pourquoi la mort te fait peur [hwitae]

J'entends les sauts de ton cœur

 Les bips incessants et habituels des dizaines de serveurs entassés dans la pièce, Taeyang les connaît. Parfois, dans ses meilleurs jours, il les transforme même en une jolie petite musique. Mais ce soir, ce n'est pas le cas. Bien sûr, ce n'est pas la première fois qu'il paie des gens pour réprimander à sa manière les petits malins qui croient pouvoir échapper aux conséquences, mais c'est relativement rare, et ça l'est encore plus qu'il vienne y assister. Ce type est sacrément chanceux. Non seulement il a réussi à s'introduire dans les lignes de code de YooShine ! sans problème, mais il a pu également modifier drastiquement l'interface du réseau social (il a oublié les détails à cause du stress du moment, mais il lui semble qu'il y avait des trucs du style « YooShine ! vous exploite et va vous tuer ») et faire fuiter tout ce qu'ils avaient fait d'illégal dans les dernières années. Une chance qu'il ne soit pas allé plus loin, se dit Taeyang, il ne saurait pas comment régler cette histoire dans ce cas.

Dans sa (courte, pour l'instant) carrière en tant que PDG de l'application, il a de nombreuses fois été confronté à de l'opposition. C'est vrai, en même temps, que le réseau social contient quelques défauts. Mais au vu de sa grandeur, presque celle d'un État (mais avec beaucoup plus d'utilisateurs, l'année dernière, Yooshine ! contenait plus de 3 milliards de comptes), c'est normal que tout ne soit pas exactement sous contrôle. Et même si son poste est important, Taeyang ne connaît pas toute l'étendue des problèmes, d'autres en-dessous de lui s'occupent de les gérer tant bien que mal, et quand ils dégénèrent, ça finit par arriver à ses oreilles. Et à celles de ses parents, qui, même s'ils ont officiellement pris leur retraite, n'ont jamais arrêté de veiller (plus ou moins intrusivement) sur leur fils et comment il gère l'entreprise. Les cyberattaques font partie des problèmes qui arrivent le plus entre ses mains. Bien sûr, il a déjà eu plusieurs fois affaire à plusieurs hackers, certains talentueux, la plupart travaillant pour la Russie, la Corée du Nord ou même les États-Unis. Cette fois, cependant, c'est différent, parce que le petit malin vient d'ici, et ne paraît avoir aucune revendication, sinon celle d'arrêter les mensonges et les rentrées d'argent par tous les moyens. Peut-être un vieux professeur de lycée fatigué qui croit aux utopies, ou une minette pleine de courage et de fierté à qui on n'a pas appris à ne pas se frotter aux plus gros qu'elle. Il le saura bientôt, de toute façon.

Les coups se rapprochent de plus en plus, avec toujours, juste avant, les mêmes questions : « Tu travailles pour qui ? Réponds, connard ! Quel pays ? », sauf que, et c'est assez particulier pour être mentionné, il n'y a aucune réponse. Juste quelques petits halètements de douleur haineux, parfois un geignement étouffé. C'est quelqu'un de robuste, et s'il veut l'avoir à l'usure, ils vont devoir y rester une partie de la nuit.

Quelques secondes passent, et le voilà au dernier croisement avant de faire face au fameux hackeur. Il respire un bon coup, réajuste son costard (toujours faire bonne première impression devant quelqu'un de talentueux, et en l'occurrence, cette personne l'est beaucoup plus que lui), et s'avance doucement, la tête haute.

Une silhouette cachée par plusieurs couches de vêtements confondus dans l'ombre de la pièce. Des cheveux bruns longs encadrant un visage ovale couvert de sang. Des yeux sombres perçants à travers l'obscurité relative. Et surtout, au moment où l'homme remarque sa présence et lève la tête vers lui, un sourire amer se dessine sur ses lèvres. Un sourire horriblement familier. Merde.

« On se connaît, non ? » Lance l'étranger, sa diction altérée par la douleur et sûrement quelques dents cassées.

Néanmoins, après une courte grimace de souffrance, le sourire revient. Il sait qu'il a des cartes en main, et même s'ils ont largement l'avantage sur lui, rien ne l'empêche de les aplatir sur la table. Taeyang ne peut pas le laisser tenter ne serait-ce que l'embarrasser.