Chapitre 1 - Chase ✅

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L'immense bâtiment sombre et terne se dressait devant moi, avec ses minuscules rangées de fenêtres rondes. Un énorme mur menaçant, surplombé de barbelés, me séparait de la bâtisse en l'encadrant sévèrement.

Je regardai le ciel gris en soufflant, l'humidité du temps semblant pénétrer à l'intérieur de mes os, et pesant sur ma tête comme un gros couvre-chef. J'avais la migraine.

Une pluie fine et rafraîchissante dans cette ambiance lourde tombait doucement sur mon visage. Elle contrastait avec la douleur lancinante dans mon crâne qui frappait à un rythme régulier. Ignorant les coups dans ma tête, je marchai en direction de l'entrée, un portail hautement sécurisé, lui aussi surplombé de barbelés et de piques, et gardé par deux hommes lourdement armés. Une pancarte « CENTRE DE DÉTENTION HUIS CLOS » était placée à droite du portail. J'étais au bon endroit.

Un gros camion blindé magnétique passa en me frôlant, manquant au passage de me faucher. Ces véhicules fonctionnaient grâce à un système d'aimant et à des routes faites de fer. Tant qu'il y avait du fer sous la terre ou au-dessus, le véhicule pouvait léviter. Si la route se terminait, le véhicule retombait dangereusement sur le sol et était incapable de continuer. Les conducteurs étaient donc bloqués dans les rails de la route, les rails que l'État leur avait imposés, les rails de la société. Ils étaient extrêmement rapides, mais aussi incroyablement silencieux, ce qui leur permettait de glisser discrètement d'un bout à l'autre de la ville, et transporter toutes sortes de choses sans risque.

Aujourd'hui, plus personne ne circulait librement à moins de circuler à pieds, et encore, seulement pour des courtes durées comme de la maison au train ou encore du train au boulot. Avant, les gens pouvaient se mouvoir comme bon leur semblait, mais cela était désormais interdit depuis que la planète mourrait et que la fonte des glaces avait libéré toutes sortes d'épidémies vieilles de milliards d'années dans la nature. Mais aussi depuis que l'air était devenu quasi irrespirable à cause de la pollution. Beaucoup étaient morts.

Après avoir parlé dans son talkie-walkie grésillant, le garde de droite fit un signe de tête à la caméra que je n'avais pas vue, et le portail s'ouvrit pour laisser passer le camion. Je m'avançai à mon tour. L'homme m'arrêta d'un signe de main.

— Bonjour, dis-je, je viens pour le poste de gardien.

L'homme d'âge mûr à la carrure imposante serra un peu plus son arme contre lui et me jeta un regard sévère.

— Vous avez un badge ?

Je n'avais rien, j'avais été dirigé vers cet endroit par un organisme de réinsertion mal organisé, qui m'avait donné une heure et un lieu en me souhaitant bonne chance.
Il me fixa un court instant et repéra le tatouage incrusté dans la peau de mon cou. Une sorte d'encre. Signe de militaires de la marine. Il portait le même.

Son attitude devint alors plus sympathique et je le sentis se détendre un peu.

— Votre tatouage, dit-il en le pointant du doigt, vous ne devriez pas être en service plutôt ? Vous êtes jeune, et la guerre civile fait rage.

— Blessure de guerre, rétorquai-je froidement, ne souhaitant pas m'étaler sur le sujet.

Il reprit un air sévère et fit un hochement de tête à la caméra. Le portail s'ouvrit directement, me laissant pénétrer dans cet endroit hostile.

Une fois à l'intérieur, deux autres hommes armés m'attendaient, il m'escortèrent jusqu'à l'entrée d'un petit bâtiment à côté du bâtiment principal. C'était l'accueil, et je dus me confronter à la plus désagréable des secrétaires. Après avoir pris mes coordonnées, elle me fit patienter dans une salle d'attente pendant une heure, seul, si bien que je crus qu'on m'avait oublié. Mais une des portes finit par s'ouvrir et un homme m'ordonna de le suivre pour une « vérification ». Alors que je franchissais l'encadrement de la porte, il se mit à sonner et à projeter de la lumière partout. C'était en réalité un portique de détection. Un tas d'hommes armés se dirigèrent vers moi avec un air agressif, mais une femme se dégagea de la masse.

NébuleuseWhere stories live. Discover now