8. Nous donner une chance

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Je tremble d'appréhension et de désir. Je suis totalement fou mais j'en ai marre de la prudence. La garniture de la pizza coule le long de mes doigts alors que Morgan la fixe avec ... envie. A moins que ce ne soit de la suspicion ? Il a raison. Il y a un piège. Mais le piégé ce sera moi. Je veux sentir encore ses lèvres sur moi. C'était... jouissif. J'ai cru que ces quelques secondes où ses lèvres ont englouti le bout de mes doigts allaient suffire pour que j'explose comme un ado dans mon pantalon. Il était tellement sensuel et beau lorsqu'il a léché mes doigts, semblant les savourer comme la meilleure des friandises. Et sa langue...putain sa langue ! C'est lorsqu'il a attrapé mon poignet que j'ai compris que j'étais allé trop loin en lui proposant ce défi. Il s'est même écarté ensuite.

J'ai peur de perdre son amitié mais comme un con je récidive. Mon désir est trop fort. Jamais je n'ai senti mon sexe aussi dur, il en est presque douloureux. Tout cela pour un simple effleurement sensuel. Je n'ose imaginer ce que je ressentirais si nous allions plus loin. Morgan me rend dingue et je le tente encore pour qu'il me touche une fois de plus.

Le silence est lourd entre nous. Son regard oscille de mes doigts à ma bouche. Son hésitation fait battre mon cœur de façon totalement irrégulière. Va-t-il entrer dans mon jeu, me toucher ? Ou trouve-t-il que je vais trop loin ? Je passe nerveusement ma langue sur mes lèvres sèches. Alors il ferme les yeux et recule vers le dossier du canapé.

— Si tu penses que je vais aimer...

Il a à peine chuchoté ces mots d'une voix plus basse que d'ordinaire, qu'il attrape une nouvelle fois mon poignet mais avec douceur et le guide vers sa bouche. C'est moi qui, finalement, vais vers lui. C'est moi qui, doucement, pousse le morceau de pizza -sans ananas, Morgan déteste les ananas- entre ses lèvres. Il avale la minuscule bouchée alors que mes doigts traînent encore contre ses lèvres, contre sa peau, glissant lentement le long de son menton. Je vais craquer, je ne vais pas oser aller plus loin. J'arrive pas à détacher mon regard de ses lèvres à la fois charnues et fermes. Même si Morgan me tient toujours, je suis libre d'arrêter ou de poursuivre. Mon cœur battant à un rythme insoutenable, je frôle sa barbe naissante, hésitant. J'avais raison, la texture douce de ses poils blonds est le truc le plus sexy que j'ai jamais touché. Soudain le bout de sa langue pointe, cherchant un peu de sauce tomate resté sur le coin de sa bouche. Sans réfléchir, je me penche rapidement et pose mes lèvres pour le récupérer avant lui. Un truc explose dans ma tête lorsque ma bouche entre en contact avec la sienne. Le contact est léger, à peine un effleurement. Plus léger que le contact d'un nuage. Mes lèvres et sa langue font connaissance le temps d'une seconde. Je connais enfin son parfum qui se mêle à une odeur de tabac. Je sais avec certitude que l'embrasser, avaler ses lèvres, pénétrer sa bouche, mêler nos langues dans une danse ardente sera une expérience totalement folle et mon corps brûle d'envie d'aller plus loin. Mais dans l'immédiat, cet effleurement doit suffire, je dois arrêter où tout va merder.

A regret, je recule un peu, mes lèvres quittent alors sa peau, laissant une frustration intense prendre possession de mon corps. J'ai l'impression terrifiante d'avoir perdu quelque chose d'infiniment précieux. Je prends conscience que sa main s'est posée, pendant cet instant, sur mon épaule, crispée sur le fin tissu de mon tee-shirt. Pour me retenir ou pour m'écarter ?

On fait quoi maintenant ?

Je déglutis et détourne avec difficulté le regard. Les yeux toujours fermés, Morgan semble attendre. A-t-il compris que je le draguais ? A-t-il ressenti cette attraction curieuse entre nous ? Rapidement, je parcoure de haut en bas sa silhouette tendue sur le canapé. Son torse musclé trahit une respiration haletante. Je devine ses abdos contractés sous le tee-shirt moulant. Ses mains se sont posées sur ses cuisses et il serre les poings et ... je remonte un peu le regard pensant que ce que mon cerveau a enregistré est faux.

Non, pas de doute possible. Il a une putain d'érection. Mes petits jeux pervers ont eu le même effet sur lui que sur moi. Un sentiment de victoire débile envahit mon cerveau : j'ai fait bander Morgan en effleurant ses lèvres. Et il ne semble pas vouloir m'en vouloir. Enfin pas encore. Faut que je sauve ce qui peut être sauvé.

— Bon, c'est pas grave si tu n'aimes pas. On tentera une prochaine fois. J'aime trop ma pizza, je veux la finir tant qu'elle est chaude. Allez, mange ce truc trop épicé qui va te percer l'estomac. Entre le tabac et le piment, tu te bousilles la santé.

Parce que s'il me dit qu'il a arrêté de fumer, c'est un mensonge, je l'ai senti tout à l'heure contre sa bouche : mon imbécile de voisin s'est remis à fumer.

— Je fume plus, tu le sais.

Sa voix hésitante est troublée. Sexy. Le désir remonte à nouveau. Je secoue la tête.

— Ben voyons. Mange et arrête de me mentir. dis-je en lui lançant un regard en coin.

Il semble réfléchir une seconde, son pouce frottant le coin de sa bouche dans un lent va-et-vient. Pas pour effacer la trace de mon passage mais plutôt comme s'il n'arrivait pas à comprendre ce qu'il s'était passé entre nous.

Bienvenue au club.

Je me lève sous prétexte de prendre un verre d'eau dans la cuisine, profitant de mon éloignement pour réajuster mon jean. S'il semble que le pire vient d'être évité, je crois que nous n'échapperont ni l'un ni l'autre à quelques questions. Les miennes tourbillonnent déjà dans ma tête. Est-il homo ? Non il ne l'est pas, il me l'a prouvé mille fois, pensé-je en grimaçant au souvenir de toutes les filles que j'ai vu défiler dans son lit. Est-il attiré par moi ? Où est-ce une réaction naturelle à ce moment bizarre ? Un moment totalement sexy et ...tendre. Doit-on en parler ?

Non. Premièrement, je ne sais pas ce que je veux, ni qui je suis, ni même ce que je ressens... à part ce désir lancinant de le toucher, de l'embrasser, de le coucher sur mon lit pour le découvrir. Je souffle d'agacement. J'ai déjà cassé un miroir ce matin. Détruire la vaisselle qui traîne à côté de l'évier n'arrangera rien. Penché en avant, les mains crispées sur le comptoir, j'hésite. Je vais lui dire. De toute façon, on a dépassé les limites.

Oui. Je vais le faire. J'ai juste besoin d'une seconde ou deux. Pour rassembler mes idées et mon courage qui semble s'être évanoui à l'idée de perdre mon ami. Mais ce que je viens de toucher, c'est tellement fort. Si j'ai une chance, une minuscule chance de lui plaire, je ne veux pas la gaspiller. Ce mois a été une torture. Je ne comprendrais jamais pourquoi après cinq ans d'amitié tout a basculé pour moi mais ce n'est pas important. Il n'a pas fui au premier rapprochement alors je veux me donner une chance. Nous donner une chance.

Je me retourne vers le salon. Le canapé est vide. Du coin de l'œil j'enregistre la porte de mon appartement qui se referme doucement. Apparemment Morgan a encore moins de couilles que moi.

Un petit rire nerveux m'échappe. Clairement, la discussion est repoussée à plus tard. Et je ne sais pas si je suis soulagé ou pas.

𝙹𝚞𝚜𝚝 𝙻𝚘𝚟𝚎 | BxBOù les histoires vivent. Découvrez maintenant