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Wooyoung
- Jiwon.
Je me fige à l'évocation du prénom soufflé entre les lèvres du brun légèrement derrière moi, et je replante mes yeux dans ceux du grand gars devant moi. Je me sens ridicule, alors bien vite je baisse les yeux.
Yeosang jette un coup d'œil derrière lui et lance à son père :
- Je raccompagne Wooyoung. Je suis là dans dix minutes.
Il n'attend pas de réponse et me pousse à aller dehors, ledit Jiwon ayant fait un pas de côté pour nous laisser sortir. Il s'empare d'un manteau et se couvre avec en claquant la porte à ma suite. Il croise les bras et après un long silence durant lequel je ne sais pas du tout où me mettre, Yeosang finit par claquer sa langue contre son palais.
Il fait toujours ça quand il est agacé.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
Je suis un simple témoin, mais je n'arrive pas à partir. Quelque chose me dit que je ne peux pas partir. Je suis cloué au sol, légèrement à l'écart, en train d'assister à un échange assez tendu.
Jiwon glisse un regard courroucé vers moi, et à son tour montre de l'agacement –je ne le connais pas, mais c'est moins subtile que Yeosang, puisque il me fusille du regard :
- Demande déjà au gamin de se casser.
Je me sens tout à coup beaucoup moins confiant que quand je l'ai eu au téléphone.
- Euh... je suis pas un gam-...
- J't'ai causé ? Va là-bas, tu déranges.
Je m'apprête à protester, mais Yeosang intervient d'un ton sans appel :
- Ne lui parle pas comme ça.
Un rire suffisant s'échappe des lèvres de l'immense baraqué en face :
- Parce que tu sors avec des gosses maintenant ? Il a une tête de bébé, on dirait qu'il a quatorze ans.
- Ca te regarde pas. Tu lui parles pas comme ça.
Quand je commence à sourire parce que je vois Yeosang prendre ma défense, il se tourne vers moi et me fait vite déchanter :
- Wooyoung, pars s'il-te-plaît.
Je glisse un regard vers le grand dadet en face du brun, et je vois une lueur malicieuse parcourir son regard, puis un sourire s'étirer lentement sur ses lèvres.
Ca aurait dû me faire peur, mais je crois que ça me mets plus en colère qu'autre chose.
J'ai envie de lui mettre un pain dans la gueule, mais quand je croise de nouveau le regard suppliant de Yeosang, je me mords la lèvre et respecte son souhait.
Je remets mon sac sur mes épaules, force un petit sourire et le salue :
- A plus.
Puis je tourne les talons, glisse mes mains dans mes poches de manteau, et prends le chemin pour rentrer chez moi.
* * *
Devant le miroir de ma salle de bain, je me regarde sous toutes les coutures.
On a que deux ans d'écart Yeosang et moi, mais j'ai toujours l'impression qu'il y a un fossé. Je suis un gamin pour quelqu'un qui va avoir dix-huit, et Yeosang est plus adulte qu'une personne de vingt ans.
J'ai vraiment la tête d'un gamin de quatorze ans.
Mais le fait que même ce Jiwon me l'ai dit, ça m'horripile.
Je me mets torse-nue et regarde mes bras et mes abdominaux. Je suis pas ultra baraqué, mais je ne suis pas maigre non plus. Quelques muscles se dessinent, mais comparé à lui, je suis qu'un petit insecte. Je n'ai jamais eu trop de problèmes avec mon corps, mais ce n'est plus la même chose maintenant.
Ce n'est plus la même chose, parce que Yeosang ne m'a pas regardé partir.
Ce n'est plus la même chose, parce qu'à l'instant où il a vu Jiwon, il s'est figé et l'a regardé comme jamais il ne m'avait regardé.
Ce n'est plus la même chose, parce que maintenant, il y a lui.
La jalousie qui me brûle les entrailles me donnent envie de vomir.
Je me précipite vers ma chambre, m'empare de mon téléphone, fouille dans mes contacts et clique sur la petite icône en forme de téléphone au nom de « ponytail <333 ».
Votre correspondant n'est pas disponibl-...
- Ta gueule !
Je réessaye, mais la même voix insupportable m'irrite les oreilles, et au bout de trois appels, je m'écroule sur mon lit, toujours torse-nu, la tête à moitié dans l'oreiller, en fixant l'écran de mon téléphone. Mes doigts cherchent un autre contact, et quelques sonneries s'écoulent avant qu'une voix ne me réponde :
- Wooyoung ?
- Hey. Ca va ?
- J'allais me taper une meuf mais ça va.
- T'es en soirée ?
- Yep.
- Je te dérange pas plus alors.
- Hop hop hop, je suis pas d'accord, reste là. Je vais sortir, et tu ne raccroches pas. Sinon je gueule à tout le monde que t'as une petite bite.
- Sanniiiie...
- Aaah, j'te retrouve !
J'attends qu'il sorte dehors, parce que dans le lieu où il est, j'entends surtout des rires et de la musique à fond. Quand c'est plus calme, il relance :
- Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Il doit se passer quelque chose pour que j'appelle ?
- Il est une heure du matin, on a cours demain, t'as une voix de déprimé et tu parles comme si tu allais te passer une corde autour du cou alors je réitère ma question : qu'est-ce qu'il se passe ?
Je lâche un petit rire devant la perspicacité de mon meilleur pote et laisse un petit silence s'installer avant de souffler pour me donner du courage :
- Je crois que j'ai fait une connerie.
- Quoi comme connerie ?
- Euh... un truc du style... « m'attacher à quelqu'un qui est encore amoureux de son ex » ?
- Ah oui. Effectivement c'est une connerie.
- Sannie !
- Je rigole, relax. Sinon c'est quand que tu lui demandes de sortir avec toi ?
- Tu te fous de ma gueule ?
- Non, je me fous pas de ta gueule.
- Tu connais vraiment pas Yeosang.
- Bah non, j'l'ai vu deux fois donc non, j'le connais pas.
- Il me prend pour un gamin.
- Ah oui ça j'avais remarqué.
- Je fais pas le poids à côté de Jiwon.
- C'est qui Jiwon ?
- Son ex hyper grand, musclé, bien foutu, beau comme un dieu et charismatique pourquoi ?
- Ah ouais, tu fais clairement pas le poids.
- Tu le fais exprès ?
- Tu veux que je te dise quoi ? T'es pas grand, t'es pas ultra musclé non plus, t'es beau mais peut-être qu'à côté de lui t'es picasso, t'as aucun charme et alors ?
- C'est censé me réconforter ça ?
- C'est ce que tu veux ? Que je te réconforte ?
- Oui. Oui, là j'ai besoin de réconfort.
- Pourquoi ?
- Parce que je veux pas.
- Tu veux pas quoi ?
Ma voix se brise légèrement, même si j'essaie de garder contenance :
- Je veux pas le voir avec lui. Je fais pas le poids. Comment tu veux que je gagne ?
- Tu penses que c'est une compétition ?
- C'est quoi à part une compétition ?
- Oh purée Wooyoung, ne retombe jamais amoureux s'il-te-plaît, j'pensais pas t'étais aussi galère.
- Je suis pas am-...
- Roh ta gueule.
- Hey !
- Wooyoung, Yeosang est un grand enfant, il peut se débrouiller tout seul. Sûrement plus que toi. Et si je ne me trompe pas, il me semble que Jiwon c'est son ex. Une personne avec qui il a été, mais avec qui il n'est plus maintenant. C'est la définition de l'ex. Et je suis désolé de ne pas pouvoir t'apporter de réconfort. Tout ce que je peux te dire, c'est que le gars que Yeosang apprécie, c'est le gars pas trop grand, pas ultra baraqué, un peu con et gamin, qui a une tête de picasso à côté de son ex et qu'a aucun charme.
- Je sais pas si tu me réconfortes ou me donnes envie de pleurer.
- Laisse-le faire Wooyoung. Sois juste là pour lui. Tu penses que c'est dur pour toi ? Peut-être que c'est aussi dur pour Yeosang. Alors sois là. Et si ça se passe mal, sache que je serai là quand tu seras en train de te vider de ton eau.
Je ne sais pas pourquoi, mais ses mots se diffusent dans ma peau, et alors que j'aurais pu mal le prendre, le fait de savoir qu'il est derrière moi, qu'il me soutient, et que peu importe ce qu'il se passe, il me soutiendra toujours, ça me fout les larmes aux yeux. Quand je suis à fleur de peau, je deviens beaucoup trop sensible. C'est pas de ma faute.
- Et toi ?
Je change de sujet, et je le sens surpris, avant de me retourner :
- Comment ça moi ?
- Ca va ? T'es en soirée chez qui ?
- Je sais pas mdr. Je voulais pas te déranger, je savais que tu étais chez Yeosang aujourd'hui. J'avais besoin de fuir ma maison quelques heures.
- Tu ne m'as jamais invité chez toi espèce de fréro indigne.
- Haha. Une autre fois peut-être ?
- San ?
- Mmmh ?
- C'est quoi que tu me dis pas ?
* * *
- Les gars, les gars, les gars !!
Les cours ont repris, Yeosang ne m'a pas renvoyé de messages mais grâce à San, ça me pèse moins qu'avant, et Hongjoong court vers nous avec un grand sourire en enjambant tous les obstacles sur son passage –rondins de bois, bancs, murets – et se rétame presque à son arrivé. Jongho, qui compte ses billets, déclare :
- Je t'ai jamais vu autant excité. Pourquoi t'étais pas en cours ce matin ?
- Je voulais pas le dire... avant...
Il se relève en essayant de reprendre sa respiration, nous laissant dans l'incompréhension la plus totale, moi mon bout de sandwich dans ma bouche, attendant la suite de l'histoire :
- Parce que... c'était pas sûr mais... Je vais participer au spectacle de fin d'année !
J'avale mon bout de jambon coincé dans ma gorge avant de questionner, surpris :
- Pourquoi tu fais cette tête ? Tu participes toujours au concert de fin d'années depuis le début du lycée.
- Oui, mais d'habitude, je fais qu'une chanson, et c'est une reprise. J'ai été autorisée à faire toute l'ouverture, on me donne presque trente minutes de scène ! Et surtout... j'ai reçu un mail d'acceptation pour interpréter mes propres chansons !
La nouvelle me fait jaillir du banc sur lequel on pique-niquait à tel point que j'en lâche mon sandwich qui s'écrase sur la table pour aller me jeter sur Hongjoong, vite rejoint par tout le groupe –à part Doyeon qui sourit simplement de loin. Je pleure presque de joie, sachant à quel point ça compte pour Hongjoong, qui a toujours rêvé de faire une grosse partie de concert.
- C'est bien mon fréro ça !
Jongho le soulève à bout de bras, et si on l'avait pas retenu en catastrophe, il l'aurait sûrement balancé dans les airs pour ensuite faire une tentative de rattrapage de dernière minute.
On passe alors notre journée à le féliciter, à lui faire des câlins –et aussi à se moquer de lui parce que sinon on n'est pas des potes – et vient le moment où LA DELIVRANCE arrive. Si ça ne tenait qu'à moi, je viendrais même pas en cours.
Mais je connais quelqu'un qui me passerait un savon.
Même les profs sont étonnés de mes absences qui continuent de diminuer.
- Wooyoung, c'est pas Yeosang là-bas ?
J'explose de rire et prends San par les épaules :
- Mon gars, le jour où LE Yeosang prendra la peine de se déplacer jusqu'à ce lycée de son plein gré, moi j'te dis c'est parce que la Tour Eiffel s'est effondré.
Je me tourne vers l'endroit qu'il pointe du doigt, et je suis bouche bée en constatant que oui, Yeosang est bien là, et semble d'ailleurs me chercher.
Ebahi, je reste immobile à fixer l'impossible, puis j'en déduis d'un ton penaud, faisant à moitié tomber mon sac :
- La Tour Eiffel s'est vraiment effondrée ?
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non la Tour Eiffel est encore en place aux dernières nouvelles-
mais on t'aime wooyoung <3
七転び八起き
(Tombe sept fois, relève-toi huit <3)
j'aime trop cette phrase, je l'ai même écrite sur mon ardoise à citation