Chapitre 36 : Attaque

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— Pourquoi? Toi dire que les dragons pouvoir faire ce qu'ils veulent!

— C'est plus compliqué que ça. (Sÿervik tourna la tête vers moi, les yeux pleins d'un reproche froid :) Si je vole, je vais du bruit et on peut me voir. Et si la Garde me voit, qu'est-ce qu'elle va faire, à ton avis?

Elle lapa la cicatrice de morsure sur mon bassin, marque rose sur ma peau blafarde. Un frisson traversa mon échine quand le souvenir des chiens qui me l'avaient faite et des Autres, si semblables à Ayden mais si étrangers et froids, me revint. Pourquoi Ayden était-il le seul bipède à vouloir mon bien? Même Räe avait tenté de me tuer quand je l'ai mordu — je l'avais pris pour un Autre, lui aussi : il avait la même attitude dure, la même méfiance —. Qu'avions-nous fait, moi et Sÿervik, pour être autant traqué? On n'avait rien fait de mal.

— Elle va faire mal à nous, soufflai-je, regardant le sol.

Sÿervik hocha la tête et continua sa lente ascension, faisant dégringoler les rochers glissants entre ses pattes. Je la suivais par petits bonds entre les pierres. C'était difficile pour quelqu'un de ma taille et mes pattes s'engourdissaient rapidement, mais je refusais de décélérer le pas, pour ne pas perdre ma camarade de vue.

— Et, haletai-je en trébuchant sur une pierre. Pourquoi Sÿervik pas partir? Très loin de la Garde?

— Je ne peux pas. Je dois rester avec Räeghan.

— Pourquoi?

— Tu es vraiment plein de questions... (Elle s'ébroua dans une lassitude amusée :) Je ne peux pas le laisser, comme tu ne peux pas laisser Ayden. Il a besoin de moi, et j'ai besoin de lui. Un lien plus grand que la destinée nous relie, lui et moi. J'ai donc décidé de rester à ses côtés.

Cela me fit réfléchir. Devrais-je aussi rendre la pareille à Ayden? Il m'avait sauvé la vie en me montrant le chemin hors de la caverne, après tout.

— ... car Räeghan est ta famille?

Sÿervik hocha la tête avec un vrombissement, puis elle s'arrêta, tournant la tête vers l'horizon.

— On est arrivé.

Je relevai la tête. La vue qui s'offrit à moi me coupa le souffle et fit battre mon cœur plus fort encore.

La corniche sur laquelle nous nous trouvions donnait sur l'immensité de la forêt de pins dans laquelle nous vivions, qui était tel un immense tapis de verdure sombre. Les arbres et la brume qui s'en dégageait s'étalaient si loin à l'horizon que je devais plisser les yeux pour en voir le bout. Les oiseaux voletaient et virevoltaient au-dessus des cimes; nous étions si haut que je pouvais même voir les aigles planer dans le ciel bleu à la recherche de leurs futures proies. La touche finale qui faisait vraiment la beauté de ce tableau était le soleil se couchant en face de nous; une demi orbe géante faite d'or et de rouge, reflétant sur les lointains nuages des nuances de rouge vif, de rose pâle et de violet sombre.

— C'est magnifique, n'est-ce pas?

Je hochai la tête sans dire mot face à cette immensité, qui me donnait l'impression d'être minuscule et tremblant. Mes yeux avaient toujours été trop près du sol, bloqués par les arbres qui m'ombrageaient; jamais je n'aurais cru que tout était si grand par-dessus la terre et les cimes. C'était tout simplement époustouflant, et savoir que je devrais redescendre un jour me déchirait le cœur.

— C'est si grand... horizon avoir fin, là-bas?

— Oui, mais tu ne peux pas la voir d'ici. C'est ce que Räeghan m'a dit.

— Tu être déjà allé à la fin?

— J'ai passé toute mon enfance à explorer cette forêt. Malheureusement, je n'en ai jamais vu la fin : les habitations des humains m'empêchent d'y accéder en volant.

Le Vœu du Dragon (LES ÉVEILLÉS - I)Where stories live. Discover now