« P*tain » ? Mais pourquoi « p*tain » ? Pourquoi avait-il réagi ainsi ?
Impuissante, c'est la tête pleine de questions que je le regarde partir. Franchement, même si je ne savais pas pourquoi il était comme ça, j'avais mal. C'est même un peu pour ça. J'étais au bord des larmes, j'avais l'impression d'avoir mal fait les choses, qu'il n'était au final, pas très content contrairement à comme je l'espérais, d'apprendre qu'il allait bientôt être papa. Je sais pas..
Me voyant comme ça, les filles accourent vers moi, toutes aussi surprises et me ramènent à l'avant du bateau où elle me font asseoir, tandis qu'eux, les garçons vont voir Nahir. À peine me suis-je installée, que je fonds en larmes..
En temps normal, je n'aurais pas pleurer comme je le faisais là. J'aurais tout simplement été énervé mais les hormones n'étaient pas du tout du même avis. Je pleurais, les filles me réconfortaient comme elles le pouvaient, en me disant qu'il était sûrement sous le choque, que ce n'était rien de grave, que je ne devais pas me mettre dans cet état car ce n'est pas bien pour le bébé, etc.
Quelques minutes plus tard, j'avais arrêté de pleurer mais étais toujours aussi mal. Ne voulant pas rester ici et la fatigue s'emparant de moi, j'ai demandée à ce qu'on me raccompagne chez moi.
Raïssa - Mais pourquoi tu veux rentrer ? Attends au moins que Nahir revienne, non ?
Moi - Non Raïssa. J'veux vraiment rentrer.
Naya - Elle a peut-être raison Arbia. Nahir ne va sûrement pas tarder, attends un peu. J'suis sûr que c'est rien de grave.
Moi - MAIS JE M'EN CONTRE FOU P*TAIN !
Les hormones, les hormones..
Moi - J'veux rentrer chez moi, j'suis super fatigué là.
Naya - Ok, ok Arbia. D'accord, mais calme-toi s'il-te-plaît.
Moi - Désolée..
Meïna - Viens, je te raccompagne.
Elle m'aide à me lever, puis nous partons. Les garçons n'étaient plus là, mais la voiture de Nahir si..
Nous entrons dans la voiture de Meïna, attachons nos ceintures puis elle démarre.
Le trajet se fait silencieusement, Meïna avait mise un peu de musique pour détendre l'atmosphère. Elle essayait de me faire parler un peu mais bon, sans grand succès, mes pensées étaient bien trop occupées par Nahir..
Arrivées chez moi, je la remercie puis rentre.
Je pose mes affaires sur le meuble de l'entrée, me déchausse et passe sous la douche. Je fais ma toilette vite fait, puis ressors.
En cherchant quelque chose dans mon sac à main, je tombe sur l'enveloppe qui contenait la radio de l'échographie. Je la prends et l'ouvre tout en m'asseyant sur le lit. Je resserre ma serviette puis observe les images de mes bébés.
Alala, ils étaient encore si petits, ils avaient l'air si fragile mais étaient à mes yeux, tellement beaux. J'imaginais le jour de leur naissance, le premier cri qu'ils allaient pousser après l'inhalation de leur première bouffée d'air. J'imaginais leur premiers pats, à quatre pattes, puis debout. Leurs premiers mots, puis ce qui s'en suit.. Des moments à venir, magique, plus beaux les uns que les autres..
En plein dans mes pensées, ce sont des mains qui se posent sur mes joues, de par et d'autre de mon visage, qui m'en sortent.
Prise par l'émotion et la larme à l'œil, c'est ainsi que je lève ma tête pour voir la personne, qui est en fait Nahir.
Il se trouvait devant moi, à genoux et me regardait. L'expression de son visage était différente de d'habitude, il avait l'air fermé. Le bout de son nez était rouge, ce qui se voyait malgré sa peau foncé et ses yeux aussi l'étaient, comme si il avait pleuré. Sans rien dire, il passe sa main dans ses cheveux tout en se relevant, fait un tour sur lui même tout doucement et se retourne vers moi. Il prend la radio que je tenais entre mes mains et l'observe pendant quelques secondes. Il avait l'air concentré, intéressé par ce qu'il faisait et avait comme ce qui pourrait être un petit sourire, au coin de sa bouche.
Il revient ensuite vers moi, pose la radio sur le côté et me tire vers lui.
Sans rien dire, je me laisse faire et continue à l'observer.
Nahir - Omri..
Moi - T'avais pas le droit.
Nahir - Je sais.. smehli.
Moi - C'est trop facile.
Nahir - Ha..
Moi - Pourquoi t'as réagi comme ça Nahir ? Qu'est-ce-que j'ai fais de mal dit moi ? Qu'est-ce-que j'ai fais de travers ? Tu veux pas être papa c'est ça ? T'as changé d'avis ?
Nahir - Non wesh, dis pas n'importe quoi, c'est pas ça.
Moi - Bah quoi alors ? Il est où le problème ?
Nahir - C'est rien.. C'est juste que.. j'ai eu peur. J'avais besoin de prendre du recul..
Moi - De mieux en mieux. Comment ça t'as eu peur ?
Nahir - Mais j'ai eu peur p*tain, peur pour toi. Toi ça se voit que tu sais pas à quel point une grossesse triple c'est risqué, c'est compliqué. Il se peut très bien à un moment, ou à un autre qu'il y ait des complications pendant la grossesse et qu'elles te touchent soit les bébés, soit toi ou même, vous quatre.
Moi - ...
Nahir - Regarde : Y'a cinq ans même pas, y'a la femme d'un pote qui est tombé enceinte de triplés, comme toi. Elle était contente, lui aussi. Au début, tout se passait bien, elle suivait les ordres de son médecin traitant et de son gynécologue, elle faisait tout pour que les bébés se portent bien et son mari aussi. Puis un jour, y'a eu des complications. Elle a commencée à faire de moins en moins ce qu'on lui disait, c'est à dire qu'elle ne se reposait plus tout le temps comme on le lui demandait, selon elle, ce n'était pas parce qu'elle était enceinte qu'elle devait s'obliger à rester cloitré dans un lit. Elle s'obstinait à faire le ménage, etc., donc bougeait beaucoup, ce qui a fait qu'au final, elle s'est retrouvé hospitalisé, deux fois en moins de deux semaines. La première fois pour elle, parce qu'elle a eu une dilatation avec inflammation des reins à cause du poids des bébé et la seconde, pour le plus petit, qui coinçait son cordon de temps en temps ce qui l'amenait à faire des décélérations cardiaque, truc comme ça. Au bout du 7ème mois de grossesse, ça s'est beaucoup plus mal passé, elle a été encore une fois hospitalisé, y'a eu de plus grosses complications, ce qui a entraîné la mort des trois bébés. Cette nouvelle l'a complètement anéantie, elle s'en est pas remis avant un an, elle allait mal de fou, elle était tombé dans une dépression et.. voilà. J'veux pas que ça t'arrive Arbia, j'veux pas qu'on perde les bébés et j'veux surtout pas t'perdre toi. C'est pour ça que j'ai réagi comme ça..
Durant tout le long de ce récit, j'ai été attentive. Je comprenais enfin pourquoi il avait réagi ainsi, il était seulement inquiet et avait peur pour nous.
Moi - Je comprends mieux maintenant.
Nahir - Hum..
Moi - J'suis désolée.
Nahir - Non, non. C'est moi qui suis désolé. J'aurais dû t'en parler dès le début.
Moi - Hum.. mais t'inquiète franchement Nahir. Je ferai tout pour que tout se passe bien, qu'il n'y ait aucune complication, rien de tout ça..
Nahir - J'espère pour toi.
Moi - T'as ma parole.
Il me sourit, je lui rends son sourire, puis il m'embrasse.
Il va ensuite se changer, puis nous nous installons dans le lit. J'étais allongé, lui avait sa tête posée au niveau de ma poitrine et s'amusait à caresser mon ventre et à parler avec les bébés tout en discutant avec moi. Nous parlions de tout et de rien mais surtout des prénoms, nous en proposions quelques-uns et au final, nous n'étions pas du tout en accord.
Il s'est finalement endormi en pleine conversation donc n'ayant rien à faire et n'étant pas fatigué, je m'amusais à nous prendre en photo.
C'est un peu plus tard dans la soirée, dans les environs de 2 heures du matin, que la fatigue s'est emparée de moi..
2 jours plus tard, c'était le jour du rendez-vous chez la gynécologue. Nous devions être à l'hôpital dans les environs de midi, alors c'est dans les alentours de onze heures et demi, qu'une fois prête, les dossiers en main, que nous partons.
Sur le trajet, Nahir, autant que moi, appréhendions beaucoup. On stressait grave pour un rien mais bon, c'est normal hein.
Arrivés à l'hôpital, nous descendons et entrons. Nous montons à l'étage et attendons notre tour.
Une dizaine de minutes plus tard, c'est à nous de passer. Nous entrons dans le bureau, serrons la main de la gynéco' et nous asseyons. Elle nous parle un peu, prend de mes nouvelles, etc., puis nous passons directement à l'échographie. Nahir nous suit, je m'allonge sur le lit d'observation et baisse un peu mon pantalon avant qu'elle passe le gel sur toute la surface. Elle passe ensuite la sonde dessus puis commence à observer :
Gynécologue - Ouh, votre ventre a enfin pris forme à c'que j'vois.
Moi - Oui.
Gynécologue - Très bien.
Moi - ...
Gynécologue - Euh.. bon, déjà pour commencer, les bébés se portent très bien, il n'y a aucun problème mais vous devez quand même vous reposer le plus possible...
Nahir - Ne vous inquiétez même pas pour ça.
Moi - Oui.
Gynécologue - Ensuite euh.. je pense que c'est tout. Vous voulez donc savoir les sexes ?
Moi - Oh, oui.
Gynécologue - Ok. Vous attendez donc.. deux filles et.. un garçon.
Après avoir entendu cette nouvelle, même si il aurait préféré deux garçons au lieu de deux filles, Nahir était grave content et moi aussi. Il était ému, ça se voyait mais refusait de le montrer. Il m'embrasse et me prend dans ses bras. Je me mets à pleurer hein..
La gynécologue parle encore un peu, nous donne les images de l'échographie, puis nous partons.
Le trajet, s'est fait cette fois-ci dans une très bonne ambiance.
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Je vous passe quelques mois, plus précisément 3. 3 mois qui ont été les plus douloureux et les plus difficiles pour moi « grossessement parlant ». Les bébés se portaient bien, Al Hamdûlilah, mais devenaient de plus en plus lourd, me fatiguant beaucoup par la même occasion. Je restais 24h/24 à la maison, je ne sortais presque plus, étais toujours allongé.
Mon humeur ? Tout agissait avec mes hormones. Je m'énervais, pleurais tout le temps pour un rien, ce qui poussait Nahir à bout..
Les filles, elles, passaient de temps en temps me voir et étaient aux petits soins.
Bref, vous voyez un peu le truc quoi. Ce jour-là, j'atteignais mes 8 mois et une semaine de grossesse et devenais donc, de plus en plus énorme.
Il n'y avait personne à la maison, Enaïdia était allé passer ses vacances de Pâques chez sa grand-mère dans le Sud de la France et Nahir était au boulot. Je me retrouvais donc seule devant la télé, à regarder des films indiens, quand on toque à la porte.
Avec la plus grande flemme du monde, je me lève difficilement et vais pour ouvrir. Je regarde d'abord dans le juda (le petit trou) mais ne voit rien. Pensant que c'était sûrement parce que la lumière du couloir extérieur n'était pas allumée, raison pour laquelle on ne pouvait pas voir, j'ouvre quand même et vois Sawsen, le doigt posé sur le juda. Elle était vêtue d'un jogging et tenait dans sa main.. une batte de baseball.
[...]