Prologue - Mnémosyne

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Les rares volatiles présents sur l'île brisaient le silence de leurs pépiements. Le soleil était à son zénith, l'air étouffant. Il n'y avait rien, ni personne sur ces terres et ce depuis bien longtemps. Des runes décoraient une ville en ruines, abandonnée depuis des siècles. Une statue, seul vestige d'une tragédie oubliée, se tenait intacte au centre de la cité. Non loin, un temple avait été dévasté. 

Une jeune femme caressait du bout de son doigt les constellations gravées dans la roche du temple qui lui servait d'habitacle, récitant leur nom un à un. Andromède, Cassiopée, Pégase, Persée... Elle s'attarda longuement sur ces constellations familières. Elle dégagea ses doigts de la pierre, les lèvres pincées, avant de soupirer en se laissant aller contre une rune. Depuis combien de temps était-elle sur cette île ? Depuis combien de temps avait-elle été jetée de sa ville natale ? Pourquoi Séléné l'avait-elle abandonnée ? Pourquoi Máni ne l'avait-il pas défendue ? Pourquoi personne n'était à sa recherche ? Allait-elle mourir seule sur cette île, dévorée par des animaux en tout genre ? 

Son cœur se serra dans sa poitrine. Sa main se mit à lui brûler ardemment. En son creux naissait une boule pétillante remplie d'étoiles. Boule d'énergie qu'elle lança avec rage contre une pierre qui n'avait rien demandé. Son corps se mit à trembler : l'angoisse montait en elle. Son cœur semblait être resserré au centre d'un étau. La jeune femme finit par plonger son visage dans ses mains fines, éclatant en sanglots. Elle était paniquée. Pourquoi sa mémoire lui faisait-elle autant défaut ? 

 Pendant un long moment, elle resta assise à pleurer en tirant sur ses longs cheveux argentés et en triturant sa peau à sang. L'esseulée subissait sa crise de panique sous le regard impavide des constellations du temple. Elle était épuisée d'être seule, épuisée de ne pas se souvenir des raisons de son exil. La jeune femme tenta de se le remémorer, mais rien ne vint. Excepté les gargouillis insistants de son estomac. 

L'infortunée se leva alors pour quitter le temple ravagé en soupirant. Elle devait chasser. À l'entrée du monument, elle cacha de son bras ses yeux violets. Le soleil l'aveuglait, mais elle s'y accommoda rapidement. Comme à son habitude, elle prit le chemin qui menait à la forêt. Peut-être qu'aujourd'hui elle serait plus chanceuse. Les victuailles avaient tendance à se raréfier sur cette île abandonnée. 

Elle grignota quelques végétaux à l'abri de la lumière du jour, loin des grosses chaleurs. Son regard analysa à nouveau son corps, qui lui paraissait si maigre. Depuis combien de temps était-elle ici, affamée ? Elle se sentait sale également. La folie la guettait : il n'y avait personne avec qui discuter. Son visage se leva alors vers le ciel, et elle se tassa sur elle-même. 

« Mère Lune... Guidez-moi. Aidez-moi, dit tristement la vagabonde en serrant ses jambes contre elle. J'ai besoin de vous. Ne m'abandonnez pas non plus. » 

Son menton finit par se poser sur ses genoux et elle se laissa bercer par le bruit des vagues non loin de là. Le son était régulier et apaisant. Ses orteils remuaient sur le sable chaud : une journée semblable à la veille s'annonçait. Son estomac lui faisait mal, la tête lui tournait facilement sous la chaleur accablante. Était-ce les prémisses d'une insolation ? Son corps fébrile se releva difficilement.

La jeune femme rebroussa chemin vers le temple. Là-bas, elle pourrait se protéger. L'insulaire n'en sortirait que lorsque le soleil aura laissé place à la lune. Son corps trouva une position adéquate sur son lit de fortune fait de feuilles de palmier. Comme toujours, son regard détailla chaque recoin de l'édifice qu'elle connaissait par cœur maintenant. Elle ferma les yeux, laissant le sommeil l'emporter.


Moody. 

L'interpellée se réveilla en sursaut. Elle se mit sur ses gardes, regardant autour d'elle avec inquiétude. Avait-elle rêvé ? Son esprit lui jouait-il des tours ? Elle n'aurait pas dû rester au soleil si longtemps. Secouant la tête, la petite femme s'avança vers l'endroit où elle avait cru entendre son nom. Un chemin escarpé et bloqué par une pierre énorme lui barrait la route. Elle haussa un sourcil, tendant l'oreille. Les bruits d'une cavité se faisaient entendre.

𝕷𝖆 𝕱𝖆𝖈𝖊 𝕮𝖆𝖈𝖍𝖊́𝖊 𝖉𝖊 𝖑𝖆 𝕷𝖚𝖓𝖊Où les histoires vivent. Découvrez maintenant