Constellation (suite de d'arbre en arbres)

2. Qu'est-ce que l'amour

- Tu es sûr qu'il n'en manque pas ?

Logan déposa son pinceau dans le seau de peinture phosphorescente, se tourna précautionneusement sur son escabeau, avant de croiser les bras pour envoyer à Roman son regard le plus découragé.

Il cilla à peine.

- C'est juste que j'en ai jamais vu si peu !

- Tu m'as bien dit que cette scène était censée se dérouler dans une grande ville de Vystre ?

- Oui, mais...

- Et comme je te l'ai expliqué maintes fois, mon cher Roman, les zones densément peuplées, non-protégées par une canopée, produisent une abondante pollution lumineuse qui masque la plupart des étoiles. Je n'ai donc peint que les plus brillantes ou les plus proches.

- Tu as mis cette constellation que tu détestes ?

- Je ne la déteste pas, je trouve simplement qu'un groupe de seulement quatre étoiles ne devrait pas être considéré comme une constellation à part entière, et qu'elles ne ressemblent même pas à un trèfle. Mais, oui, j'ai représenté les deux étoiles les plus brillantes. De manière réaliste.

- Mais c'est moins beau, ronchonna Roman, croisant les bras à la manière d'un jeune enfant.

Logan se félicita de la lumière tamisée (pour mieux distinguer les étoiles peintes sur le faux-plafond) et de ce que Roman regarde ailleurs, car il était adorable comme cela, et son visage avait sûrement montré ce sentiment. Il jeta tout de même un regard au reste de la salle des décors pour vérifier que personne ne l'avait pris sur le fait.

Quand il croisa le regard d'une jeune Naga tenant une brassée de costumes, il eut un mouvement de recul. Une mauvaise idée, considérant qu'il se trouvait debout sur l'avant-dernière marche d'un escabeau.

Il poussa un cri bref en basculant en arrière, et la pièce sombre se revira à l'envers quand...

- Oomf !

Quand sa tête cessa de tourner, il croisa le regard joyeux de Roman. Un Roman qui le tenait contre sa poitrine, un bras derrière ses épaules et l'autre sous ses genoux.

- Logan ! Tu tombes bien ! dit-t-il en riant.

- J'aurais pu me faire très mal et c'est comme ça que tu réagis ? demanda Logan, la voix juste un peu plus aiguë que d'habitude.

- Mais il n'y a aucun danger, tant que je suis dans les parages ! Vous n'avez rien à craindre, gent damoiseau.

- Oui, oui, bon, bien joué- Eh !

Sans cesser ses propos grandiloquents, et surtout sans déposer Logan au sol, le jeune Roy se dirigea vers un coin de la pièce où il se laissa tomber sur un divan. Logan rebondit un peu durant la manœuvre, avant de rougir de plus belle quand il réalisa qu'il était assis en travers des genoux de Roman.

- Vous avez de la chance que la peinture ne se soit pas renversée, dit la jeune Naga en replaçant un dernier costume sur son cintre. Tarde pas trop, Ro, on fait une italienne du deuxième acte dans 20.

Si Logan avait terminé ses classes pour la journée, ce n'était pas le cas de son ami, dont le cours de théâtre se poursuivait jusqu'en soirée. Ce qui avait permis à Logan de venir lui donner un coup de main avec les décors, et peut-être, juste peut-être, se distraire de la conversation à venir avec Virgil.

- N'aie crainte, Cyndel ! Je ne tarderai pas ! Et je suis sûr que Lo a fini de se garrocher en bas de l'escabeau.

Elle roula les yeux, lança un dernier demi-sourire à Logan et serpenta par la porte, éventuellement suivie de sa longue queue verte.