Chapitre 1 : La femme-fenêtre

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En chœur, nous criions.

 Au même rythme que nos voix, nos poings s'élancaient devant nous. Nous nous remettions en garde et nous continuons tandis que la voix du maître résonnait à travers le dojo, nous imposant de crier plus fort, au moment de la frappe. Satisfait, celui-ci marchait entre les colonnes formées de ses disciples.

Je tâchais de m'appliquer dans chacun de mes mouvements et de frapper au même instant que mes camarades. Une certaine satisfaction s'en dégageait tandis que mes coups n'en devenaient que plus soignés et précis. Concentrée dans mes mouvements, j'entends néanmoins entre deux uppercuts dans un souffle de rire une voix familière:

- Tu ressembles vraiment à une infirmière. Mais plus violente.

Je me retourne vers ma droite et lance un regard blasée à la concernée qui était une amie. Je la vois sourire avec amusement, comme à son habitude tandis qu'elle me soulignait le ridicule de mon kimono blanc qui s'avérait bien trop long et dont il manquait le bas, remplacé par un short de mon frère.

D'une frappe plus brutale dans le vide, toujours en chœur, je la menace et l'insulte gentiment alors que je l'entends rire, même ses yeux verts se moquaient. Elle replace derrière son oreille une de ses mèches châtaines tandis que nous reportons notre attention de nouveau vers l'entraînement.

Entraînement que j'avais un peu de mal à suivre quelques fois : les coups de poings s'enchaînaient assez rapidement par d'autres coups et ainsi de suite. Beaucoup d'informations à retenir d'un coup car nous étions principalement avec des personnes beaucoup plus expérimentés que nous.

Je ne vous cache pas mes retards d'ailleurs : quand j'en étais encore au premier mouvement, je jetais un coup d'oeil vers les plus expérimentés devant moi et je réalisais qu'ils en étaient déjà au troisième parfois. Heureusement, j'étais bien loin d'être la seule.

De temps en temps, mon amie et moi nous offrons quelques regards complices mais inquiets, l'air de nous dire que nous étions perdus et que ne nous savions même plus quelles étaient les actions à faire. Dans l'espoir de voir l'entraîneur montrer une nouvelle fois l'exemple, nos regards se tournaient vers lui.

Je le voyais alors circuler à travers les rangs et s'arrêter quelques fois sur certaines personnes en particulier, il froncissait aussitôt ses sourcils tandis que des rides se formaient sur son front à mesure qu'il formulait ses reproches avec de grands mouvements précis sur lesquels il insistait puis, satisfait de sa correction, il reprenait sa marche.

A chaque fin d'enchaînement, celui-ci reprenait sa place initiale, dressé de toute sa grande taille devant nous tous tandis qu'il nous expliquait les prochaines actions à faire. Parfois, insistant durement sur tel coup de poing que nous ne devons pas arrêter en plein chemin ou sur ce coup de coude qu'il souhaitait beaucoup plus soigné que ce qu'il avait vu.

Mécontent, je le vois soudain menacer du poing un de nos camarades tandis qu'il lui arquait de mettre sa garde. Chose qu'il répète une nouvelle fois à l'adresse de tout le monde cette fois ci, prétextant que cette fois-ci il n'allait plus hésiter pour décocher le premier coup.

- Concentrez vous un peu, soupira-t-il, Ou le prochain qui n'écoute pas ou qui fait n'importe quoi, j'l'envoie nettoyer le tatamis de La Lyre.

Je jette un discret coup d'œil vers mon amie à côté et nous partageons alors la même pensée : Le bâtard. Ce dojo est tarpin grand. Personne n'aurait le courage de le nettoyer seul. Nous nous appliquons alors davantage dans nos mouvements quand soudain, j'entends mon nom dans un chuchot puis, une deuxième fois... je tourne la tête.

Je vois cette même amie bouger doucement son poing gauche, comme pour me le montrer. J'hosse un sourcil. Elle me souffle que c'était l'autre bras quand soudain je me rends compte qu'en effet, je frappais depuis tout à l'heure dans le vide avec le mauvais poing. Je lui souffle alors un discret « merci Mya ».

Mon adversaire aiméWhere stories live. Discover now