Josette Ekondo, coiffeuse Afro

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Josette Ekondo

Je m'appelle Josette Ekondo et j'ai ce salon de coiffure que tu connais vers la Grande Rue de La Guillotière. Un jour j'ai lu dans un Métro Lyon qui trainait que c'était la rue qui faisait les échanges de marchandises entre le Duché du Dauphiné et le Royaume de France.

Moufff comme on dit chez moi! Les choses là ne sont plus comme avant. Aujourd'hui les échanges là dans la rue se font plutôt entre Kinsasha et Abidjan. Entre Douala et Brazza. Ici dans le salon je te fais des tresses comme à Akwa . A l'épicerie d'à côté Enerstine vend les macabos comme au pays. Et Célestin se dispute avec sa femme comme au village.

 Mon salon, c'est la coiffure, la coupe et la couleur. C'est tout genre toute catégorie. On vient faire les cheveux. Se coiffer comme ils disent chez les blancs. Se préparer. Se soigner. On passe surtout raconter les divers du quartier. Qui a dit que quoi. Qui a fait que quoi. Qui fait des projets sur quoi.Qui a fait la chose avec qui.

Mon salon, c'est un peu la place du marché central de New Bell à Douala. On passe dire bonjour.On négocie. Tout et n'importe quoi. On tchatche. Gare au fautif qui est absent. Parfois d'ailleurs celui-ci est souvent fautif seulement d'être absent. On chicote bien sur sa tête à ce fautif là.

 Et puis il y a les histoires d'argent. Les papiers à refaire. Les papiers qu'on a pas fait. Les cousins du pays en visite. Les tantes qui s'éternisent à la maison. Les tontons qui tchatchent en pidgin. Les théories sur Boko Haram à Maroua là bas dans le nord du pays. Les cadeaux à rapporter aux cousins à Yaoundé. La carte de téléphone qu'on vient d'acheter pour prendre des nouvelles de la grand-mére de Kribi.

 Et puis aussi, il y la les mythomanes qui passent, PDG-producteurs-dirigeants-professeurs-quintuples docteurs internationaux dans les verbes. Amis de Paul Emploi dans les faits.

 Et puis aussi, il y a Zeus, celui qui est devenu un important dans la sécurité et les debouts-payés. Et puis il y a les jeunes et la GoPro dans leur pour un clip maison tourné entre mon salon et le bar de chez Tonton. Et puis il y a Jean-Eric et ses combines complexes et innocentes et son basket citoyen.

 Et puis aussi les produits de décoloration. Et la musique de Petit Pays. Les congos dont on ne sait si ils sont Kinsasha et Brazza. Et si les Lions Indomptables vont retrouver leur lustre ou laisser définitivement leur pelage s'écraser sous les coups des Elephants Ivoiriens.

 Tiens il est l'heure de fermer. L'heure d'un tour au Prado. L'heure de la Tuborg avec les copains. Et du poisson braisé. Alors que la nuit tombe sur la Guillotière. Plus tard qu'à Douala.

Guillotière(s)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant