Enchères affectives

3. Enchères

Les quelques jours qui ont suivi la fête ont été très calmes.J'avais besoin de repos. Je ne me souvenais pas comment j'étais rentré et ce n'était surement pas Charlie qui nous avait conduit avec son pied dans le plâtre. Quelle drôle d'histoire...il me faudrait élucider ce mystère . Je me souviens m'être réveillé sur le canapé à moitié habillé. Je pense que j'ai tenté de défaire ma chemise mais n'arrivant pas à la déboutonner, j'ai  fini par la laisser pendouiller en écharpe. Mon corps me faisait mal,j'avais dansé comme un fou pour impressionner ma cavalière.Je m'étais même essayé à un semblant de grand écart, mais sans échauffement, ça avait été de la folie...et maintenant, j'en payais le prix.

Martha m 'avait appelé deux jours plus tard, elle aussi avait eu besoin de temps pour se remettre de cette soirée bien arrosée. Elle me rappelait que malheureusement nous n'avions plus vingt ans, son médecin mécontent de ses résultats n'avait cessé de lui rappeler lors de son examen trimestrielle. C'est ainsi que j'appris qu'elle avait quelques problèmes de diabète. Il est vrai que nous avions tiré sur la corde, mais c'était vraiment une belle soirée.  Je devrais être  plus attentif à l'avenir sur ce que je lui servirais à boire. 

Il n'y avait que Charlie qui semblait plus frais,Il était même d'excellente humeur.Il sortait souvent l'après- midi prétextant marcher un peu avec ses béquilles, pour soit-disant continuer à s'entretenir.

Je ne prêtais pas encore attention à lui, à ses sorties régulières, je laissais le temps me prêter main forte pour que mon corps se remette de cet excès.

Finalement vint un matin ou je me levais enfin du bon pied. Je décidais de fêter ça avec un copieux petit déjeuner. Charlie était déjà habillé, une odeur de parfum mélangé à celle du café embaumait la cuisine.

Je le regardais un instant attendant qu'il me remarque.Il leva la tête du frigidaire et me sourit:

- Tu as meilleure mine aujourd'hui!

- Oui, ces quelques jours de repos m'ont fait beaucoup de bien. Je pense sortir pour me dégourdir les jambes aujourd'hui, que dirais tu si je t'accompagne dans ta marche quotidienne?

Charlie avait toujours le nez dans le frigo, il ne répondit pas tout de suite. 

- Ah non pas aujourd'hui, je dois passer chez Léanie, pour son premier cour de diction.

- Son cours de quoi? Diction? Pourquoi donnes tu des cours à la nièce de Martha?

Charlie, vint se rassoir à table avec une grosse assiette de charcuterie. Sa seule vue m'aurait surement retourné le bide il y a quelques jours en arrière. Il engouffra dans sa bouche un gros morceau de mortadelle avant de me répondre. 

- Tu ne te souviens pas? Me dit-il en cherchant dans mon regard une lueur de souvenir. Je secoua la tête en guise de réponse

- Le soir de la fête, nous avons tous participé à..comment dire.. une sorte d'enchère collective. Martha racontait que sa nièce était très mauvaise en français et qu'elle proposait en échange d'une aide pour lui faire réussir sa dernière année scolaire, quinze jours de ses bonnes pâtisseries. J'ai proposé mes services parmi d'autres personnes et c'est moi qui ai remporté l'enchère. 

Ce qu'il me racontait, commençait à prendre forme dans ma tête, je nous revoyais autour de la table, et Martha debout sur la chaise... ah oui, ça me revenait doucement.

- Et, il me semble, que toi aussi tu as enchéri. C'était une histoire avec les neveux de Carmen. Il se gratta la tête et réfléchit. 

-Oui , c'est ça, c'était une histoire de foot ou de basket, je ne sais plus. Je m'en souviens j'étais sur le point de me lever pour rentrer, quand d'un coup tu t'es mis à hurler: «  Ouiii, c'est moi qui ai remporté le Pinasse »