13. ENFANTILLAGE

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— Oh non, je sais très bien ce que tu as en tête et je te préviens, n'essaye même pas de m'approcher.

Sa noblesse lui défendait formellement de se laisser aller à de tels enfantillages. Mais sans qu'elle ne le voie approcher, Rohan la souleva tout entière par les hanches et la plaça au-dessus de sa tête. Inaya et Jin éclatèrent de rire face aux débats inutiles de la jeune femme. Rohan sauta finalement dans le vide avec la panthère, rejoignant ainsi Milo dans ce grand bain naturel.

— Allez, on t'attend en bas ! proclama Jin en se jetant d'une vrille en arrière.

Inaya sauta à son tour en fermant les yeux. En moins d'une seconde, elle avait disparu dans les tréfonds du lac, avant de refaire surface dans une profonde inspiration.

Milo se précipita sur Jin, à qui il fit boire la tasse en lui plongeant la tête sous l'eau.

— Alors comme ça on veut se mutiner, hein ? Tu sais ce que va te coûter cette insubordination ?

— Attaque-toi plutôt à quelqu'un de ta taille ! lui lança Rohan en le propulsant violemment sur plusieurs mètres.

Le ton était blagueur et cet élan de puérilité requinqua le moral des troupes.

— Vous ne me laissez pas le choix, il est temps d'utiliser ma technique secrète !

D'une énergie folle, Jin agita ses bras dans tous les sens, éclaboussant tous ceux à portée de tir. Son déchaînement dura plusieurs secondes et, lorsqu'il s'interrompit finalement, il put constater que Milo avait disparu. Inaya lui fit signe de baisser les yeux. Avant qu'il ne puisse réagir, Milo le coula. Son approche sous-marine avait porté ses fruits. Il ressurgit de l'eau fièrement en secouant sa crinière et déclara :

— Bon, je crois bien que j'ai gagné.

— Heu...

Inaya lui indiqua de relever les yeux cette fois-ci. Une ombre gigantesque recouvrit le visage devenu pâle du jeune lion. Rohan avait profité de la diversion pour escalader un rebord et venait de se propulser en forme de bombe au-dessus du lac. Milo déglutit péniblement puis disparut sous la masse de son camarade qui souleva des vagues entières à son impact. C'est lui qui avait gagné.

Lucia se mit à rire de cette attaque improbable, mais quand elle s'aperçut qu'Inaya lui adressait un regard gracieux, elle s'empressa de regagner son sérieux. Ce mépris était pesant pour Inaya qui ne demandait qu'à se rendre utile pour l'Ordre.

Elle se refusa cependant à gâcher ce moment de douceur et sauta à son tour sur Rohan.

— Ne crie pas victoire trop vite, il te reste encore des adversaires à terrasser !

Ce qui se déroulait dans ce lac défiait tout bon sens. Une pointe d'insouciance égarée en pleine hostilité. Une touche de légèreté, dans un océan d'âpreté. Le cadre était plaisant, ce qui les y avait conduits était le besoin d'ouvrir une parenthèse afin de soulager un poids outrancier pour reposer sur d'aussi frêles épaules. Car en dépit de leurs statuts et de leurs responsabilités, les Palakis restaient des adolescents. Des gamins privés de leur ataraxie juvénile par un devoir étouffant. Loin de leurs parents, loin de leurs préceptes et de leurs obligations, cette bataille d'eau symbolisait une revanche sur la vie et sur le destin qui leur était imposé.

Une fois les esprits défoulés et les vêtements séchés, la route put reprendre. Le soleil ne tarda pas à décliner au profit d'une nouvelle nuit éreintante. Au troisième jour, le moral était au plus bas. Les esprits s'échauffaient, lassés d'errer en ce lieu désagréable. Lucia fut la première à exprimer son déplaisir.

Kiza et l'Ordre des PalakisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant