Averse

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Alors qu'elle longeait la chaussée, il se mit à pleuvoir. Elle hâta le pas, faisant attention à ne pas marcher trop vite, et glisser. Il était assez dangereux pour une jeune fille de son âge de se promener dans les rues à cette heure-ci. La nuit tombait et l'éclairage public était hors-service, un véhicule traversant le quartier l'aurait embarqué que personne ne l'aurait remarqué. Et pourtant, elle continuait sa route, sous l'averse, la tête baissée et les bras recroquevillés sous sa poitrine. Où qu'elle allait, elle semblait déterminée à y parvenir.

Après de longues minutes de marche, elle arriva dans un quartier connu pour être le plus pauvre de la ville. Elle se dirigea vers une vielle bâtisse, une petite maison à étage sans clôture, ornée de vilaines fissures sur la façade. La jeune fille monta les marches de l'entrée et toqua à la porte. L'humidité avait frisé ses cheveux et des mèches se rebellaient sur sa tête. Ses joues et le bout de son nez avaient été rougies par le froid. Elle tentait de se réchauffer en se frictionnant les bras, en vain. Son pull fin ainsi que son pantalon étaient gorgés d'eau et lui collaient à la peau. La pluie tombait encore plus violemment. Il faisait un temps de chien, c'était le cas de le dire.

Après quelques secondes d'attente sur le perron, elle posa sa main sur la poignée. Comme toujours, la porte était ouverte. Il était possible que les Orton n'en aient jamais eu la clef, pensa-t-elle. Elle pénétra dans la maison sans un bruit, et referma la porte. Seules les veilles chansons qu'émettait la radio indiquait la présence de personnes. Soigneusement, elle se délesta de ses chaussures, puis de ses chaussettes, afin de ne pas salir le sol couvert de poussière et de traces de pas.

L'espace à l'intérieur de la maison était petit, comparé à ce qu'on pouvait imaginer de l'extérieur. Dès que l'on entrait, on arrivait au beau milieu d'une pièce faisant office de salle à manger, cuisine et salon. Au beau milieu trônait une table en bois bancale, sur laquelle était posée une corbeille de fruits vide. Ce qu'on pouvait nommer « cuisine » était en réalité le minimum de l'équipement nécessaire, composé d'un frigidaire, d'un four, de quelques placards, ainsi que d'un lavabo. Enfin, à l'opposé de l'entrée se trouvait un renfoncement, qui créait un petit espace à la gauche des escaliers. C'est vers là que se dirigea la jeune fille.

Sur le canapé miteux était étendue une femme au teint pâle, aux cernes si creusées qu'elle semblait ne pas avoir dormi depuis plusieurs semaines. Ses cheveux bruns viraient au gris et l'on devinait sous ses vêtements un corps frêle et maigre. Elle semblait être assoupie, mais ses paupières s'ouvrirent lorsque l'adolescente s'assit à ses côtés.

- Aurélie, c'est toi ? Murmura la femme.

- Qui veux-tu que ce soit, Suzanne ? Répondit la jeune fille, un faible sourire aux lèvres.

Sa main vint se poser délicatement sur le front de son aînée. Cette dernière s'inquiéta pour ses mains gelées, mais la jeune fille évita le sujet en relançant ses questions.

- Comment tu vas aujourd'hui ?

- Mieux. Ma toux est moins forte.

- Tu n'as pas eu de fièvre ?

- Je ne crois pas. J'ai réussi à manger correctement ce midi.

En énonçant cette dernière phrase, un sourire apparut sur les lèvres de l'alitée. Elle espérait que cette petite amélioration signifie également une évolution de sa guérison. L'adolescente fut heureuse de cette petite victoire. Quand sa mère lui avait appris qu'une de ses amies était malade et qu'elle n'avait personne pour s'occuper d'elle, mis à part son jeune fils à peine majeur, Aurélie s'était immédiatement portée volontaire pour lui rendre visite. Elle était venue la voir une fois, puis deux, puis trois, et elle avait été prise d'affection pour la maman. Au cours des deux derniers mois, elle s'était rendue chez les Orton deux à trois fois par semaine. Elle tenait compagnie à Suzanne et faisait tout son possible pour l'aider à entretenir la maison.

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