Halcyon Ripple (Sano Manjiro)

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« Jamais tu n'useras de ta lame pour d'autres desseins que pour le bien, Tenshi. »

On a beau m'appeler Ange là où je vis, mon vrai nom, c'est Fujiwara Tenshi, fille de l'illustre samurai Fujiwara Hajime.

Si l'on devait me comparer à ces créatures mythiques, alors oui, ma physionomie rappelait celle des chérubins aux boucles d'or et aux yeux diaphanes. Mais si vous me demandez mon avis, je me comparerais plus à ces terribles roues couvertes d'yeux qu'on décrit comme la véritable apparence des anges.

Cette phrase qui tournait en boucle dans ma tête, a été prononcée par mon père au début de mon apprentissage. Persuadé que je ferai la plus grande sabreuse de l'Empire du Japon, et que je défendrai la veuve et l'orphelin au péril de ma vie, il a souhaité me transmettre l'art du katana en dépit de ma condition de femme. Noble pensée, mais c'était sans compter sur sa mort quelques années plus tard. Je n'étais alors âgée que de treize ans. Mon honorable père avait péri en héros, défendant le village de l'envahisseur.

Je ne sais pas si l'on pouvait gratifier ma mère d'autant de mérite. Ce que je sais, c'est qu'elle luttait admirablement pour notre survie, se tuant à la tâche un peu plus chaque jour. C'est la tentation qui l'a eue, quand elle a accepté au printemps de mes quatorze ans de suivre un étranger jusqu'en Angleterre, pays d'origine de ma génitrice. Seulement voilà, l'air était vicié dans ce pays de malheur, autant que le cœur des gens. C'est pour cela qu'elle a succombé à une terrible maladie pulmonaire, me laissant aux mains de son amant, un vieux bourgeois avide d'exotisme.

C'est cette avidité qui l'avait perdu lui aussi. Friand de belles choses, de soie chinoise, d'estampes japonaises, de fruits vietnamiens, il dilapida toute sa fortune dans l'oisiveté orientale comme s'il était le riche souverain d'un royaume. Sauf que Clifford n'était pas noble, il détenait à peine le titre de commerçant. Au pied du mur, il se résigna à me vendre, la fille de sa défunte maîtresse, comme une vulgaire marchandise.

C'est ainsi que je me retrouvai esclave d'une famille de nobles pendant un mois. Un mois seulement, parce que je n'ai pas supporté le piteux traitement que l'on me réservait et je me suis enfuie. J'ai quitté les nuits à récurer le sol dégueulasse jusqu'au petit matin, pour disparaître dans la nuit sale de Londres, entre les rats et les alcooliques.

La pire semaine de ma vie se passa dans la rue. J'ai côtoyé la misère comme je ne l'avais jamais vue. Je n'étais plus rien d'un humain. J'ai développé une haine sans nom pour l'ex amant de ma mère, Clifford, et pour la noblesse anglaise. Je les voyais se cacher derrière les rideaux de leurs calèches, méprisants, dégoûtés par la pauvreté extrême qui logeait à quelques miles de leurs manoirs. Je regrettais amèrement mon pays, mon katana, mes kimonos, et surtout, mon père.

Je serais sûrement morte, plantée par un tueur en série et abandonnée dans un caniveau, si ce n'était pour le Halcyon Ripple. Une bande de voyous, c'est ce qu'on était tout au plus, du moins au début. Des enfants de la rue, l'engeance des quartiers sombres de la capitale.

Et là, j'ai trahi le serment que j'avais fait à mon père. Je me suis servie de petits couteaux, puis de dagues, puis d'épées pour piller, massacrer, tuer. J'ai couvert mes mains d'un sang carmin qui ne s'en irait jamais. Nous avons monté une guilde mercenaire, transformant une simple bande de jeunes en organisation du crime organisé.

— Ange ?

C'est Fern qui m'appellait, me coupant dans mon monologue intérieur. Cela devait faire une heure que j'attendais le moment opportun, aplatie sous des buissons taillés. L'obscurité, ma seule amie, me couvrait sous son voile. Il devait être aux alentours de minuit.

Je levai un œil vers l'entrée du château. De larges candélabres d'extérieur inondaient le palier de lumière jaunâtre. L'immense porte vitrée semblait si facile à briser, je la voyais briser en éclats sous mon épée. Mais ce soir, je n'allais avoir besoin que de les pousser de mes deux mains.

THE KIDS AREN'T ALRIGHT | tkr osOù les histoires vivent. Découvrez maintenant