Chapitre 3

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Le bruit d'une montre résonnait dans la bouche de métro. Les secondes s'égrenaient tandis que les bombardiers survolaient Londres. L'attaque trainait, les habitants de la ville étaient fatigués.

Des coups de feu retentissaient toujours dehors, mais Elias se leva pour se dégourdir les jambes. Tout s'apaisa peu à peu, cependant, les secousses du bombardement se répercutaient toujours dans le tunnel. Ce dernier avait été violent et il craignait de découvrir l'extérieur, des immeubles détruits et, malheureusement, quelques personnes coincées sous les débris n'ayant pas gagné à temps un abri.

Elias examina la bouche de métro. Dans la lumière vacillante, plusieurs enfants dormaient. Leur tête ronde se balançait sur l'épaule de leurs parents, insouciants de ce qu'il se passait. Une petite fille se réveilla et le regarda avec de grands yeux ronds. Sa mère ronflait à côté. Il lui sourit.

— Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? chuchota-t-elle d'une voix douce.

— On attend, murmura Elias en lui caressant les cheveux. On attend de pouvoir sortir.

Un goût amer demeurait dans sa bouche. Les adolescents avaient dû grandir plus vite pendant cette guerre. Les parents leur confiaient tôt des responsabilités, prématurément. Leur jeunesse s'était envolée. Elias ne voulait pas que les bébés qui dormaient dans les bras de leur mère ou de leur père subissent le même sort.

Tout le monde mérite une enfance heureuse, bordel ! Entourée d'amis, en compagnie de sa famille. Mais cette foutue guerre a donné aux enfants des armes, des masques à gaz. Ils n'ont que des horreurs à l'horizon.

Sa détermination enfla dans son cœur. L'abandon de la France se répercutait partout dans le monde. Il en était certain.

Je choisis d'entrer dans la Résistance et c'est ma décision !

Clara lui saisit la main en lui adressant un sourire. Alors qu'elle serrait son poignet, une sirène retentit.

D'un mouvement unanime, la foule se redressa. Elias se détacha de la jeune fille, prit la tête du groupe et remonta à la surface. Des étoiles brillaient dans le ciel tandis que la lune éclairait d'une pâle lueur les dégâts du bombardement.

Des morceaux de toits, de murs et du mobilier s'étalaient à perte de vue. Les immeubles qui tenaient encore debout étaient défigurés. Quelques policiers patrouillaient dans la rue, vérifiant que personne ne se trouvait sous les poutres tombées au sol, coincé.

En faisant quelques pas, Elias entendit quelque chose. Un cri s'élevait dans le ciel, un puissant hurlement, comme une supplication. Son cœur s'arrêta une demi-seconde. Cette voix... Il l'avait déjà entendue. Moins éraillée, pas entrecoupée de hoquets, mais c'était bien une voix qui lui était chère. Les mains d'Elias se contractèrent, son corps tout entier se crispa et il s'avança d'un pas mécanique vers l'origine du son. Une silhouette se dessinait devant le corps bloqué sous une lourde planche de bois. Une jeune fille sanglotait dans la nuit noire comme la mort. Elias s'approcha pour discerner la scène.

La mère de Clara, comme clouée au sol, avait les yeux grands ouverts, une grimace sur le visage. Elle était figée tandis que du sang se déversait à flot sur le béton. Une poutre, tombée, semblait avoir percé son côté car une plaie béante s'étalait sur son ventre.

Fuis ! Tu en as encore le temps !

Elias secoua la tête pour chasser ses mauvaises idées. Son amie avait besoin de son aide. Des larmes perlaient au bord des yeux de cette dernière, ses mains tremblaient au-dessus du corps de la femme. Il décela dans ses prunelles ce qu'il avait ressenti quand sa mère avait succombé. Ce douloureux souvenir lui revint en mémoire et il demeura quelques instants immobile avant de prendre Clara dans les bras. Les mots ne servaient à rien.

RésistantWhere stories live. Discover now