Accusations

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Quelques heures plus tard (dans le passé)

Sophie recula violemment et manqua de tomber du fauteuil.
-Non-non-non-non !
Ce ne pouvait pas être à cause d'elle. Elle ne pouvait pas... la jeune fille passa une main tremblante sur son visage, s'attendant presque à y trouver des striures ensanglantées. Ce souvenir la hanterait toute sa vie !
Se recroquevillant à terre, contre une surface dure, peut-être le sol ou un mur, Sophie s'arracha trois cils pour s'empêcher de pleurer, en vain : elle sentit ses larmes sur ses joues.
Elle sursauta lorsqu'elle sentit Oralie s'assoir à côté d'elle. Elle vit à travers ses sanglots que la Conseillère pleurait également. Elle avait arraché son diadème et il était tombé quelque part dans le salon. L'empathe ne pleurait pas, mais la douleur et la colère faisaient brûler ses yeux bleu-gris.
Elle devait savoir que Sophie n'avait aucune envie d'être touchée, ni même effleurée mais elle passa un bras autour des épaules menues de la jeune elfe.
-Je... c'est ma faute ! Gémit la télépathe en repliant ses genoux contre sa poitrine pour y enfouir son visage. C'est pour le Projet Colibri qu'elle a fait ça !
Oralie réfléchit à l'injonction désespérée en fronçant les sourcils.
-Si c'est ta faute, cela inclue tout le monde car ce qui est arrivée à Elliana Fathdon n'est que le résultat de cette société. Nous sommes tous coupables, Sophie.
L'intéressée se retint de lancer une répartie cinglante. Elle repensa à la chevelure rousse volant dans les airs et imagina Sandor au milieu du souvenir. Son estomac se révulsa.
-Il faut dire la vérité !
-Pas question ! S'exclama Oralie en la fixant dans les yeux. Les conséquences seraient terribles !
-C'est ce que Kenric voulait ! Nous devons lui rendre justice, à lui ainsi qu'à...
-Sophie ! Veux-tu perdre la seule nation capable de nous soutenir dans cette guerre civile ?
La télépathe se renfrogna. Elle ne pouvait que donner raison à sa mère biologique même si ce n'en était pas moins horrible.
-Nous devons au moins lui dire. A elle ! Argumenta la télépathe.
-Voudrais-tu détruire le dernier souvenir qu'elle a de son frère ?!
-Vous ne savez rien de ce que cela fait de perdre une famille sans comprendre pourquoi !
Les paroles de Sophie étaient injustes et Oralie se décomposa. Elle retira vivement son bras et le serra contre elle.
-Tu n'as pas le droit de t'attribuer tous les malheurs Sophie ! S'écria l'empathe en blêmissant. Tu ne sais pas ce que ça m'a fait de perdre Kenric ! Ou même toi !
La télépathe recula contre le mur pour échapper à ces accusations.
-J'ai perdu ma famille humaine qui n'était même pas ma vraie famille ! J'ai failli perdre les seuls qui m'avaient accueilli ici, et tout cela uniquement par vos manipulations ! Hurla la jeune fille en pleurant.
-Mes « manipulations » ?! Sans moi tu ne les aurais jamais connus !
-Qui sait ?! Je sais que si vous n'étiez pas ma mère je pourrais être assortie, ce qui m'est interdit à cause de votre position ! Je ne connaîtrais jamais quelqu'un comme vous avez connu Kenric à cause de ce que vous êtes !
Hoquetant, Sophie tenta de se relever et tituba et se prit les pieds dans le tapis cotonneux. Oralie la rattrapa juste à temps d'un bras.
-La situation est celle qu'elle est, dit l'empathe, et il ne sert à rien de blâmer le passé. Tu peux m'en vouloir, tu peux en vouloir à Kenric, aux gobelins, au monde entier si ça te chante ! Mais ne mets pas en péril l'équilibre qu'il reste encore !
Sophie tenta de se déloger, mais encore une fois, la poigne de la Conseillère était trop ferme.
-Lâchez-moi !
-Tu n'es pas seule, fit Oralie en lisant ses émotions.
-Arrêtez d'utiliser votre talent sur moi ! Cria la télépathe en se débattant de plus belle.
-La situation n'est pas désespérée, personne ne va t'abandonner et...
-J'ai dit : LÂCHEZ-MOI ! Hurla Sophie en réussissant à s'échapper.
Elle trébucha sur le tapis en pleurant. Le visage de Keefe lui revint en mémoire, s'ajoutant aux horribles images qui hantaient sa conscience. Aveuglée par ses larmes et sa souffrance, elle manqua de rentrer dans la porte en voulant quitter cette pièce qui ne lui apportait que de la douleur.
Oralie l'attrapa délicatement et la fit pivoter juste à temps pour éviter la collision avec la porte. Le joli visage de la Conseillère était en larmes, à l'instar de celui de la fille. N'importe quel elfe serait dans le même état après avoir été témoin d'un tel souvenir. Oralie prit sa fille biologique dans ses bras. Sophie ne se débattait pas.
Elle avait trop mal. A chaque fois qu'elle se remettait de quelque chose... une nouvelle vague l'engloutissait de nouveau.
-Je vous déteste, marmonna-t-elle.
Oralie lui caressa doucement les cheveux.
-Je sais. Ce n'est pas grave. 

Gardiens des Cités Perdues, Tome 9 : ENVOLOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz