musique de fond.

Tout de même, c'était bien étrange.
Elle ne faisait rien, assise sur sa chaise. Elle était là depuis un bon moment déjà, et n'avait quasiment pas touché à sa tasse. D'ailleurs, personne ne l'avait vue commander. À croire que le barman l'avait servie sans un mot, sachant ce qu'elle voudrait simplement en la regardant.
Ou alors, peut-être était-elle une habituée. Ce qui expliquerait cet échange silencieux.
Mais ça, personne n'y faisait vraiment attention.
Cette jeune femme était une cliente, tout ce qu'il y avait de plus normal, qui prenait juste son temps. Et puis, c'est à peine si on la remarquait, tellement elle paraissait discrète. Elle réussissait à effacer sa présence comme il était naturel de respirer.

Toutefois, une personne perturba son air serein et apaisant.

La blonde s'était décidée à prendre quelques gorgées de café lorsque la porte d'entrée s'ouvrit dans un léger grincement. Un courant d'air frais vint s'infiltrer dans la salle, tandis que la clochette accrochée au-dessus du battant tinta.
Un nouveau client venait d'arriver.

Le serveur le plus proche lui souhaita la bienvenue, un grand sourire aux lèvres. Il le salua poliment et lui indiqua la carte, écrite à la craie sur un tableau noir, juste au-dessus du comptoir. Le nouveau venu le remercia d'un signe de tête, s'approchant davantage pour y jeter un œil. Mais son regard, perdu entre chocolat chaud et supplément chantilly, dériva plus bas, sur le comptoir en bois. Et il vit la jeune femme.
Ses yeux s'illuminèrent, et il esquissa un magnifique sourire d'ange.
Il ne chercha plus à savoir ce qu'il allait boire, ni où il comptait s'asseoir. Il tira la chaise juste à côté d'elle, et s'installa dans un soupir.

Red, Blue, and Coffee - Bungo Stray DogsWhere stories live. Discover now