Fourre-tout (nouvelles)

Le pays des contes au XXIe siècle

Histoire écrite avec ma sœur.

En bas de la tour de Raiponce, 11h

Courbé sur son smartphone, le prince se promenait dans Bois-Perdu. Rien n'aurait pu l'en détacher. Ou presque : il tendit l'oreille.

« You're here, there's nothing I fear, And I know that my heart will go on... »

Subjugué, il en lâcha son écran des yeux. Il se demanda à qui était cette voix magnifique, à la fois belle et douce, et même pas modifiée. Il leva le nez, s'attendant à voir un oiseau (logique, la voix venait d'en haut.) Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant une splendide jeune fille qui chantait à la fenêtre d'une haute tour !

Elle caressait ses longs cheveux dorés et nattés (mais pour être longs, ils étaient longs ! Ils descendaient presque jusqu'au bas de la tour, qui devait faire pas loin de dix mètres de haut.) Ce faisant, elle chantait, regardant les nuages d'un air rêveur.

Il s'approcha et elle le vit. Elle fronça d'abord les sourcils, puis, voyant qu'il était beau gosse, lui adressa un doux sourire et battit de ses faux cils.

« Je m'appelle Raiponce, lui dit-elle. Bonjour, prince. »

Sans savoir ce qu'il faisait, il lui demanda s'il pouvait monter en haut de la tour, avant de se rendre compte qu'elle n'avait pas de porte. Il regarda le bout de la longue tresse qui se balançait à côté de lui, puis il regarda la jeune fille, puis il regarda la tresse et l'attrapa.

Elle poussa un hurlement mais sembla trouver que c'était une bonne idée.

« Monte, lui dit-elle sans le vouvoyer. Mais fais gaffe : j'ai fait un brushing ce matin. »

Elle soupira.

« Je me sens bien seule depuis que ma mère adoptive, la sorcière, m'a confinée dans cette tour. Elle est très Covid-friendly... Elle refuse que je voie du monde, elle a mis pour protéger la tour des maléfices qui bloquent les inconnus, les antivax et les imprudents... Mais toi, prince, tu n'es pas vraiment un inconnu et je suis sûre que tu es parfaitement en règle. »

Il ne se le fit pas dire deux fois et entama son ascension de la tour en s'aidant de la longue chevelure.

Raiponce, d'en haut, tenait ses mèches dorées le plus fermement possible en poussant un petit cri à chaque fois qu'il tirait un peu trop fort. Le prince, d'en bas, peinait à trouver les bonnes prises pour ses pieds, et par plus d'une fois, il lâcha prise et retomba d'un ou deux mètres, arrachant un cri à la propriétaire de sa corde à nœuds improvisée. Pour ce qui était des nœuds, il y en avait un paquet : compliqué de brosser correctement autant de cheveux.

Juste avant qu'il arrive en haut, tout courbaturé, le seul papier qu'il avait dans la poche s'en échappa et s'envola jusqu'en bas. Mon certificat de vaccination, pensa-t-il.

Raiponce l'accueillit d'un sourire à la Emma Watson. Il essaya de franchir sa fenêtre pour entrer, quand soudain, un maléfice le projeta au bas de la tour. Il eut juste le temps d'entendre sa belle crier à la fenêtre :

« Me dis pas que t'as oublié ton passe sanitaire ? »

FIN

Château de la Belle au Bois Dormant, 14h 30.

Le Prince Charmant et sa suite, montés sur leurs destriers blancs, trottaient depuis près d'une heure. Le Prince avait été pris ce jour-là de la fantaisie d'explorer la forêt «à l'ancienne», autrement dit sans voiture.