8: Rogue

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Quatorze heures pile. Je frappa contre la porte du bureau du professeur Rogue et attendis patiemment que l'homme me donne l'ordre d'entrer. Ce qui ne tarda pas. D'une démarche lente, je pénétra dans l'antre du Maître des Potions.

C'était une pièce basse de plafond. Les murs entiers étaient recouverts d'étagères croulant sous les potions dans des fioles de formes différentes. Il y avait une myriade de couleurs allant du flacon transparent à l'opacité la plus totale.

J'avais toujours été subjugué par cette diversité. J'aurais donné cher pour voir mon enseignant à l'œuvre. La réalisation de potions était, pour moi, comme tenter de lire du chinois. Il suffisait que je m'approche d'un chaudron pour que ce dernier fonde. Seule la théorie me sauvait. C'était à se demander comment j'avais pu réussir à obtenir un Optimal dans cette matière lors de mes BUSEs alors que j'étais clairement incompétente.

Rogue était assis à son bureau, penché sur des copies. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'il ne s'agissait pas des Poufsouffle. À le voir barrer des copies à l'encre rouge et inscrire des notes très faibles, ce devait être des Gryffondor. Il était de notoriété publique que la maison des Lions était celle qui souffrait le plus de la rage du Maître des Potions.

– Posez votre sac, nous y allons.

Obéissante, je déposa mes affaires à ma place habituelle, près du bureau, et attendit que Rogue daigne laisser ses copies. Ce qui ne tarda pas. Il se leva, récupéra quelque chose sur une étagère et se tourna vers moi, dardant son regard sombre sur son élève.

Severus Rogue n'était pas beau. Il était appelé par la plupart des étudiants la chauve-souris des cachots, en rapport avec ses robes noires qui flottaient derrière lui telles des ailes de chauve-souris. Il n'était pas aimable non plus, cependant je savais que ce n'était qu'une façade puisque j'avais eu la chance de découvrir un homme patient.

Lorsque j'étais venu le voir en Première Année pour lui demander une faveur concernant les cours, j'avais cru que mon professeur allait me tuer, au mieux. Mais Rogue m'avait prié de m'asseoir pour que nous en parlions. Ce que nous avions fait pendant une heure. Au final, il avait accepté de réaliser des potions, moyennant finance, pour m'aider autant que possible.

– Pouvons-nous y aller ?

– Oui, Mr, assurais-je.

Sans la moindre hésitation, Rogue s'engouffra dans sa réserve débordante de potions, suivi par moi. De là, il ouvrit un passage dans le mur et disparut dans un couloir étroit. Nous débouchions dans un salon vide. Seule une cheminée se tenait dans un coin.

Ce n'étaient pas les appartements du professeur. Il s'agissait simplement d'une salle de transit jusqu'au bureau du directeur. Le logement de fonction de Rogue était quelque part dans le dédale des couloirs. Il pouvait être n'importe où mais chacun estimait qu'il devait se situer dans les cachots puisque ses étudiants et sa salle de classe étaient là.

Nous aurions pu nous y rendre sans passer par le réseau de cheminette, toutefois, ni lui ni moi  ne devaient être vus en dehors des cachots, encore moins quand j'étais censé être en retenue.

Rogue m'emmène voire mes parent, ils sont malades depuis toujours.

Le bureau directorial était le seul à être relié au réseau anglais et non juste à celui mis en place par Poudlard pour aller d'un endroit à un autre du château et le directeur acceptait de nous servir de couverture lorsque nous devions nous rendre à Ste Mangouste. Il était parfaitement au courant de nos allées et venues pour la bonne et simple raison qu'il en était l'instigateur.

Dès le moment où il s'était aperçu que je ne connaissais pas ni n'avait jamais vu mes parents, il m'avais proposé de m'y rendre. D'abord avec lui ou le professeur Chourave. Puis avec Rogue qui était son Maître des Potions et son expert en la matière.

Dumbledore nous attendait confortablement assis dans son imposant fauteuil de velours rouge et peint à la feuille d'or.

– Ils vous attendent.

Pas de bonne journée. Juste une légère tape sur l'épaule pour moi. Un geste de réconfort car la visite serait dure. À chaque fois j'en ressortais épuisé et en larmes. Il fallait dire que ce n'était pas facile de voir mes parents vivre comme des enfants de quatre ou cinq ans, de se rendre compte qu'ils ne pouvaient reconnaître leur petite fille.

Je ne les avait jamais appelés « papa » ou « maman ». Car ils ne le comprendraient pas. Ils avaient le physique d'adultes de trente-sept ans mais la mentalité d'enfants. À côté d'eux, j'étais l'adulte. C'était vers moi qu'ils se tournaient quand il était présent et que quelque chose n'allait pas.

Rogue jeta une poignée de poudre de cheminette dans l'âtre en annonçant sa destination. Il me fit signe d'y aller la première. À peine un pied dans les flammes vertes, je sentis mon corps tourbillonner à toute vitesse. Je voyais d'autres cheminées passer autour de moi à toute allure. Le cœur au bord des lèvres, je préféra fermer les yeux.

Devrais-je t'aimer?Where stories live. Discover now