L'horloge racle. Elle frotte – elle paraît essayer de retenir le temps –.
Au-dessous, Solène Monchal-Renoubert, le menton pendant, le ronflement léger, la bave délicate. L'élégance en personne, assureraient certains – l'auteure n'est pas certaine –.
Autour, dans toute sa gloire, trône la salle d'attente de Docteure Rieux ! Murs jaunes et affiches sales – et petit corps humain assoupi dans un coin –. Aussi fatiguée que la propriétaire des lieux.
Quelque part claque une porte. Solène sursaute, éveillée.
Pam
Des pas approchent...Puis la Docteure – la seule, l'unique, l'idole des nations ! – est là, tirant par la main un enfant décrassé. Solène lui sourit. L'enfant ne sourit pas.
Encore une victoire sociale ! elle pense.
« Alors ? » elle dit.La médecin hésite. Quand elle parle, enfin, c'est dans un souffle tremblant :
« Rien. Je... Rien du tout. Quasiment pas de traces de fumée dans ses poumons. Aucun dérèglement. Enfin, il refuse de parler, mais c'est... C'est comme s'il n'avait jamais... Jamais, jamais ! été exposé au feu.
— Une force de la nature, alors... C'est bien, petit ! Tu iras loin. »Sous le regard sceptique de cet enfant de chair, d'os, et de traitement anti-chaleur, Solène poursuit :
« Tout est bon, donc ? Je peux le récupérer ? »La Doc' soudain se fige :
« Solène... Ce n'est pas une bonne idée. Je ne pense pas.
— Oh. D'accord.
— Ce n'est pas contre... C'est juste... Tu es jeune. Trop jeune, je pense. Un petit, ça a besoin de stabilité. »Sans fureur dans ses yeux de bronze, sans tristesse ou sans espoir, Solène murmure :
« Je comprends. Vraiment. Oui, d'accord. Il faut faire ce qu'il y a de mieux ! Et si ce n'est pas moi... »Ses mots meurent. Tic tac. D'autres aussitôt renaissent :
« A qui vas-tu le refiler ? Aux Goutins ? Ils en ont déjà neuf, un de plus ou de moins, qui verra ? Ou Bénédicte ! Je suis persuadée qu'elle porte bien les cernes et la démarche lourde des parents débutants. Ou...
— Tous refusent, Solène. »Ça alors, admire l'autre, l'humanité prêche toujours l'amour du prochain ! Qui s'y attendait ?... – ce n'est pas censé faire aussi mal, si ? –.
« Personne ne le veut, ce gosse. Ils sont tous persuadés que c'est un enfant illégitime. Certains disent même que le môme est sorti du feu, qu'il est enfant du Diable.
— Il n'a pas l'air si diabolique. Un peu calme sur les bords, peut-être, ça cache quelque chose. »C'était une plaisanterie, bien sûr. – Bien sûr –.
« Les gens ne veulent pas se mêler à tout ça, Solène. C'est ainsi. Tout le monde considère le môme comme un déchet.
— Il ne faut pas dire ça ! »
Solène se jette presque au sol pour rassurer l'enfant :
« Je t'aime, moi, petit. D'accord ? Je t'aime. N'écoute pas les Vilains-Pas-Beaux. »
L'enfant hoche la tête, n'ayant... pas l'air particulièrement rassuré.Un silence grandit.
Solène l'assassine :
« Dis, Doc'... Qui va le prendre alors ?
— Les services sociaux.
— Non, non. »Non.
« Crois-moi, il veut ne pas se retrouver là-dedans, le môme ! Le trou dans le système, tu sais quand tu y tombes mais pas quand tu ressors. C'est un tout petit trou dont tu vois le sommet sans pouvoir t'échapper. Je vais le prendre, moi ! C'est le mieux.
— Solène...
— J'ai traîné mon enfance sur les pavés crasseux de l'orphelinat Sainte-Elise. Ce n'était pas le meilleur, crois-moi. C'était hideux, ça puait. C'était un petit coin qui échappait aux règles ! Tu sais, notre monde rond est plein de petits coins. Je vais prendre l'enfant. »
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La Silencieuse
Romance"Ils disent que c'est un meurtre." La tasse entre les doigts resserrés de Lili tremble comme un volcan. Et le rire de Solène s'étrangle dans l'air chaud. Mais tout va bien, toujours. (Solène est terrifiée. Du meurtrier, oui ! des ombres, aussi... m...