Chapitre 13

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— Ce type est complètement malade, fit une voix très lointaine à côté de moi.

Je grimaçai et secouai mollement la tête. J'étais assis contre un mur, les jambes étalées devant moi. Mon champ de vision s'était réduit à un écran blanchâtre, devant lequel tout m'apparaissait flou. Comment étais-je revenu ? Excellente question. Le premier détail qui me frappa, c'est que j'avais changé de pantalon. Dans la mesure où j'ignorais quelle heure il était, je n'étais pas en mesure de dire combien de souvenirs il me manquait. J'examinai mon pull, lui aussi avait changé. Le sweat un peu trop grand avait disparu au profit d'un haut en maille serrée, kaki, qui serait parfait si j'avais besoin d'être discret.

C'était Edwin qui avait parlé. Je reconnus sa silhouette voûtée, accoudée à une caisse enregistreuse. Rick, en face de lui, semblait en désaccord, du moins si je me fiais à sa posture. Les bras croisés, il ne se tenait pas face à son interlocuteur et regardait résolument dans une autre direction. Stella, près d'eux, prit la parole. A ses pieds je distinguai une boule informe, rougeâtre, et une bassine d'eau noire. J'y reconnus mes anciens vêtements, et à priori, j'avais dû rentrer dans un état déplorable.

— Il avait des morceaux de chair partout, du sang jusqu'aux pieds mais pas une seule blessure, expliqua-t-elle. Je pense qu'il a tué pas mal de zombies.

— C'est même sûr, commenta Rick. Ce gars est un soldat, s'il a fait une mauvaise rencontre pendant son délire d'hier soir, il s'en est sûrement sorti en combattant. Ce n'est pas tellement ce qui m'inquiète.

— Et c'est quoi ? railla Edwin. Ah ! Si, je sais ! Peut-être le fait qu'on fasse une confiance aveugle à un psychopathe qui adore tuer des gens !

— Ce ne sont plus des...

Stella s'interrompit, mal à l'aise.

— Vous voyez ce que je veux dire... Enfin, vous avez vu ce mec dans le magasin, comme moi ! s'exclama-t-elle en écartant les bras.

Sa voix était remontée dans des aigus que j'avais peut-être déjà entendus dans une cabine d'essayage. Rick hocha la tête, toujours incapable de focaliser ses yeux sur un point fixe. Edwin se referma comme une huître et choisit de fuir en leur jetant un théâtral :

— C'est pas avec des chiens dans votre genre que l'humanité va s'en sortir, putain, ça c'est sûr !

C'est le moment que je choisis pour me lever et rejoindre Rick et Stella, qui me jetèrent un air à peine surpris.

— Bien dormi ? s'enquit Stella. C'est quand même plus confortable quand on est au sec.


La première seconde, je me demandai à quel point elle était capable de faire de l'ironie, histoire d'être sûr que ce ne serait pas trop déplacé si j'éclatais de rire. A la seconde suivante, elle me fit un petit sourire. Et donc, j'éclatai de rire.


— Je pense que c'est toi que je dois remercier pour ce confort, alors merci, répondis-je simplement.

— Tu n'as aucun souvenir ?

— Pas après avoir refermé la porte du Haymitch, en fait.

— Tu es allé au Haymitch ? C'est à deux blocs, ça fait une petite trotte... Tu n'as croisé personne ?

Mouvement rotatif gauche-droite de ma tête.

— Avant d'atteindre le resto, non, précisai-je toutefois. Dedans, ouais. Il n'était pas vide.


C'est précisément parce que je me tus que le visage de Stella prit une expression horrifiée. A nouveau, elle fit ce truc avec ses poings, ramenant les manches de son chandail beige sous son menton.

Z - Où tout commenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant