Chapitre 35 : Tourisme

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 Quand ils arrivèrent au bout de la rue sombre et étroite, une vague de nervosité donna des suées à Ayden et il s'arrêta. Encore quelques pas de plus et ils seraient en pleine lumière, à la vue de tous.

On ne devrait pas être ici, pensa-t-il pour la énième fois. Quand Räe avait dit qu'il voulait l'emmener à Vhongëdas quand il était ivre, il ne pensait pas que le jeune homme allait tenir la promesse une fois sobre. C'était une idée ridicule, la plus idiote qu'ils pouvaient faire. Ils allaient se faire attraper dès qu'il poserait le pied dans la lumière du jour, et hop! Retour à la case prison, et cette fois, il ne pourrait pas y réchapper.

— Arrête de stresser, lui dit Raëghan en souriant, les mains dans les poches.

— Je stresse pas-

— T'as plus rien à craindre, mec. Ça fait plus d'un mois que t'as filé, les soldats ont baissé leur garde, depuis. Et même si ton... (Le blond le désigna de haut en bas avec sa main :) ... ton apparence est assez remarquable, les vêtements que je t'ai donné devraient faire le taf'. Personne ne suspectera un garçon habillé noblement d'être un Tarial : avec un peu de chance, on pourrait même te prendre pour un Édéréen aux cheveux lisses.

— Qu'est-ce que... c'est censé vouloir dire? (Ayden plissa les yeux et fronça les sourcils :) Les Tarials sont pas des bouseux. Et je ne suis qu'à moitié Tarial : ma peau et mes yeux sont plus clairs que la normale.

— Ils vivent dans les arbres et utilisent le poison des animaux et la magie noire pour chasser. On dit même que certains ont des griffes et des écailles. C'est flippant, non?

— Ce sont des techniques ingénieuses qui sont adaptées aux jungles inhospitalières de Tariel, où la construction de cités est impossible. (Ayden croisa les bras et bomba le torse pour tenter d'égaler la taille du Nordique, en vain :) Tout est-il que les Tarials sont pas tous des magiciens barbares qui marchent à pieds nus, Räe. J'ai l'air d'un rustre, pour toi? Parce que je ressembles à un Tarial?

— Non, non, pas du tout! (Le regard du jeune homme devenait de plus en plus fuyant, comme s'il avait réalisé qu'il s'embourbait dans une pente glissante :) C'est juste qu'ils n'aident pas vraiment à arranger leur réputation... on les voit presque jamais hors de leur région, ils ont pas de représentant au Conseil des Cités d'Estepène, ou même de Garde locale : tu m'étonnes que certaines personnes croient qu'ils font naître les dragons et les mauvais esprits.

— Peut-être qu'on ne leur donne simplement pas la chance de le faire...

— ... Excuse-moi de t'avoir manqué de respect, Ayden. C'est pas ce que je voulais faire. Je voulais simplement dire que-

— Mon apparence est assez pour m'attirer la méfiance, aussi haut dans le Nord. Je sais.

La conversation terminée, Ayden se tourna et se pétrifia. Durant leur altercation, ils avaient fini par s'avancer dans la lumière et maintenant, ils se trouvaient en plein milieu de la rue principale de Vhongëdas. La foule autour d'eux semblait interminable, des gens de toutes les formes et couleurs allant et venant entre les boutiques dans un bruit bourdonnant. Ayden se sentait observé de tous les côtés et interpelé par tous les cris et les rires. Malgré la chaleur étouffante sur le pavé, il ne pouvait s'empêcher de frissonner. Un vertige le prit, mais une main assurée le stabilisa.

— Tu vois, personne ne fait attention à toi, lui souffla Räe. Si on reste dans les rues bondées, personne ne nous remarquera.

— Et toi, tu n'es pas connu, ici? Tu es le fils d'un Comte.

— J'ai disparu des radars depuis qu'on m'a destitué et mon apparence a bien changé depuis le temps : je ne ressemble presque plus à mon père, maintenant. Les gens qui pourraient me connaître pensent que je suis simplement son bras-droit et conseiller.

Le Vœu du Dragon (LES ÉVEILLÉS - I)Where stories live. Discover now