GOODBYE TO THE BLUE LONELY SKIES

(ii. reunion)

Être pris dans une apocalypse de zombies n'est pas si mal. Éric a eu le temps d'y réfléchir, d'essayer de trouver des points positifs à leur situation. Des choses idiotes lui sont venues à l'esprit, très éphémères. Ne plus avoir de cours par exemple, plus du tout. En tant que sportif de haut niveau, il en avait moins que les autres. Les corvées ménagères étaient aussi finies et toutes les discussions désagréables avec les personnes qu'il n'aimait pas.

Il rit à cette pensée idiote, serrant un peu plus fort ses jambes contre sa poitrine. Toutes ces personnes qu'il n'aimait pas ... elles sont probablement mortes pas vrai ? Elles ont dû être prises dans l'apocalypse et succomber comme tant d'autres personnes autour d'elles. Comme ses parents ont pu tomber. Il ne veut pas y penser, il ne veut même pas imaginer ce qui a pu leur arriver.

Alors que lui était bloqué ici.

Il a eu la stupide idée d'accepter de venir au camp d'entraînement trois jours plus tôt que les autres biathlètes afin de mettre au point ses derniers ajustements avant le début de saison. Une saison plus sérieuse, une meilleure saison pour lui. Il n'aurait pas eu besoin de ce temps supplémentaire, ses parents lui avaient assuré que tout irait bien. Il aurait dû les croire. S'il les avait cru, il aurait été à la maison quand tout s'est déclenché. Il aurait été avec eux ...

Le biathlon. L'idée est tout aussi douloureuse que le reste. Son sport, sa passion qu'il ne pratiquerait probablement plus jamais. Maîtriser les armes à feu n'aura sûrement pas été plus utile qu'aujourd'hui mais même en sachant viser et tirer, dans sa condition, ça ne servait à rien. C'était inutile. Le noir complet l'entoure, la seule lumière provient de son écran de téléphone, il lui reste peu de batterie et il n'a plus de réseau.

Ça a été vraiment étrange. L'apocalypse s'est déclarée et son groupe d'amis a échangé des messages jusqu'à la dernière minute. Il n'a pas su quoi leur dire. Qu'est-ce que vous dites à des gens qui sont sur le point de vivre un enfer ? Que vous n'allez sûrement plus jamais revoir ? Ils ont tous son âge, il y a là ses copains d'enfance, plusieurs avec qui il a pratiqué le biathlon, quelques amis provenant de ses études, plusieurs filles qui lui ont plu ... il leur a souhaité bonne chance et est resté avec eux jusqu'à ce que plus rien ne fonctionne.

Il se sent idiot. Aucun de ses messages à l'encontre de ses coéquipiers n'est parvenu à destination. Son premier réflexe a été Antonin, mais plus les secondes défilaient sans nouvelles, plus il contactait chacun des membres de l'équipe. Il était sûr d'avoir vu Fabien en ligne, il priait pour recevoir de son aide.

Fabien a toujours été, vous savez, cette personne trop proche de lui et inaccessible à la fois. Un rayon de soleil, d'une beauté à couper le souffle. Il s'est tout de suite senti intimidé, il était trop jeune pour le désirer, pour espérer quoi que ce soit de lui et pourtant ... et pourtant il aurait presque aimé lui avouer ses sentiments, lui en toucher ne serait-ce qu'un mot.

Parce qu'Eric va mourir aujourd'hui.

Ça fait deux jours entiers qu'il s'est réfugié dans un petit local et a verrouillé la porte. Deux jours qu'il observe le jour se lever et se coucher par la fenêtre sans pouvoir rien y faire. Deux jours sans eau ni nourriture, ni moyen de sortir. Sa carabine le nargue presque de là où elle est, de là où il l'a jetée après être entré ici. Le grattement à sa porte est constant. Ils savent qu'il est ici alors ils ne partiront pas et il sait qu'ils sont trop nombreux pour qu'il parvienne à les affronter.

Dans ses moments les plus fiévreux, il a imaginé ouvrir la porte et dégainer son arme et peut-être en réchapper. Dans d'autres moins glorieux, il a imaginé ouvrir et se faire dévorer vivant, se demandant si c'était douloureux. Il avait l'impression de le mériter au fond. Ceux qui tapent à l'extérieur sont les membres du staff de l'équipe, qui l'ont protégé jusqu'au dernier moment. S'il n'avait pas été là ... peut-être seraient-ils encore en vie.