CHAPITRE 1

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- Arc de Potrawka -

CHAPITRE 1

OISEAU DE MALHEUR ET TRAVAIL DE NUIT


L'idée de travailler ne lui était pas désagréable, non. Elle lui était insupportable.

Nora n'était pas du genre paresseuse, il lui était tout simplement inconcevable de passer sa vie au même endroit, à répéter les mêmes gestes. Surtout si c'était pour profiter d'une vie stable, monotone, insipide. Elle vivait dans cette routine qui l'écœurait jour après jour et lui faisait doucement perdre le fil. Se lever tôt, se coucher tôt et se satisfaire d'une après-midi de congé à ne rien faire. Compter les années à l'envers et attendre la retraite... Ou même la mort. Quelle différence après tout ?

Un frisson de dégoût lui parcouru l'échine.

Bien sûr elle aurait pu, comme de nombreux imbéciles, embarquer à n'importe quel moment. Prendre la mer, se battre contre vents et marées. Découvrir les merveilles du monde, avancer toujours plus loin et faire de chaque journée une nouvelle aventure... Quelle connerie.

Quitter ce pays était à coup sûr la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Malheureusement il lui manquait l'essentiel : un objectif, un but. Mais également un bateau. Sans oublier des vivres... Bon il lui manquait plusieurs essentiels.

De toute manière, elle n'avait pas le truc. Ce quelque chose qui lui donnerait envie de défendre sa peau, d'aller au bout des choses.

Car elle ne se faisait pas d'illusion. Si tout le monde était beau et gentil sur cette île de péquenots, c'était loin d'être le cas passé les frontières de Potrawka.

Aussi idiots qu'ils puissent l'être, les habitants de l'île avaient tous un rêve. Leurs existences étaient réglées comme du papier à musique et les plus jeunes organisaient déjà leurs vieux jours. Tous ces plans d'avenir avaient tendance à rendre Nora malade. Qu'est-ce qu'il y avait d'excitant à avancer en terrain connu ?

Et qui sait si la moitié n'allait pas mourir avant d'avoir eu le temps d'en profiter. À force de bouffer la même chose à longueur de temps... Nora haïssait les haricots, plus encore que cette bande de joyeux paysans.

Soupirant une fois de plus, la jeune femme décida de passer à autre chose. De toute manière, à quoi bon y penser.

Nora actionna une série de leviers, allumant ainsi le four principal. Elle vérifia que la porte d'accès à la boulangerie était bel et bien verrouillée avant de faire tomber sa lourde veste. Une gigantesque paire d'ailes s'en libéra aussitôt. Semblable à celle des chauves-souris, leur membrane était faite d'une peau sombre, épaisse et duveteuse. Sur chacune d'elles, quatre longs doigts osseux étiraient le cuir avant de se rejoindre en une unique griffe acérée.

La jeune femme allongea un instant ses membres, s'étirant sous l'accablante chaleur des machines, avant de se mettre au travail. Elle disposait de toute une nuit pour faire cuire les pâtons du boulanger.

C'était là un métier difficile, éreintant et qui l'isolait des autres habitants. Le genre d'office que l'on ne confiait pas à une femme habituellement. Mais Nora ne s'en plaignait pas. Elle n'aimait pas les villageois, qu'ils viennent de l'Est ou de l'Ouest lui importait peu. La jeune femme n'était, pour ainsi dire, pas du genre à aimer grand monde. Elle préférait s'isoler dans sa cave, là où elle était nourrie, logée et blanchie par ce vieux crétin d'artisan.

La pièce n'était pas grande mais avait pour avantage un accès direct à sa chambre, elle aussi au sous-sol du magasin. Les murs de pierres grises donnaient des airs de cachot à l'endroit. La chaleur qu'il y régnait aurait fait suffoquer n'importe qui. Une unique source de lumière provenant des fours déformait les meubles, projetant des ombres étranges et extravagantes.

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⏰ Last updated: Dec 31, 2020 ⏰

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