Chapitre Vingt-Six - Les dés sont jetés

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Castiel était en train de composer dans son appartement. Depuis le départ de Milla cinq jours plus tôt, il avait repris ses libertés dans son appartement. Il pouvait se balader en caleçon, laisser trainer la vaisselle, et ses chaussettes sales et jouer de la gratte toute la nuit, choses qu'il n'aurait pas osé faire en présence de la jeune femme. Il avait apprécié sa présence mais c'était aussi agréable de retrouver ses marques sur son territoire.

Après avoir déposé son amie à la petite maison de la plage qu'il connaissait bien. Régulièrement, il y avait séjourné avec le groupe pour se poser après une tournée ou seul pour se recentrer sur lui-même. Castiel était resté en contact avec Milla pour la prévenir des dernières avancées depuis que le dossier des Argonautes avait été transmis à qui de droit. Son avocat avait parcouru les documents fournis et avait lancé différentes démarches pour libérer Nathaniel. Toutefois, rien n'avait encore bouger. Ils savaient tous les deux que cela pouvait prendre du temps. Il y avait beaucoup d'informations à analyser, des enquêtes et infiltrations à mener sans les Argonautes ne s'en rendent compte.

Sa conscience se trouvait quelque peu allégée depuis qu'il avait aidé à sa mesure, le jeune couple.

Puis son téléphone sonna et Castiel décrocha rapidement en voyant le nom de son avocat s'afficher.

— M. Larcher, j'ai d'excellentes nouvelles ! s'enthousiasma-t-il. Monsieur Demarey, est en bonne voie pour sortir de prison.
— Quoi ? Vraiment ? Si vite ?
— J'en suis tout aussi surpris. Mais d'après mes renseignements, le GIGN a mis sur pied plusieurs opérations depuis deux jours suite aux informations livrées. Même s'il n'est pas encore totalement sorti d'affaire, M. Demarey va quitter la prison et peut-être remis en liberté sur engagement personnel, caution ou surveillance électronique. Il n'est pas blanchi de tous les faits mais l'inculpation pour meurtre est tombée à l'eau.
— C'est- c'est dingue cette histoire... qu'est-ce que je peux faire maintenant ?
— Rejoignez moi au commissariat de Saint-Amour si vous êtes disponible.
— Pas de souci, j'arrive !

Castiel abandonna toute activité et attrapa sa veste qui trainait sur un fauteuil au passage. En descendant l'étage pour rejoindre sa voiture, il sortit son téléphone et composa le numéro de Milla. Il n'y eut aucune sonnerie et il tomba directement sur le répondeur et lui résuma rapidement les faits. Ce n'était pas bien étonnant qu'il n'arrive pas à la joindre, la maison sur la plage n'avait qu'un seul défaut : elle était isolée et se trouvait au milieu d'une zone blanche où on ne recevait les appels et les messages que dans le couloir entre les deux chambres de l'habitation. D'un côté, le calme et la déconnexion étaient garanties, de l'autre, la communication en était fortement entravée.

Une fois au commissariat, Castiel fut rejoint par son avocat, confiant.

— M. Demarey signe différents papiers. Je me suis permis d'avancer la caution de 15 000 euros, expliquai-t-il. En échange, il doit se présenter tous les jours à ce commissariat au risque de retourner en prison.
— OK, mais comment c'est possible ?
— Eh bien...

L'avocat fut interrompu par l'arrivée d'un visage sévère que le chanteur reconnut : le commissaire divisionnaire Margotier. Derrière lui, le regard de Castiel fut attiré par la masse de cheveux blonds de Nathaniel qui marchait à sa suite. Malgré la fatigue de ses traits, le regard de l'ex-Argonaute brillait d'espoir et son visage se fendit d'un sourire en apercevant son camarade. Ce dernier fut aussi heureux et étonnamment surpris lorsque Nathaniel le prit chaleureusement dans ses bras. Ça, il ne s'y attendait pas.

— Merci, merci pour tout...
— De rien, mais, je comprends pas...
— Grâce aux informations qui nous ont été livrées, nous avons fait plusieurs descentes aux lieux indiqués, débuta le commissaire qui se permit de fournir des réponses. Nous avons trouvé de la drague en grande quantité et de l'argent. A partir de là, nous avons approfondi tous les éléments à notre disposition.

Sur ordre du commissaire, la brigade financière avait lancé un audit sur le restaurant qui servait à blanchir l'argent sale et la police des polices avait ouvert une enquête en interne sur le lieutenant Thomas. Presque la totalité des Argonautes avaient été arrêtés, interrogés et incarcérés et eux même avaient donné des informations pour réduire leur peine. De fil en aiguille, la police avait découvert de nouvelles planques et notamment le bâtiment où Chris avait été tué avant que le corps ne soit déplacé dans l'appartement de Nathaniel.

Castiel assimila les informations, toujours un peu perplexe de la rapidité des opérations et des résultats.

— Tout ça, c'est si rapide et si soudain...
— Nous avons encore de nombreux éléments à étudier avant de pouvoir conclure cette histoire mais si M. Demarey continue à nous apporter son aide, nous pourrons revoir de notre coté pour l'aider. Les inculpations de trafic restent effectives mais sa collaboration est précieuse et nous pourrons faire un geste de notre côté..
— Je ferais tout pour vous aider, affirma Nathaniel.

Le visage du flic se détendit et il osa même un sourire en coin. Margotier était prêt à laisser tout le monde repartir quand il se souvint d'une information capitale.

— Malgré tout le dispositif mis en place, Grégoire Thomas nous a échappé. Il n'était ni chez lui, ni chez sa petite amie et sa famille ne sait pas ou ne veut pas nous dire où il se cache. Je ne sais pas comment il a appris que nous étions à sa poursuite mais il reste dangereux et il est extrêmement malin alors faites attention.

Les deux camarades de lycéen hochèrent la tête d'un air grave. Ce dernier élément venait de plomber une suite de bonnes nouvelles. Tant que Jason n'avait pas été arrêté, le risque planait. Sur cette dernière mise en garde, le commissaire de Margotier les quitta définitivement.

— Bon, dans l'ensemble, ce sont de bonnes nouvelles tout ça ! se réjouit l'avocat. M. Demarey, je ne peux que vous conseiller de rentrer chez vous, de vous reposer et surtout, n'oubliez pas, vous devez absolument vous présenter tous les jours au commissariat en attendant de nouvelles dispositions.
— Je ne manquerais pas un jour, je vous le promets.
— Nous restons en contact messieurs, bonne fin de journée !
— Merci encore.

Les deux jeunes hommes se lancèrent un regard en coin, une lueur de défi dans les pupilles.

— Si j'avais su que j'allais t'être redevable...
— Tu m'aurais moins cassé les couilles, c'est ça ? acheva Castiel.

Nathaniel ricana, son complice l'imita et ils quittèrent le bâtiments libres, ou presque.

— J'imagine que tu n'as pas fait ça tout seul, où est Milla ?
— C'est aussi et surtout grâce à elle que tu t'en es tiré. Elle est dans une maison sur la côté en attendant que l'histoire se tasse. J'imagine que tu veux aller la voir ?
— Si tu me laisses le temps de prendre une douche avant. Et ne lui dit rien s'teu plait, j'aimerais lui faire la surprise !
— OK, je viens te chercher chez toi dans une heure.

Nathaniel hocha la tête et les deux garçons se séparèrent.

**

Je reçus le message vocal de Castiel vers 18 heures 30, soit au moins trois heure après qu'il ne me l'ait laissé. J'étais partie à la supérette de la petite station voisine à pieds et ce fut seulement à ce moment-là que j'avais eu assez de réseau pour écouter le message. C'est vrai que j'avais pu avancer considérablement sur mes révisions et mon mémoire depuis les cinq jours que j'étais ici. Une fois par jour, je me rendais au fast food du coin pour capter un peu de wifi, échanger avec Rayan, Chani et télécharger des articles. L'air de la mer était éreintant et malgré les inquiétudes concernant l'avenir, je dormais comme un bébé. Ce soir pourtant, je pensais être incapable de dormir tellement la nouvelle m'enthousiasma. J'aurais été capable de rentrer en courant à Saint-Amour, à défaut d'avoir de voiture.

Je savais que, dès que le chanteur aurait des infos, il me tiendrait au courant... Si seulement je recevais ses message en temps et en heure mais ça, c'était une autre histoire... La maison était très agréable mais elle était isolée et il me fallait une bonne dizaine de minutes de marche pour rejoindre le premier magasin ou habitation.

Vers 19 heures 30, je tentai de contacter Castiel entre les deux chambres dans le couloir, là où je pouvais espérer avoir deux à trois bâtons de réseau. Malheureusement, la tempête annoncée sur le littoral annulait toute tentative. Tant pis. Si demain, je n'avais aucune nouvelle, j'irai en ville pour demander de passer un coup de fil, à l'ancienne. Le soir était tombé depuis plusieurs heures et, entre la télé en fond sonore et mon mémoire sur mon pc, je somnolais déjà. J'attrapai mal au cou et je décidai qu'il était temps d'aller me coucher. Le vent violent s'amusait à jouer à l'extérieur, à brasser le sable et chambouler les vagues.

J'éteignis les lumières et me dirigeai vers la porte de devant pour la verrouiller. Une ombre à l'extérieur me fit froncer les sourcils. Je poussai le nez au delà des rideaux et vis avec effroi le visage de Grégoire Thomas de l'autre coté de la vitre. J'eus un sursaut de recul mais c'était trop tard, il m'avait vue.

— Je sais que tu es la Milla ! C'est à cause toi que tout est arrivé...

Je restai interdite de l'autre côté de la porte que j'avais heureusement verrouillée. La poignée s'abaissa, Jason força mais elle ne céda pas. Il voulait entrer, m'agresser, me tuer peut être même. Enfin sortie de ma paralysie, je me mis à courir pour trouver mon téléphone que je pris d'une main tremblante. Je traversai la maison pour rejoindre l'autre porte à l'arrière qui donnait sur la plage. Terrifiée, je fis tourner la clef dans la serrure, et ouvris la porte. Je fus fouettée par la puissance du vent, mêlé aux embruns de la mer. Regardant de droite et de gauche, je me jetai à l'extérieur de la maison, mes pieds nus s'enfoncèrent dans le sable. Rapidement, les poumons me brûlèrent. Lumière dans l'obscurité, mon téléphone m'indiqua que je pouvais enfin passer un appel après m'être éloignée d'une centaine de mètres. Je ralentissais pour appeler Castiel, tout en me retournant pour guetter mes arrières.

— Millaaa !

Dans mon dos, je voyais Jason avancer rapidement vers moi, à grandes foulées. Ma peur redoublée, je repris ma course, mon téléphone à l'oreille en espérant que mon correspond décroche. Avec un élan d'espoir, j'entendis la sonnerie de l'autre cote du fil et enfin la voix hachée de mon ami de l'autre coté.

— Castiel !! Il est là !
— Milla ? De quoi tu parle ?
— Jason ! Il m'a retrouvée !

Je n'entendis pas bien ce qu'il me disait en retour avec le bruit de la tempeête et la panique qui m'empêchait de me concentrer sur autre chose que ma course. Le coeur palpitant, ma gorge brûlante de l'air frais, j'étais incapable de réfléchir correctement. Il était évident que je n'allais pas pouvoir distancer Jason, il allait forcément me rattraper. Il était plus grand et plus entrainé. Je n'avais que deux options qui s'offraient à moi : me cacher dans les dunes ou rejoindre la ville et interpeller le premier inconnu que je croise, en espérant ne pas tomber sur un complice.

**

— Accélère putain ! On est à combien de temps encore ?
— Environ dix minutes au moins.

Castiel appuya sur la pédale d'accélération en dardant son oeil sur le voyant de sa batterie electrique en espérant qu'elle ne les lache pas avant leur arrivée.
Nathaniel remuait à côté de lui comme s'il le siège était en feu. Concentré sur sa conduite, Castiel tâchait de calmer son angoisse et de ne pas ruminer sa culpabilité. C'était lui qui avait eu l'idée d'emmener Milla dans cette maison. Il pensait qu'elle y serait en sécurité, sans imaginer que isolée, elle serait une proie facile. Comment Jason avait-il pu la trouver ? Il restait flic bien que poursuivi. Il avait très bien pu suivre les appels de la jeunes femme et la localiser.

— Tu devrais avertir la police, pensa soudain Castiel.

Nathaniel s'exécuta alors que la voiture venait de passer le panneau d'entrée de Fort-Bresson à toute allure pour rejoindre la place. Depuis une vingtaine de kilomètres, le vent s'était intensifié et fouettait violemment la voiture et le pare-brise.

A peine la voiture à l'arrêt, Nathaniel descendit, imité par Castiel.

— Va examiner la maison, je vais voir sur la plage ! cria Nathaniel au chanteur pour surmonter le bruit de la tempête.

Castiel hocha le tête et courut à la maison tandis que son complice s'enfonçait dans l'obscurité et le sable.

**

Mon souffle se perdait dans le vent, mon regard avait beau fouillé la nuit, je ne voyais rien à plus de quelques mètres. Je saisis mon téléphone de mes mains tremblantes à tenter d'appeler Castiel mais toute tentative se solda par un échec. Tellement bouleversée, je fis tomber le téléphone dans le sable. Mon corps tait transi de ford bien que les muscles de mes jambes étaient douloureux de ma course. J'attendais encore un peu avance de m'élancer à nouveau. Je devais quitter le sable qui me ralentissait pour le béton, et ceux, même si j'étais à pieds nus.

Récupérant mon téléphone, je me redressai lentement et tentai de me repérer dans cet enchainement de dunes qui se ressemblaient toutes. Lentement, le corps plié en deux, j'avançais le plus discrètement possible. Je n'avais plus aperçu Jason depuis que je n'étais terrée entre les dunes et soulagée, je m'élançai d'un coup en espérant me diriger vers la bonne direction. Une rafale de vent me fit trébucher et me glaça jusqu'à l'os mais je suivis ma route, tout en guettant les alentours. Dans ma main, mon téléphone se mit soudainement à crier et à briller au milieu de la nuit comme un phare. Le nom de Castiel s'afficha et précipitamment, je décrochai.

— Milla, t'es où ? s'exclama-t-il.
— Dans les dunes, je me suis cachée ! Aaaarrgh !

Je sentis soudainement une prise autour de mon cou, une poigne d'une force décuplée qui me tirait en arrière tout en m'étranglant à moitié. Je me retrouvai au sol, Jason au dessus de moi, qui me maintenait par les épaules. Son regard habituellement maitrisé paraissait fou.

— Vous allez me le payer tous les deux ! grogna-t-il de haine.

Je me débattais en tentant de lui griffer le visage, mes jambes remuaient dans le vide, il ne me rester que ma voix et je me mis à hurler de toutes mes forces durant quelques secondes avant qu'il ne plaque sa main sur ma bouche. Toujours folle de peur et de désespoir, je lui jetai du sable au visage. Il recula une seconde en grognant et je pus ramper sous lui mais il me rattrapa et tira sur mon t-shirt que j'entendis craquer dans mon dos.

Je n'eus pas le temps de voir un autre individu dans mon champ de vision qui se jeta sur Jason et le tira en arrière. Son poids fut arraché de mon corps et les deux hommes se lancèrent dans une lutte dans le sable. Je me redressai et vis, malgré l'obscurité, les cheveux lumineux de mon petit-ami.

— Nathaniel ! criai-je à la fois soulagée et horrifiée.

Ils se battaient comme des démons que personne ne semblait pouvoir séparer. Une troisième silhouette émergea d'au delà des dunes et se précipita vers moi.

— Milla, tu vas bien ? questionna Castiel tout en jetant un coup d'oeil aux Argonautes. qui réglaient leur conflit.
— Aide le s'il te plait !

Nathaniel s'était retrouvé au dessus de Jason, son poing s'abattit sur le visage de l'ex-lieutenant de police sans que celui-ci ne puisse répliquer. Castiel se jeta dans la mêlée pour tirer Nathaniel en arrière.

— Lache le !
— J'vais le buter pour tout ce qu'il a fait ! Il a tué Chris, il a fait du mal à Milla !
— Et maintenant, tu dois être avec elle ! Laisse le aux flics !

Et il le poussa dans ma direction et s'occupa de Jason, sonné. Il le redressa sur son séant et garda une main ferme sur sa nuque pour avorter toute tentative de fuite. Nathaniel posa sur moi et pour la première fois de la soirée, un regard désolé et chargé de culpabilité.

— Milla. Je suis...

Lâchant un soupir tremblant, je me précipitai vers lui pour l'enlacer. Je retins mes pleurs même si mes peurs commençaient à peine à s'alléger. Nathaniel me rendit mon étreinte avec force, je le sentais aussi ému que moi.

Les sirènes de police approchante, nous firent lever le nez et en une fraction de quelques secondes, une dizaine d'agents de police en uniforme envahirent la plage, dirigée par le commissaire divisionnaire Margotier qui se posta près de nous.

— Bon travail M. Demarey, il avait completement disparu de nos radars. Je le croyais déjà parti à l'étanger...
— Il faut croire qu'il avait encore des comptes à régler.

En disant cela, Nathaniel lança un regard noir à Jason/Grégoire Thomas, menoté qui passait près de lui au même moment.Les deux hommses l'avaient mauvaise mais l'un avait gagné et l'autre perdu.

— Une ambulance est présente si vous en avez besoin, me fit le policier. Nous aurons le temps demain de prendre votre disposition.
— D'accord, merci.

Nathaniel abandonna sa veste qu'il passa sur mes épaules et, avec Castiel, ils m'emmenèrent à la camionnette où un pompier prit mes constantes. A part quelques hématomes et égratignures à mes pieds, je n'avais aucune blessure. Je restai toutefois fort ébranlée. Les deux garçons me racontèrent leur après-midi, la libération de mon petit ami et les conditions de sa remise en liberté.

— Alors, c'est fini pour de bon ? questionnai-je incrédule.
— L'enquête n'est pas encore finie, il reste quelques Argonautes en liberté et il faudra encore remonter toute la filière à l'étranger mais pour toi et moi, tout est réglé.

Soulagée, je reposai ma tête sur l'épaule de Nathaniel qui échangea un regard reconnaissant avec Castiel.

[Terminé][Amour Sucré][Nathaniel]TraumaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant