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II. la chance finira par vous rattraper

Jeno avait eu raison, la nuit avait été plus salvatrice qu'il ne l'aurait pensé

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Jeno avait eu raison, la nuit avait été plus salvatrice qu'il ne l'aurait pensé.

Il avait dormi cinq heures et demie malgré le froid polaire qui régnait dans la chambre. Les crissements des pneus sur la route en contre-bas l'avaient tiré de son sommeil, ses draps étaient en vrac, ses pensées aussi, et il regardait par sa fenêtre le jour faire son entrée.

Il était six heures du matin, nous étions en mai. Renjun bailla en faisant mine de remettre quelques-unes de ses mèches à leur place. Il avait l'impression que l'appel avec Jeno avait eu lieu dans une autre temporalité. Comme si son cerveau mettait les moments tristes de côté dans une bulle en cristal.

Il se leva, étira tous ses muscles courbaturés et jeta un coup d'œil à la pièce adjacente, la salle d'eau. Il vivait dans un petit studio deux pièces où sa chambre était aussi sa cuisine et son salon. Les murs étaient tapissés d'études au fusain et au crayon gras, de toiles à moitié sèches ou terminées, de photos, de posters, les étagères portaient des cartons de fournitures, des pots d'acrylique, des appareils photo aussi, un numérique et deux argentiques. Dans son monde, le vide n'avait pas sa place.

L'eau brûlante lavait les souvenirs de cette soirée baignée de larmes. Il avait tellement honte, d'abord du désespoir dans lequel une feuille blanche pouvait le plonger, mais aussi d'en avoir fait par à Jeno, qui avait du subir ses pleurs trop longtemps. Renjun était pudique, encore plus face à la relation complexe qu'il entretenait avec son art.

Des mains dorées et une tête vide.

Il serra les dents. Pourquoi s'infligeait-il ce genre de réflexions ? Ses lèvres tremblèrent un peu et il retint quelques larmes. C'était peut-être vrai.

Il observa la vasque blanche qui peinait à contenir sa grande collection de parfum et sa trousse de toilette. Un léger coup de crayon au coin des yeux, une touche de parfum dans la nuque.

Automatiquement, il enfila ses vêtements, clairs, oversize, à son image. Il renifla.

Le talent n'est pas un mérite.

Peut-être.







**









Sept heures et demie à sa montre, il s'aventura dans les rues de la ville. Il avait tendance à éviter les transports en commun aux heures de pointe, les humains étaient effrayants. Une épaisse couche de nuages arpentait le ciel et colorait les rues en gris. Le temps était lourd et la météo lui informa que ça ne s'arrangerait pas.

L'errance était sa dernière option lorsqu'il manquait d'inspiration. Il observait le monde en laissant ses pieds s'occuper du reste. Il remettait ses espoirs aux mains de la Chance en attendant le miracle, l'éclair de génie, l'idée du siècle. Parfois, c'était un signe futile, une vitre fêlée, une place vide, un oiseau dans une éclaircie, un fleuriste qui préparait son bouquet, un enfant qui jouait aux billes mais aujourd'hui ça sera un café.

𝗵𝘆𝗽𝗲𝗿𝗯𝗼𝗹𝗲Où les histoires vivent. Découvrez maintenant