Chapitre 18

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Je roulai deux heures avant que la fatigue ait raison de moi. Alors Edwin prit ma place, nous avoua qu'il n'avait jamais conduit de véhicule manuel et mit un certain temps à prendre le coup de main. A chaque fois qu'il calait, j'avais un sursaut d'angoisse. Un frisson parfaitement prévisible remontait toujours mon échine pour mourir dans un picotement derrière ma nuque, et je me frottais le cou, mal à l'aise. Rick et moi scrutions les environs, assis à côté sur la banquette, mais l'obscurité raccourcissait bien trop nos champs de vision pour que cela serve à quelque chose.


Si un infecté avait décidé de se jeter sur nous à toute allure, il nous attendrait facilement. Il n'aurait qu'à se pencher sur la remorque et à donner un grand coup de dents dans la chair juteuse de Gerry. Clac ! Un coup dans le moelleux et ce serait terminé. Ce serait comme mordre dans une crème brûlée, parfumée à la sueur et à l'angoisse. Hum, voilà qui ne devait pas être mauvais... Fondant, surtout...


Tout mon corps fut brutalement projeté en avant et je me réveillai dans un cri de surprise. Putain, quel choc ! La ceinture de sécurité absorba le reste de l'énergie cinétique et me renvoya contre le dossier de mon siège. Pris de panique, j'agrippai la jambe de mon voisin de gauche, Rick, qui ne réagit même pas.

— Qu'est-ce que c'est ? Lâchai-je d'une voix plus rauque que prévu.

— Chut. Tu t'es endormi, on vient de piler. Pas un bruit.


Je tournai la tête, réalisant en faisant cela que mon cou était complètement endolori. Même s'il n'avait pas été violent, ce mouvement de nuque m'arracha un grognement d'exaspération et de douleur. Il faisait toujours nuit. L'horloge digitale éclairait faiblement l'habitacle, me précisant même qu'il était quatre heures du matin. Le soulagement fut la première idée qui me vint à l'esprit : bientôt, le jour reviendrait et tout serait moins inquiétant. Moins sordide et moins terrifiant.


Et puis, mon cerveau se remit à fonctionner et se demanda ensuite : Pourquoi avons-nous pilé ? J'allais le demander à Rick, lorsque je les vis.


Je pense que nous étions sur une route départementale car sinon, les barrières de sécurité auraient empêché ces deux vaches de bondir sur la route. Rick et Edwin les avaient vues arriver sur le bas-côté. Elles déboulèrent sur le bitume à quelques mètres de nous, poussant des mugissements venus de l'enfer. L'une d'elle avait le flanc en sang, et presque plus de pis. Ils étaient réduits à de sanguinolents lambeaux de chair. L'autre donnait à présent de furieux coups de sabots en direction d'une masse sombre dont nous ne distinguions pas encore les contours.


— Ce sont des chiens, murmura Edwin de manière presque inaudible.


Je plissai davantage les yeux, sceptique : des loups peut-être, encore que nous étions loin de leur habitat naturel... Mais non, il avait raison, c'étaient des chiens de troupeaux.

De l'écume aux babines et fous de rage. Ils étaient deux aussi, à sauter autour du ridicule duo comme des chats qui jouent avec leur proie. Et puis, l'un d'entre eux se risqua au travers de la pluie de sabots et referma ses crocs autour du cou d'une des vaches. Il s'y cramponna de toutes ses forces, et fut soulevé du sol alors que le bovin, paniqué, luttait pour sa vie en secouant la tête. Et puis, sa chair se déchira sous la pression d'une implacable mâchoire, et la gueule du chien disparut sous un rideau de sang. La vache laissa échapper un monstrueux borborygme, résista quelques secondes, puis s'effondra de toute sa masse sur le bitume.

Z - Où tout commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant