Homonyme

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Un grand et beau jeune homme assit en haut d'un tour. Personne ne le voit. La raison est simple, les humains ne croient plus aux dieux. Ils en font des œuvres de fiction et les oublient. Comme ils oublient tous les autres.
Pré-histoire, égypte, antiquité avec les grecs et les romains, et maintenant ils commencent à oublier leurs dieux unique. Jusqu'à en apporter un autre.
L'homme soupire, il comprend. Tous ces dieux existent. Comme lui. Les humains leurs donnent substance, mais aussi mœurs, us et coutumes.
Il songe. Ce n'est pas un ou plusieurs dieux qui ont créés les humains. Ce sont ces derniers qui ont créé les dieux.
Le bel homme se lève, regarde le sol et s'élance. Si quelqu'un l'avait vu, tout le monde aurait paniqué. Au dernier moment le dieu, car on ne peut l'appeler autrement, déploie ses grandes ailes. Il frôle le haut du crâne des citadins, leur apparaît comme un souffle de vent.
Il est cupidon.
Il est oublié.
Il s'assoit à la table d'un café et observe les occupants. Un couple, trois amis, un premier rendez-vous, un homme seul, des serveurs. Cupidon, car c'est le nom qu'on lui a donné, s'approche de l'homme seul et s'assoit face à lui. Il le regarde dans les yeux, voit son histoire. Émouvant, touchant, humain. Comme toujours. Mais cet homme l'intéresse, il a une beauté. Pas éblouissante comme celle d'une star, cachée. Un homme calme et tranquille, comme on en croise peu. L'homme se lève et paye. Le dieu le suit. Il ne s'inquiéte pas, plus personne ne le voit. Si, quelques enfants parfois. Une innocence touchante. Ils croient encore au père Noël, à la fée des dents, au lapin de pâque, à la magie et voient les dieux oubliés.
L'homme sort des clefs et ouvre un petit appartement. Le dieu le suit et regarde le studio. Propre, organisé, le lieu de vie d'un étudiant sérieux. Il travaille une heure deux heures. Puis va se coucher, s'endort.
Pendant tout ce temps Cupidon l'a observé, cela fait longtemps qu'il ne s'est pas intéressé à un mortel. Il le regarde dormir et s'approche, lui caresse le front et vient se coucher contre lui. Son corps de pierre immuable, rempli de sang doré, contre celui de papier fragile, rempli de sang carmin.
L'homme se réveille, papillonne des yeux et le regarde étonné. Cupidon passe une main sur le front du mortel et lui parle doucement.
"Un rêve, je n'existe pas... Je suis désolé Hyacinthus, j'aurais dû te garder pour moi au lieu de les faire se battre pour toi et te tuer"
L'humain hoche la tête, dans leur sommeil ils sont dociles et naïfs. Manipulables.
Le mortel entoure le torse du dieu de ses bras et le serre contre lui, ressentant une une affection qu'il ne comprend pas.
Cupidon donne un baiser chaste à l'homme. Il sait que ce n'est qu'un homonyme, que son affection est fausse et qu'il a manipulé ses sentiments. Mais pour la première fois depuis des centaines d'années il sent son cœur battre et ferme les yeux un sourire triste jouant sur ses lèvres. Le jour suivant, le dieu le sait, il sera déjà parti.
Il ne reviendra plus.
Il lui fait un dernier cadeau et s'en va.
A tout jamais.

Recueil de nouvelles OlympiennesWhere stories live. Discover now