Chapitre 3 - Chambre 36

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Mes pieds frôlaient le sol, piétinant légèrement l'herbe douce. Courir. Encore et toujours. J'avais hâte de retrouver Eel, et voulais laisser le plus de distance possible entre l'inconnu et moi.

Le lendemain matin, j'aperçus enfin Eel. Le soleil se levait doucement, éveillant la nature de sa clarté orangée. J'étais à l'orée de la forêt, un pied timidement avancé sur le sol de la plaine, l'autre toujours enfoncé dans le gazon émeraude du bois. A un ou deux kilomètres se dessinait une ville, située en hauteur ; je sus tout de suite que j'étais arrivée.

Je ne voyais rien de plus qu'une grande muraille blanche, et le haut d'un château, sinon peut-être une grande porte dorée.

Un quart d'heure plus tard, j'étais nez à nez avec la grande porte. Je m'étais aperçue que la ville était perchée sur une falaise, et que les vagues salées s'écrasaient paisiblement sur la roche. J'espérai qu'il y avait peu de tempêtes dans cette région.

L'or forgé de l'entrée brillait. Mon reflet me reluquait avec étonnement ; il était si propre qu'on se voyait dedans.

J'étais plongée dans mes pensées quand une voix d'homme me fit sursauter.

- Papiers s'il-vous-plaît.

Je levai la tête. De l'autre côté de la grille, un homme baraqué, aux yeux dorés et aux cheveux d'argent me détaillait, imposant.

- Je... Je n'en ai pas, balbutiai-je, décontenancée.

- Vous êtes une réfugiée ?

Il paraissait agacé.

- Oui, en effet. Je viens de Drenya, elle a été prise par les Illusionnistes et...

- Suivez-moi, me coupa-t-il en faisant la moue.

Il ne semblait pas très bavard. Je me tus donc.

Il m'ouvrit la grande porte. Je passai devant lui sous son regard suspicieux. Nous traversâmes le parc en silence, jusqu'à arriver au château. A quelques centaines de mètres de là se découpait un village, les petites chaumières blanches crachotaient de la fumée. On entendait des discussions, des rires en guise de fond sonore. Allais-je bientôt en faire partie, moi aussi ? Cela paraissait joyeux, familial, festif ; difficile pour moi de m'y intégrer. J'étais trop timide, trop renfermée.

L'homme s'arrêta soudain. Une jeune femme était venue à sa rencontre. La peau basanée, les cheveux rouge pétant, les yeux marron pétillants, elle était plutôt jolie. Elle sourit, révélant des dents de devant légèrement écartées.

- Salut Valkyon. Ça va mieux ta jambe ?

- Oui, merci Lynka, répondit le dénommé Valkyon en souriant.

Il avait l'air de bien s'entendre avec elle.

- Tant mieux. On se retrouve tout à l'heure alors.

Elle lui fit un clin d'œil et repartit, sans même m'adresser un regard. Le musclé pressa le pas. Nous montâmes des marches en marbre et arrivèrent dans un hall superbe, royal. J'écarquillais les yeux ; je n'avais jamais été dans une pièce de ce type et de ce luxe.

Un jeune homme affublé d'une corne sur le front et aux deux longues oreilles vint à notre rencontre.

- Bonjour Keroshane, dit mon guide. Voici une autre réfugiée.

- Bonjour Valkyon. Bonjour mademoiselle ! Sourit la licorne.

Il paraissait bien plus gentil que toutes les personnes que j'avais rencontrées jusqu'ici.

- Où est Miiko ? demanda Valkyon toujours sans me regarder.

- Elle est à la plage avec son familier. Elle reviendra bientôt...

Illusoire [En pause]Where stories live. Discover now