Sombres Héritages-1

Chapitre 17

Après s'être habillé, Dale se téléporta à CaistealGrian. Dix-huit heures venaient de sonner et il n'avait toujours aucune nouvelle de Grayson. Lorsqu'il apparut dans la grande salle du château, Jeanne, la gouvernante, lui apprit que son grand-père l'attendait dans le salon bleu de l'aile ouest. Afin de calmer son angoisse, il gravit les marches du grand escalier de marbre gris. À l'étage, il emprunta un dédale de couloirs éclairés par des chandeliers en bronze. Devant la porte à double battant en chêne, il resta une minute paralysé. Son grand-père savait toujours ce qu'il se passait au sein du clan sans que personne ne l'en informe. Il lisait dans les pensées et aimait particulièrement ce don.

Il soupira, sachant que Draco n'hésiterait pas une seule seconde à sonder son esprit. Il pouvait établir une barrière mentale, mais à quoi bon ? Autant laisser son grand-père s'immiscer dans sa tête. Il frappa et entra. Draco St James était assis dans son fauteuil en face de la cheminée où brûlait un feu dans l'âtre. Des reflets rougeoyants jouaient sur ses cheveux noirs. De fines pâtes d'oie s'étiraient au coin de ses yeux verts. Les siècles passés marquaient à peine ses traits burinés par le soleil. Il ressemblait à un homme d’à peine quarante ans, malgré ses huit-cent-quatre-vingt-six ans. Pour un vieil homme, il se portait comme un charme.

– Le vieil homme n'est pas sourd gamin, plaisanta Draco.

– Bonsoir, Grand-père.

Draco claqua des doigts, faisant apparaître un fauteuil similaire au sien en face de la cheminée. Dale vint s'asseoir près de lui. Silencieux, Draco étudia le visage soucieux de son petit-fils. Une mèche de cheveux bruns barrait son front et un voile d'inquiétude assombrissait ses yeux. Il reconnaissait ce regard. Autrefois, la même souffrance luisait dans le sien.

– Tu t'es coupé les cheveux, constata-t-il.

– Hum... murmura Dale en passant une main fébrile dans sa chevelure.

Le poids des responsabilités accablait son petit-fils et cela le chagrinait profondément. À son âge, Dale aurait dû vivre dans l'insouciance au lieu de diriger un clan dont la lourde charge revenait à son père. Malheureusement, Doryan n'était plus que l'ombre de lui-même et chacune de ses décisions passées avait plongé le clan dans les ténèbres. Malgré sa jeunesse, Dale était un chef avisé et soucieux du bien-être de sa famille. L'alliance contractée avec les Vrahex prouvait son intelligence et son abnégation. Au lieu de faire la guerre, il avait choisi la voie de la raison.

– Ne doute jamais de tes décisions, Dale.

Dale leva vers son grand-père un regard perplexe. Il n'était plus certain d'avoir agi en accord avec la raison et la réalité. Il avait envoyé sa famille sur Altasia en connaissant les risques qu'ils encourraient. Il avait choisi de mettre leur vie en danger, ce qu'aurait fait son père. Seigneur, il avait perdu la tête... Il devenait exactement le genre d'homme qu'il redoutait d'être : sans coeur ni sens commun.

Le conflit intérieur habitant son petit-fils bouleversa Draco.

– Tu n'es et ne seras jamais comme ton père !

– Sors de ma tête.

Draco posa sa main sur l'épaule voutée de Dale.

– Tu es quelqu'un de profondément bon. Tu as demandé et non ordonné à Grayson, Aydan et Ambre d'aller sur Altasia. Ils ont pris cette décision de leur plein gré.

– Je le sais. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de craindre pour leur vie. Je ne veux plus ressentir cette culpabilité qui me ronge depuis la mort de mère.

Les souffrances de Dale lui étaient insupportables. Après des siècles passés à vivre avec des remords, il avait perdu de vue l'essentiel. Sa famille lui vouait une loyauté sans borne, car tous savaient combien Dale endurait ses responsabilités sans broncher. Jamais il ne se plaignait ni n'agissait sans réfléchir et cela lui valait le respect de sa famille.