Chapitre 18

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Devant la psyché, Kara contemplait son reflet d'un oeil critique. Son apparence n'avait rien d'anormal. Ses traits n'étaient pas tirés comme à l'accoutumée et elle se trouvait jolie dans son pantalon noir et dans son pull en angora bleu-pastel. Au creux de sa gorge, la Pierre de Vie étincelait d'un éclat presque irréel. Même si elle ne parvenait pas maîtriser le conflit intérieur l'habitant, rien ne transparaissait sur son visage.

Elle savait cacher ses émotions. Elle craignait l'issue fatale de ce rendez-vous. L'avenir... Le voir était un don et une malédiction. Elle soupira en ayant l'atroce sensation de trainer la mort tel un boulet sur sa cheville. Ce poids ne la quittait plus. Elle se reprocha sa faiblesse. Elle avait accepté ce rendez-vous en sachant que la mort l'attendait, silencieuse, pernicieuse. Elle avait tenté d'expliquer à Dale les raisons de son refus, mais sa détermination avait eu raison de ses doutes.

Elle espérait ne pas avoir à regretter cette décision. Quand cesserait-elle de gémir sur son sort ? Il était temps de faire face à la réalité et de ne plus se cacher la tête dans le sable. Sa mère avait une confiance inébranlable en Dale, tout comme en Maël. Il avait voulu l'aider, mais tous ceux qui souhaitaient lui venir en aide disparaissaient et l'abandonnaient.

Pourquoi cela serait-il différent avec Dale ? Elle ne voulait pas qu'il parte lui aussi, qu'il meure pour elle. Se torturer inutilement n'avançait à rien. Cela ne lui rendrait jamais ce qu'elle avait perdu. Elle lissa ses cheveux du plat de la main, ses doigts s'attardant sur la mèche blanche ondoyant sur sa tempe gauche. Dale la remarquerait et il lui poserait des questions auxquelles elle n'était pas encore prête à répondre. En vérité, tout ça n'était qu'un fichu problème de confiance. Elle plaqua un sourire sur ses lèvres, mais le coeur n'y était pas – n'y était plus.

Elle soupira de nouveau, chassant les images du cauchemar qui revenait inlassablement la hanter. Sa gorge se noua. Elle sortit de sa chambre ; elle ne pouvait plus supporter son propre reflet. Elle jeta un regard vers l'horloge accrochée au mur du salon. Dix-neuf heures. Son coeur s'emballa d'appréhension. Elle sursauta lorsque retentit la sonnette. Pétrifiée, elle hésita en regardant la porte. Comment réagirait-il si elle lui annonçait qu'elle avait changé d'avis ? Dale ne lui ferait jamais consciemment de mal. Le problème venait d'elle, vivait en elle. Sa réaction la bouleversa. Une lâche. Elle était d'une lâcheté épouvantable.

Où était passé le courage qu'Adriel percevait en elle ? Il savait qu'au fond et malgré ses peurs, elle se battrait et survivrait sans lui. Vivre dans la crainte n'était pas vivre, mais juste subsister. Un deuxième coup de sonnette résonna. Elle inspira.

Je peux le faire, je peux le faire.

Elle se répéta cette litanie en ouvrant la porte d'une main tremblante. Les prunelles améthyste de Dale se posèrent sur elle, la dévorant du regard. Sa gorge s'assécha. Tout à coup, ses doutes, ses craintes s'envolèrent. Elle se sentit réchauffée de l'intérieur sous ce regard de braise. Elle retint un gémissement lorsqu'il repoussa lentement une mèche sombre caressant sa joue rasée de près. Comme dans un rêve, ses lèvres esquissèrent un sourire charmeur. Deux fossettes se creusèrent sur ses pommettes hautes, l'illuminant tout entier. Il tendit la main sans un mot se contentant de l'observer tranquillement.

Essuyant sa paume moite sur son pantalon, elle y posa la sienne. Il la pressa doucement. Dans son regard brillait une lueur féroce, primitive. Elle l'étudia, le cœur battant la chamade. Il incarnait la tentation, le pêché. Sa silhouette exhalait la puissance, l'assurance. Hier encore, elle le trouvait séduisant avec ses cheveux mi-longs et il les avait sacrifiés. Cette coupe rehaussait la beauté virile de ses traits, lui conférant un charme plus intense. Dale ne pouvait détacher ses yeux de Kara. Ses pensées s'égaraient devant sa beauté naturelle, sans artifice. Elle était rafraichissante comme la rosée du matin, lumineuse comme les premiers rayons du soleil. Dans sa tenue, elle semblait à son aise et ça lui plaisait.

Sombres Héritages-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant