Les étoiles brillent

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Trois heures du matin.

Le ciel est noir comme l'encre, la pluie tombe en ruban et l'orage gronde, menaçant. 

Deux femmes dans la pièce, les lumières sont éteintes. 

La lune laisse entrevoir leurs silhouettes, braquant ses rayons sur elles. 

Des bougies éclairent la pièce et les flammes créent des ombres sur leur visage.

Born to die, de Lana Del Rey résonne dans la pénombre de la pièce.

— Et si on quittait tout ? Si on s'enfuyait sans se retourner ?, dit la femme à la cigarette, comme prise d'une révélation.

— Pour aller où, dis moi ?

La femme au verre de vin n'est pas surprise, elle s'est habituée au fait que sa compagne dise des choses sans établir de contexte à l'avance, comme si cela s'imposait à elle comme une évidence.

— On pourrait aller n'importe où, je te laisse le choix. J'irai partout où tu iras, tout me va.

La femme au verre de vin avale une gorgée et réfléchit à la proposition, même si elle en connaît déjà la réponse.

— L'Italie, comme à l'époque où on rêvait de partir.

— Alors, on part pour là-bas si tel est ton choix.

Deux sourires échangés, une mèche remise en place et une caresse douce sur la joue.

Elles n'ont pas besoin de mots pour communiquer, les gestes parlent d'eux-mêmes.

Un silence confortable prend place, la voix lente et doucereuse de la chanteuse leur parvient comme un murmure prononcé dans le creux de l'oreille.

Les étoiles brillent haut dans le ciel.

La nuit a toujours été leur moment préféré de la journée.

Alors, que la majorité de la ville dort, elles restent éveillées et font tout un tas de projet.

Avez-vous déjà ressenti ce sentiment de liberté quand vous réalisez que vous êtes la seule personne à observer les étoiles et que le reste de la population a déjà plongé dans les bras de Morphée?

C'était exactement ce qu'elles ressentaient à cet instant, la nuit leur appartenait et ce, jusqu'à ce que la lune tire sa révérence et que le soleil éclaire le monde de sa lumière.

— Ali ?

La femme au verre de vin se tourne vers sa compagne, curieuse de savoir ce que celle-ci va lui dire.

La femme à la cigarette lui caresse la joue, scanne son visage, laisse ses yeux s'attarder sur sa bouche. Puis elle sourit, un vrai sourire qui monte jusqu'à ses yeux, qui lui donne cet air adorable, cet air angélique qui en charme plus d'un. Les étoiles se reflètent dans ses yeux, lui donnent ce côté scintillant comme l'étincelle du désir qui brûlent entre elles, comme cet amour ardent qu'elles ont l'une pour l'autre, ce feu qu'elles ont dans les veines et qui les rendent invincibles. Presque. Elles sont au-dessus de tout à cet instant.

La femme au verre de vin sait que la femme qui tient son coeur entre ses mains ne dira rien de plus. Elle voulait juste son attention. Mais elle n'a pas besoin de la demander, la femme au verre de vin la remarque toujours, ses yeux suivent chacun de ses mouvements, chacune de ses actions. Elle écoute chaque battement de son coeur, chacune de ses respirations, chacun de ses rires, chacun de ses mots, chacun de ses cris. Elle écoute même les larmes qui coulent, les larmes invisibles, celles qui ne vivent qu'au fond des âmes, celles qu'on ne montre jamais mais qu'on sent glisser dans chaque fibre du corps. Elle entend tous les doutes et tous les espoirs. C'est simple, elle n'entend et ne voit qu'elle, partout, tout le temps.

Et l'autre le sait, parce qu'elle aussi la remarque à chaque moment, à chaque endroit. Comme la lune qui suit la voiture dans la nuit. Elles sont l'une et l'autre cette lune, l'une et l'autre cette voiture.

Et soudain, ce moment se brise. Comme le verre de cristal qui tombe, leur bulle éclate en mille morceaux. Elles savent ce que cela signifie. Elles savent que le moment du départ a sonné pour elles. Elles les entendent, ces sirènes qui crient au loin dans la ville, ces sirènes qui leur disent que bientôt tout pourrait basculer pour elles. Mais leur fin n'est pas proche encore. Elles ont encore du temps devant elles. C'est maintenant ou jamais, une minute de plus et leurs projets voleraient en éclats, finiront en cendre, se noieront dans les profondeurs de leurs imagination.

Alors elles se regardent, elles sont prêtes. Un éclair illumine le ciel, tragédie nocturne. Et comme lui, elles s'évanouissent dans la nature.

~

— L'Italie, tu as dit ?

Deux femmes sont devant l'aéroport, le jour reprend doucement sa place dans le ciel.

Il n'y a pas un chat, pas un bruit, faisant régner un air de fin du monde sur la ville.

La femme à la cigarette est maintenant la femme aux lunettes, et sa compagne a délaissé son verre de vin. Elle est désormais la femme au chapeau.

— Oui, comme à l'époque.

La femme au chapeau esquisse un sourire. Leurs rêves n'auront pas été gâchés.

Les étoiles brillentWhere stories live. Discover now