Ｆａｉｌｌｅｓ (ou le rantbook d'une ado en noir et blanc)

Intro

Me voici, moi-même dans la mesure dans laquelle les mots peuvent exprimer.

Devrai-je me présenter?

J'ai un chat. Un chat noir. Des chapeaux, et une casquette qui ressemble un peu trop à celles que portent certains employés de la SNCF. J'ai un nœud papillon aussi. Et un tampon punaisé à mon mur.

Je ne peux pas trop faire le tour de moi-même, en réalité. Je suis trouble. En pleine construction. Structurer, c'est compliqué.

J'aime beaucoup de choses, bien plus que j'en déteste. J'ai tendance à abusivement sourire, souvent trop pour le bien de mes joues, mais le dieu des courbatures les épargne. Il préfère s'en prendre à ma cheville, rescapée d'une entorse qui se voulut ridicule. Un puzzle en 3D d'appendice auditif humain trône en roi sur mon bureau mi-rangé mi-bordélique. Sur mon piano noir, sur lequel mon chat se plait à disparaitre, des piles de livres bancales vacillent. C'est triste de se dire que certains prennent la poussière depuis des mois et des mois sans que je n'ai effleuré leurs pages. Dure vie que la vie d'un livre délaissé à sa pile. Ce n'est pas ma faute si ma bibliothèque est déjà pleine à craquer voyons. Une orchidée un peu abandonnée se dessèche, je n'ai jamais été douée avec les plantes.

J'avale mandarines sur mandarines en pianotant frénétiquement sur le clavier de mon ordinateur, gentiment offert par la région (les lycéens d'Occitanie reconnaitront loRdi). Affectueusement baptisée Cortana, elle m'aide à sauver des bouts de pensée qui sinon se seraient évaporés. La pensée, ça court si vite. J'ai ce besoin sourd de tout enregistrer avant que ma mémoire ne l'efface. Tant pis si jamais suite il n'y aura. Les mots seront là.

Le corps est fascinant. Je me plais à en observer les courbes sous forme de photographie; bien souvent en noir et blanc, ça rend tellement mieux. J'apprends peu à peu à me mouvoir dans ce corps changeant que la nature m'a imposée. Je grandis, quoi. Et c'est pas simple, vous pouvez me croire. Mais vous ne trouvez pas cela merveilleux? Un univers vivant et en constant changement, siège d'une pensée immensément puissante, rempli de fourmillement, capable de capter ce qui l'entoure et de réagir en conséquence. Ah, j'adore ça.

J'adore certaines personnes, aussi. Mais je n'en parlerai sûrement pas, elles sont des parts de moi qui ont mieux à rester secrètes.

Mes failles, je leur ai donné des noms.

Morhée, pour les insomnie. Un danseur hors-pair, ce Morphée. Un fanatique de valse doucereuse et morbide, triste, lente, songeuse et épuisée. Il s'entend bien avec les moustiques et adore le café.

Nyx, la femme-nuit qui porte les ombres en son sein. D'une beauté sans pareille, ses longs cheveux pâles tombent et glissent sur ses courbes majestueuses. Un drap noir et étoilé pare ses hanches et laisse à la terre la vue de ses deux seins ronds. Elle parle à la lune, parfois.

Séléné, ma lune. Ma lune pâle et fragile, fissurée par endroit. Elle s'en est prit, des coups durs. Mais allez savoir comment elle ne s'est jamais brisée.

Orphée, la douceur de la musique. J'ai besoin de lui, plus qu'il est possible de le concevoir. Orphée, c'est mon ange et mon échappatoire. C'est la mélodie des corps, la mélodie des voix, les vibrations profondes de mon piano.

Pandore, ma peau. Mon âme. Mon alexithymie. Pandore, elle est un peu tout et un peu rien. Elle a peur d'être abandonnée, ma pauvre Pandore. Elle se dévoile parfois mais craint la punition. Elle a beaucoup prit, elle aussi.

Perséphone, l'enfant qui grandis, obligée par un immense monde à passer palier après palier. Elle se sent parfois privée de tout, parfois dotée d'ailes. Elle vacille et danse.

Et Mélodie. Mélodie l'écrivaine. Mélodie celle qui cherche des réponses à ses questions et des questions sans réponses. Mélodie, celle qui voudrait une langue aussi vaste que l'esprit. Celle qui ne fini jamais ce qu'elle a commencé, qui laisse derrière elle des écrits inachevés comme le Petit Poucet laisse des petits cailloux.

Peut-être que les écrits sont les cailloux qui lui permettent de se retrouver, allez savoir.