— Je vais nous chercher du vin, bébé, prévient Côme.

Sa poigne relâche ma taille. Le beau brun s'échappe quelques minutes alors j'en profite pour observer l'élite se déployer autour de moi. J'ai l'air un peu perdue – comme un poisson jeté au milieu des requins.

— Dior ?

Un bel homme m'approche, puis me propose de trinquer. Même si je feins un sourire, je jette des coups d'œil à tort et à travers de la salle, craintive que mon amant me prenne sur le fait accompli. Après tout, je ne fais rien de mal en discutant avec cet inconnu. Je désire juste éviter un énième malentendu.

Fière de constater qu'il apprécie nos créations, je le contredis toutefois :

— Sandheaver.

Ledit gentleman me sert sur un plateau sa grandiloquente liste de conquêtes. Je n'en perds pas une pour me moquer de lui. Heureusement, Monsieur partage mon humour. Notre échange est agréable. Je me noie dans ses yeux vairons, mais m'en détourne lorsque j'aperçois Côme faire du rentre-dedans à une inconnue.

Je pince l'arête de mon nez par habitude. Dès lors, mon chagrin s'atténue et je m'efforce de m'intéresser aux dires de mon interlocuteur. Il s'avère qu'Espen n'est autre que notre associé, Gray.

— M'accorderiez-vous cette danse ?

Il me tend sa main. Déstabilisée par les effluves de son parfum, je lorgne le dessin indélébile dissimulé sous les pans de sa veste, à la base de son poignet. Gray m'entraîne sur le seuil des balcons avec une légèreté exquise. Nous tournoyons au rythme de la symphonie.

— On les déteste parce qu'on ne les égale pas, répété-je, les sourcils haussés, tandis qu'il me fait virevolter sous la nuit constellée. Je serais curieuse de découvrir ce que vous ne possédez pas... Ou plutôt qui vous apprécieriez d'être.

— Ne trouvez-vous pas ces cérémonies bien solennelles ? Basées sur le paraître ?

— C'est une façon de voir les choses. Mais je vous l'accorde, les gens sont ennuyeux à mourir ici.

— Dans ce cas, je ne vous retiens pas plus longtemps.

Il relâche son emprise et me tourne le dos. Soudain, une sensation de solitude m'assaille. Les mâchoires tombantes, je reste coi.

— Mais, je...

Alors que je m'apprêtais à lui courir après, Espen pivote brutalement et rit.

— Si vous croyez pouvoir me vexer aussi facilement, vous vous trompez de cible. Moi, j'ai les épaules solides pour accuser votre présomption.

— C'est ainsi que vous me voyez, présomptueuse ?

— Vous ai-je froissée ?

— Paraît-il, vous avez l'air de vous en amuser.

Le souffle chaud d'Espen effleure mon menton. Côme me toise de biais, les traits fermés. Ses lèvres viennent, par provocation, déposer un baiser dans le cou de la blonde vénitienne.

J'ai la sensation d'avoir déjà vécu cet instant ou du moins, les prémices de ma rencontre avec Espen. Je suis quasiment certaine de m'être servie de la capsule temporelle, d'avoir encore fait le mauvais choix. Il faut croire que le destin nous remet toujours sur le droit chemin. Lui, se fiche éperdument de nos volontés.

— Je le lis dans votre regard. Je crois que vous êtes dédaigneuse, Shalta, mais qu'au-delà de cette arrogance, de cette distance que vous vous efforcez de placer entre vous-même et les autres, se cache une femme qui voit le monde à travers les yeux d'un enfant.

ShaltaWhere stories live. Discover now