Le Pardon D'une Fée

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  * https://www.youtube.com/watch?v=ciTCKnePyq4 *

- Béa, je t'en prie, ouvre cette porte !
- NON !
- Béa, par pitié...
- Je croyais que mon travail ne servait à rien hein ? Maintenant tu assumeras tes paroles !
- Je suis désolé, vraiment. Reviens... Rien ne va plus pousser sinon...
- C'est votre problème pas le mien !
- Tu es une fée, bien sûr que c'est ton problème.
- Eh bien je démissionne !
- Quoi ? Mais ce n'est pas possible ça.
- Peut-être, mais je vais rester là, donc ça équivaut à une démission. MAINTENANT PARS !

      J'ai récolté ce que j'ai semé. Si les plantations viennent à mourir, ce sera entièrement ma faute. Je ne sais même pas pourquoi je lui ai dit ça... Peut-être parce que je n'avais pas compris combien son travail était essentiel pour qu'on puisse faire le nôtre... J'aurais mieux fait de me taire quand les anciens ont dit que nous ne serions pas capables de vivre l'été sans Béa. Après tout, c'est une fée de lumière. Elles sont tellement rares, que je pensais que la sélection naturelle les avaient juste écartées. Mais en fait non, maintenant j'ai compris... Elles sont une bénédiction... Les seules fées au monde capable de courber la lumière, d'attraper les rayons du soleil pour que les plantations puissent pousser. POURQUOI NE ME L'A-T-ON PAS DIT AVANT ? Je suis tellement frustré par mon ignorance. J'ai parlé sans savoir, et maintenant ça va tout mettre en péril. Je crois bien que le pire dans tout ça, ce sont mes mots... Ce que je lui ai dit... Cet irrespect total... J'en ai conscience, mais bien trop tard, et de simples excuses ne changeront rien. Je dois lui prouver que je suis sincèrement désolé. Je dois lui prouver. Oui ! Je vais lui prouver ! Je vais le faire ! Je... Comment je vais faire ça ? J'ai essayé de faire son travail à sa place, et de un je n'ai rien pu faire, de deux ça l'a encore plus énervé... Je ne sais pas quoi faire...

- Béa... Que puis-je faire pour me faire pardonner ?
- Rien. Pars.
- Pardonne-moi Béa je suis une fée stupide. Je n'avais pas conscience du mal que je t'ai fait... Je ne voulais pas...
- Tu veux vraiment te faire pardonner ?
- Oui ! Je ferai tout ce qu'il faudra pour ça.
- Alors attends. Attends le jour où les autres auront besoin d'être protégés. Prouve ta légitimité à être ici autant que tu as douté de la mienne. Ce n'est que ce jour-là que je te pardonnerai !
- Mais, ça pourrait prendre des années... Rien ne survivra aussi longtemps sans toi...
- Je t'ai dit que tu devrais assumer tes paroles. Donc pour la dernière fois, fiche le camp de chez moi !!

      Je n'aurais jamais pensé que ce jour arriverait... Qu'après autant de temps, je réduirais tout à néant à cause de paroles irréfléchies... Béa a entièrement raison, je ne peux qu'assumer mes paroles. Et je dois les assumer par des actes. J'espère cependant que cela ne sera pas trop long où nous ne pourrons plus rien faire pousser cette saison... En même temps, je ne sais pas ce qui est le mieux entre une saison sans plantations, et un problème suffisamment grave pour que je doive protéger les autres fées. Je suis une fée guerrière, et ce n'est pas une simple querelle qui nécessiterait mon intervention. C'est comme me proposer de choisir entre la peste et le choléra...

      Quelques jours sont passés depuis ma discussion avec Béa et toujours aucun danger à l'horizon... Je suis vraiment très anxieux. Je suis une fée bon sang, je devrais avoir autre chose à faire que d'être terrifié par les mots de Béa... J'ai l'impression que le monde s'effondre autour de moi et que je ne peux absolument rien y faire.

- Crème ! Crème !
- Qu'est-ce qui t'arrive ?
- Les fées du champ de fleurs... Elles sont en train de se faire enlever !
- QUOI ? Allons-y, raconte-moi tout en chemin !
- Des humains les ont attrapées.
- Ils ne peuvent pas nous voir, comment ont-ils pu les enlever ?
- Ils ont commencé à arracher toutes les cultures qui se fanent par manque de soleil. Elles se sont retrouvées prises au piège dans des espèces de grands sacs. Elles ont essayé de les arrêter en leur disant que le soleil allait revenir, et que les cultures allaient repartir mais... ils ne nous entendent pas... Elles sont coincées et je n'arrive pas à les en sortir.

      Mon épée en main, nous volons jusqu'au champ. Ils sont là, trois humains gigantesques. Je n'en avais jamais vu d'aussi près. Mon mentor m'a expliqué qu'il fallait autant que possible éviter de leur faire comprendre notre existence, sinon la pire des catastrophes pourrait arriver. Et franchement, j'aimerais éviter d'être la cause de cette catastrophe. Mais alors que faire ? Je ne peux pas m'amuser à leur planter ma lance dans le corps pour qu'ils lâchent les sacs... Je n'ai qu'une seule solution, repérer les sacs dans lesquels se trouvent mes camarades et les en sortir rapidement ! À cette pensée je fonds sur le sac le plus proche, et m'accroche tant bien que mal aux mailles de ce dernier. Les secousses sont immenses et je peine à rester accrocher. Je demande alors si elles sont là, si elles m'entendent, mais aucune réponse... Pas le choix je dois lâcher ce sac et me diriger vers le suivant. Heureusement que j'ai des ailes où l'entreprise serait bien plus coriace. Ni une ni deux je me dirige vers le second sac et recommence l'opération.

- Les fées vous êtes dans ce sac ? C'est Crème, je suis là pour vous sortir d'ici !
- Crème ? Oh bon sang, on est là !
- Tout le monde est dans ce sac ?
- Oui ! Ils nous ont tous attrapés en même temps, quel cauchemar.
- Écoutez-moi bien ! Descendez jusqu'au fond du sac, je vais créer une ouverture, et vous sortirez par là !
- Compris !

      Je descends aussi vite que possible jusqu'à l'extrémité du sac et commence à tailler les mailles. Une fois le sac ouvert sur trois centimètres, je vois les petites têtes de mes amis sortir une à une. Le soulagement m'envahit lorsque l'on m'affirme que tout le monde est sorti. Les humains ne se rendront compte de rien, et dans le pire des cas, ils penseront s'être agrippé quelque part. En tout cas, impossible qu'il envisage l'intervention d'une fée.

      Le retour se fait dans la joie, mais je ne peux m'empêcher de penser à mon implication dans cette situation. Si je n'avais pas dit tout ça à Béa, alors les cultures auraient eu leur soleil, les humains n'auraient pas enlevé les plantations et les fées n'auraient pas été en danger. Je ne mérite peut-être pas le pardon que j'ai demandé finalement...

- Je vois que tu as effectivement assumé les conséquences de tes actes Crème.
- Béa ? Mais pourquoi tu es là ?
- Parce que je te pardonne, et donc, je reprends mon poste.
- Si facilement ?
- Tu trouves vraiment que ça a été facile ?
- ... Non...
- Je pense que tu as compris la leçon et que l'on ne t'y reprendra plus. Comprends moi bien Crème. Ma colère ne venait pas de tes mots. Le problème c'est que tu n'avais pas conscience de la conséquences de ces mots. Tout ce qu'on dit, toi, moi ou n'importe qui, a de réels conséquences sur la vie des autres, même si tu ne t'en rends pas compte sur le moment. C'est pour ça qu'il faut bien réfléchir avant de parler ou de blesser quelqu'un.
- J'ai bien compris oui... Mais me donner cette leçon valait-elle vraiment la peine de mettre tout le monde en danger ? Ça c'était aussi ton choix...
- Tu as raison. Cependant, tu es un gardien Crème. Tu dois prendre en considération les conséquences de tes actes. Donc oui, ça en valait la peine. Et puis, je savais que d'autres gardiens allaient surveiller, donc je n'étais pas trop anxieux ahahah.
- Comment pouvais-tu en être si sûr ?
- Je leur ai demandé, tout simplement.

      À présent, je connais le poids de mes mots. Je ferai tout pour ne plus jamais laisser les miens être en danger. Encore moins par ma faute. Parfois les leçons les plus importantes sont les plus simples, mais on ne peut les connaître qu'une fois qu'on y a été confronté. Alors j'en fais le serment, je protégerai mon peuple avec courage et bienveillance.

J'en fais le serment !

Une musique de saisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant