Chapitre 34 Les Firs

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1957, 19 avril (matin)

– C'est incroyable ! Continuez ! Continuez ! C'est fascinant ! Celui ou celle qui a créé cet enchantement était très fort ! s'écriait Hendry en contemplant le Devolatus avec une certaine admiration.

L'histoire de Jessop se révélait au fil de la lecture à voix haute d'Adela. Les lettres se métamorphosaient à chaque mot lu, à chaque respiration de la letiferus. La magie opérait et persistait le temps de la lecture. Une fois le texte achevé, il se brouillait de nouveau.

Hendry n'avait pas pu résister, il s'était approché. Il était si heureux de voir le phénomène qu'il en oublia les envoûtements d'Asham. Il effleura cette histoire fabuleuse qui se dérobait à ses yeux. Presque immédiatement, il fut pris de violentes convulsions. Adela referma alors le coffret avec soulagement avant de tenter de secourir Hendry.

Près d'une heure plus tard, alors que tous deux se remettaient encore à des degrés divers des souffrances infligées par le livre, Hendry demanda à la jeune femme si elle pouvait lire le chapitre suivant. Il lui avait semblé très court et il était avide d'en savoir plus. Une fièvre nouvelle avait investi son esprit. Il voulait savoir.

Adela aurait pu refuser, mais elle ne l'avait pas fait. Elle s'était engagée à lire le livre. Autant le faire le plus rapidement possible. Elle s'était donc installée de nouveau à la table et avait ouvert le Devolatus à la bonne page.

L'écriture, plus fine avec une encre plus sombre recouvrait le papier avec une régularité étonnante. La page, unique et solitaire, ne comportait aucun dessin. Juste un récit dense dont Adela admira les arabesques avant de prendre conscience qu'il était bien différent du précédent. Alors que l'histoire de Jessop lui apparaissait clairement sur le papier (la transformation à laquelle avait assisté Hendry n'était visible que par lui, car pour Adela, le texte avait toujours été intelligible), ce chapitre ne lui parlait pas, il ne lui racontait absolument rien. C'était comme d'ânonner une liste de vocabulaire étranger sans traduction. Elle connaissait pourtant un grand nombre de langues mortes, mais ça ne l'aida pas. Comme Hendry, elle supposa que, peut-être, la révélation n'opérerait qu'en lisant à voix haute.

Elle buta sur les premiers mots comme si la langue employée était râpeuse, pleine d'aspérité. Elle persista. Une fois arrivé au centre de la page, elle eut une sensation étrange. En plus de la douleur diffuse toujours présente lorsqu'elle lisait, une impression de désastre imminent s'empara d'elle.

– Arrêtez de lire ! Arrêtez tout de suite ! s'écria brusquement Hendry en la faisant sursauter.

Le diogonos s'était redressé comme électrisé. Il avait mis trop de temps à comprendre que ce que lisait Adela n'était pas un chapitre du livre, qu'il s'agissait d'autre chose. Une chose qu'Asham, la sorcière, avait introduit dans le texte pour parachever son envoûtement.

Adela ne bougeait plus. Elle respirait à peine. Autour d'elle une sorte d'ombre dansante s'enroulait en volutes funeste. Pàl entra précipitamment comme s'il avait toujours été là. Sans prendre la moindre précaution, il arracha la page aux lettres sinistres et la déchira en deux. Immédiatement, elle disparut, réduite en fine poussière.

L'espace d'un instant, le temps sembla s'être arrêté dans la pièce. Les diogonos reprirent leurs esprits au claquement du coffret qu'Adela ferma d'un geste brusque avant de se lever pour leur faire face.

– Qu'est-ce que c'était que ça ? s'écria-t-elle.

– Une incantation. Une incantation d'Asham.

– Vous voulez dire qu'en plus du sort qui provoque cette souffrance insupportable chez moi comme chez vous, il y a d'autres trucs magiques à l'intérieur du livre ? Des trucs qui pourraient nous faire plus de mal encore ?

DEVOLATUSHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin