||| Chapitre 9

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C'était une maison aux murs de pierre, le rez-de-chaussée était utilisé comme boutique, arrière-boutique et atelier et l'étage servait de logement aux Olda. C'était aussi la plus grande de la rue du Petit Bois, avec un accès aux égouts, des pierres, bien que grises et tristes, propres et placées de manière esthétique. Elle possédait un jardin et les Olda semblaient apprécier les chiens car leurs aboiements étaient audibles de loin.

Ils semblaient aisés et nombreux étaient ceux qui se pressaient pour commander qui une statue, qui une table, qui une cabane...

Isadora s'était renseignée et avait appris que l'aîné ne prénommait Waldo et qu'il était connu pour être un adolescent calme, protecteur et généreux, bien qu'il ai été accusé deux fois d'avoir déclenché un incendie...

Le commerce fonctionnait bien et il était censé se marier dans deux ans à la fille d'un autre menuisier afin d'hériter de la seconde maison à la mort du beau-père, ce qui ne l'enchantait guère. Elle avait également appris que l'inimitié entre le père et le fils était très récente et que personne n'en connaissait la réelle raison.

Souvent, des exclamations lui parvenaient, franchissant la pierre : père et fils ne s'entendaient pas le moins du monde.

一 Tu seras menuisier !

一 Jamais !

一 Je me moque de ce que tu penses !

一 Tu penses que cela va m'arrêter ?

一 Cesse de crier !

一 Je ne crie pas, c'est toi qui hurle !

Et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'une voix féminine couvre les leurs :

一 Taisez-vous ! Vous faites fuir les clients !

Soudain, le jeune homme sortit en trombe.

Isadora l'observa attentivement : roux, le teint hâlé, il semblait fou de rage, les poings serrés et la mâchoire crispée.

Il portait un tablier de cuir et était recouvert de copeaux de bois, indiquant qu'il sortait de l'atelier.

Le rouquin marmonnait en donnant des coups de pieds dans les pauvres cailloux qui avaient le malheur de croiser son chemin.

Isadora se rappelait de ce que lui avaient dit les Dieux lors de leur première rencontre : tous les Élus avaient les yeux verts.

Il était bien dommage qu'il lui tourne le dos !

Elle se souvenait aussi des yeux de Flamme, ou de ceux qu'elle pensait être Flamme : verts comme les mousses des forêts.

Le seul moyen de vérifier s'il était bien celui qu'elle pensait qu'il était, Flamme ou pas, était donc de regarder la couleur de ses iris.

La brunette le suivit le plus discrètement possible.

Il se dirigeait vers la capitale.

La jeune fille soupira en continuant de le filer. A peine arrivée, il lui fallait repartir dans l'autre sens. Certes, retrouver la ville de pastel n'était pas pour lui déplaire dans cet endroit gris, mais elle avait tout de même marché trois jour pour repartir !

Le jeune homme semblait vouloir surveiller ses arrières.

Brusquement, il s'enfonça dans une ruelle et, après avoir ouvert une bouche d'égout, s'enfonça dans les souterrains de la ville.

"Ne pas sauter".

Oubliés, les conseils de la femme-médecin !

La jeune fille se jeta à sa suite.

L'odeur nauséabonde qui l'assaillit lui rappela qu'elles étaient les activités secrètes de Flamme. Il fallait qu'ils choisissent de se cacher ici ! se plaignit-elle intérieurement.

Avant de se demander si c'était pas là qu'elle s'était enfuie autrefois. Si c'était le cas, elle avait parcouru en une journée ce qu'elle avait fait en trois jours.

Ironiquement, elle se demanda si elle ne commençait pas à vieillir un peu.

Un léger craquement résonna dans les tunnels.

De la lumière éclaira les souterrains.

Cachée dans une des embouchures, Isadora observa le jeune homme avec effarement.

Sa main !

Il...

Le feu...

Dans...

Comment était-ce possible ?

Un flamme courait le long de son bras droit, prenant sa source dans sa paume.

Flamme.

Feu.

Don.

Élu.

Tout concordait.

Elle l'observa jouer avec la flamme, attendant que la couleur de ses yeux se révèle. Aucun risque inutile ne devait être pris.

Vert. Comme les mousses des forêts.

C'était bien lui.

Isadora remonta à la surface comme si elle avait le feu aux fesses.

Elle avait son information.

Perturbée et fascinée par ce qu'elle venait de voir, elle courue vers la première auberge qu'elle aperçu, vola un cheval à un client et galopa comme elle pouvait jusqu'au bord du Grand Canyon.Elle avait galopé si vite que l'animal en était tout transpirant et semblait maladif... Mais à cet instant, rien d'autre n'avait compté que d'annoncer la nouvelle aux Dieux.

Malgré le rythme soutenu qu'elle avait imposé à sa monture, la nuit était presque tombée et d'énormes nuages se massaient au-dessus du palais gris.

Les obélisques étaient tous dressés sur le pont.

Lentement, elle mit pied à terre et s'avança jusqu'au milieu de la passerelle, le corps pris de soubresauts, souffrant de sa chevauchée plus qu'elle ne l'avait souhaité.

Elle aurait tant aimé que l'équitation soit innée chez elle !

Tremblante, elle leva les mains et hurla, un air suppliant et désespéré sur le visage :

- Viens à moi ! Viens à moi ! Viens à moi !

Doucement, les colonnes de pierre s'élevèrent et tournoyèrent dans l'air lourd et orageux.Les douze Dieux Entravés apparurent. Ils semblaient plus affaiblis. Peut-être que chaque apparition les affaiblissaient ? Ou les Dieux Maléfiques tentaient-ils de les détruire définitivement ?

Sans leur laisser le temps de parler, elle leur cri, folle de joie et de soulagement :

一 Je l'ai trouvé ! C'est le feu ! La flamme ! Je l'ai vu ! Demain, j'irai lui parler ! Vous serez bientôt libre ! Plus que dix !

Les obélisques retombèrent lourdement sur le sol, à peine eut-elle terminé sa phrase.

Isadora gisait sur le sol, au milieu de ce pont lugubre, entourée des colonnes de pierres, les cheveux épars autour de son visage livide, les yeux cernés, la jambe tordue en un angle étrange, les bras en croix, sa tunique verte en lambeaux, sa cicatrice visible de son épaule à sa cheville, légèrement masquée par ce qu'il restait de sa tunique.

Elle s'était évanouie.

La Création des Mondes I - Les Dieux EntravésWhere stories live. Discover now