Fors l'honneur - Sous contrat...

By ClaireQuilien

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SOUS CONTRAT D'EDITION AVEC LES EDITIONS BETA PUBLISHER (A paraître courant avril 2022) Vendée, Bretagne, Nor... More

Avant-propos
Cartes et visuels
Prologue
I. Thibault
I. Thibault
II. Thibault
III. Blanche (1)
III. Blanche (2)
V. Blanche
VI. Thibault (1)
VI. Thibault (2)
Des nouvelles...

IV. Alexandre

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By ClaireQuilien

Alors qu'il avait passé toute son enfance dans le palais des princes de Vendée, à Poitiers, là où le temps était souvent agréable et clément, Alexandre de Tourmel, dernier-né du prince Henri III de Tourmel n'avait eu aucun mal à s'acclimater à la détestable météo galloise. Au contraire, il n'aimait rien tant que ces torrents de pluie qui fouettaient les fenêtres et ces hurlements incessants du vent. Il n'avait jamais aimé l'idée de voir la nature domestiquée par l'homme, et ici, sur ces landes presque désertes, elle reprenait enfin tous ses droits.

Il fit quelques pas, s'assit sur son lit, en face de la baie vitrée qui lui offrait une vue imprenable sur les éléments déchaînés. L'université dans laquelle ses parents l'avaient envoyé était l'une des meilleures qui soient en biologie, le domaine qui le passionnait depuis tout petit. Il attaquait maintenant sa quatrième année d'études, couronnée de succès bien entendu. Le prince Henri et la princesse Magdalena de Vendée avaient élevé leurs trois enfants en leur inculquant le goût de l'effort et du travail bien fait. En plus de ses activités scolaires, il participait aux cérémonies officielles lorsqu'il le pouvait et s'occupait de quelques associations, essentiellement militaires et scientifiques. Il servait aussi occasionnellement à son père de diplomate... officieux. Pas un espion ni un ambassadeur officiel, un mélange des deux.

Depuis quelques années déjà, Alexandre ressemblait de plus en plus à son grand-père, Henri II, surnommé le Beau pour une raison plus qu'évidente. Grand, comme tous les hommes de sa famille, les épaules carrées dues à son service militaire, la mâchoire bien dessinée, la tignasse sans cesse en bataille et les yeux d'un bleu captivant, le benjamin de la famille princière faisait tourner bien des têtes. 

Et il prenait plaisir à cultiver cette image de séducteur, de prince plein de gouaille et d'entrain. Une sorte d'enfant terrible de la Vendée, comme il y en avait dans toutes les grandes familles. Ses quelques frasques d'étudiant – des conquêtes pas toujours comme il fallait, des soirées bien arrosées, un plongeon au 31 décembre dans la piscine d'un citoyen qui n'avait rien demandé... - avaient judicieusement renforcé cette image.

Pour le public, Alexandre était cet éternel adolescent, un poil rebelle, anticonformiste, celui qui aurait préféré naître dans une famille normale, vivre une vie normale. Et cela le rendait proche des gens. En ne le connaissant que par des ragots, des photos de papier glacé, on s'était attaché à lui. Cette réputation qu'il avait ainsi que son charme naturel l'avaient très vite conduit à un certain succès auprès des jeunes filles, succès dont il jouait régulièrement. Mais outre son propre amusement, il lui arrivait de s'en servir pour découvrir quelques renseignements que son père lui avait demandés. Il ne trouvait rien d'immoral à cela : après tout, les deux parties y trouvaient ce qu'elles cherchaient.

Car loin des appareils des paparazzis, Alexandre de Tourmel savait quitter cette image de séducteur un peu désabusé et las de son statut pour révéler ce qu'il était vraiment : un prince dont le dévouement à sa famille était sans failles, et qui accomplissait toujours jusqu'au bout les tâches qu'on lui confiait. Pour cela, son père lui vouait une confiance absolue. Demander quelque chose à Alexandre, c'était s'assurer de l'obtenir. Mais mieux valait parfois ne pas s'attarder sur les moyens employés...

En faisant les cent pas devant la baie vitrée, le jeune prince, titré duc de Berry à sa naissance repensait à la dernière mission qu'Henri III lui avait confiée. Il y a quelques mois, des rumeurs avaient commencées à courir à la cour sur le compte de son frère Thibault, venues d'une petite aristocrate de province qui clamait à tout va qu'elle était enceinte de lui et qu'il lui avait signé une promesse de mariage. 

Alexandre s'était rapproché de la sœur de la demoiselle en question et l'avait fait avouer que le tout n'était qu'une vaste machination, organisée avec le soutien d'un médecin corrompu qui aurait accepté de falsifier les résultats du test de paternité. L'ayant enregistré à son insu, il rapporta le tout à son père qui se chargea de clore le bec à l'impudente. Elle fut renvoyée chez elle manu militari et on n'entendit plus jamais parler d'elle, au grand soulagement de Thibault.

La sonnerie de son téléphone interrompit le début de fou rire qui le reprenait en pensant à cette histoire. Son frère, toujours si sérieux, compromis dans une affaire comme celle-là ? C'était ridicule !

— Allô, père ?

— Bonjour Alex ! Comment vas-tu ?

— Aussi bien que l'on puisse. J'ai lu attentivement les documents que vous m'avez fait parvenir cet après-midi. J'imagine que vous n'avez pas besoin de mon avis, mais je trouve que c'est un excellent projet. La France a besoin d'un gouvernement autrement plus solide que cette république fantoche.

— Je me réjouis que tu penses cela, nous aurons besoin de tous les soutiens possibles. Pour l'instant, seules la famille et celle de Guillaume sont au courant, mais je ferai une allocution dans une heure pour avertir nos sujets.

— Mais vous ne m'appelez pas pour cela...

Dans le combiné, Alexandre put presque entendre un léger rire de son père. Les deux hommes se ressemblaient énormément, et Henri avait toujours été plus détendu avec son benjamin qu'avec Thibault. Un des avantages de ne pas être l'héritier...

— Non, effectivement. J'ai appelé le doyen de la faculté pour lui parler avant et il m'a donné son accord : j'aimerais que tu rentres à la maison. Nous allons au-devant d'une période compliquée, et montrer un front uni ne pourra nous être que bénéfique.

— Mais... j'ai des examens dans deux semaines !

— Le doyen m'a assuré que tes professeurs mettraient en place un système de cours à distance, tu pourras sans souci les passer à Poitiers. Alex, je sais que ça ne te réjouis pas, mais nous avons vraiment besoin de toi ici... Et j'ai une petite commission à te confier, pendant ton trajet retour.

Alexandre ravala sa déception. Après les examens qu'il devrait passer d'ici une quinzaine de jours était prévue la fête traditionnelle de ses amis gallois, une nuit entière passée à danser, à boire, à s'amuser et à plonger dans les lacs. Il n'y en avait qu'une par an, et ne pas pouvoir assister à celle-ci lui coûtait énormément. Mais son père avait pris sa décision et rien ne le ferait changer d'avis. 

En plus, le jeune prince avait toujours fait passer les intérêts de sa patrie avant tout le reste, quoi que cela lui coûte, et cette attitude n'allait pas changer aujourd'hui, même pour une fête qui s'annonçait mémorable. Et s'il y avait un petit arrêt sur le trajet... Il commençait à deviner ce qu'Henri III allait lui demander et s'en réjouissait. Il n'y avait rien de plus amusant que d'arracher ses secrets à une jolie fille en prenant du bon temps.

— Tu connais bien l'héritière de la Bretagne, si je ne m'abuse ?

Alexandre sourit en repensant à quelques-unes des soirées enflammées qu'il avait passées dans le palais des ducs. L'héritière en question était une fêtarde notoire, et il avait plusieurs fois pu admirer son talent d'organisatrice. C'était chez elle que l'incident de la falaise avait eu lieu... Ils étaient tous ivres morts, et sans l'intervention des services de sécurité qui les avaient retrouvés à temps, leur stupidité aurait sans doute fait des victimes autres que leur orgueil personnel. C'était il y a quatre ans maintenant, mais il s'en rappelait encore tant ses oreilles avaient sifflé.

— Louise ? Oui, plutôt bien. Nous avons quelques contacts.

— Parfait. Alors j'aimerais que tu partes demain, un jet t'attendra à l'aéroport. Il prétextera un petit souci technique pour s'arrêter à Nantes. La duchesse Anne t'offrira forcément l'hospitalité, et j'aimerais que tu profites de cette halte pour sonder l'état d'esprit des Bretons. Je n'ai pas encore eu le temps d'en discuter avec Anne, mais un ambassadeur devrait bientôt arriver à sa cour et tu sais comme moi que ces rencontres officielles sont toujours remplies de mensonges et de faux-semblants. Tu seras sur place, essaye de savoir ce qu'elle pense vraiment de nos projets et si je peux compter sur elle, ou...

Le prince s'interrompit quelques secondes, et son fils entendit des bruits de voix étouffés, sans doute par une main discrète posée sur le combiné. Henri III reprit la parole.

— Je te laisse, je dois me préparer pour mon allocution. Mais je n'ai pas besoin de te faire un dessin, tu sais ce que j'attends de toi. Préviens-moi lorsque tu atterriras à Nantes.

Et il raccrocha sans attendre de salutations. Alexandre ne s'en offusqua pas, son père agissait toujours ainsi. C'était ce à quoi il fallait s'attendre quand on était le fils de l'homme le plus puissant de cet état. Machinalement, il commença à vider ses tiroirs et déposer toutes ses affaires dans des valises. A part des vêtements, il n'y avait pas grand-chose. Sa chambre était d'une austérité monacale, qui aurait surpris n'importe quel journaliste. N'importe qui tout court, en fait, tant elle ne collait à l'image exubérante qu'on se faisait de lui. Mais c'était justement à cause de cette tendance à s'amuser et se disperser qu'Alexandre préférait des murs blancs, froids, vierges de toute décoration. Il était incapable de se concentrer, sinon. En ce moment même, le dénuement de son environnement l'apaisait.

Il l'avait senti entre les mots de son père, les prochaines semaines ne seraient pas tout repos, loin de là. La Vendée s'apprêtait à jouer un gros coup... Et même s'il savait que Thibault et toute leur famille ferait tout ce qu'ils pouvaient pour parvenir à leurs fins, ils ne maîtrisaient pas tous les paramètres et ils risquaient gros. La tâche qui l'attendait ne s'annonçait pas non plus de tout repos. Manipuler les gens pour obtenir les informations qu'il voudrait demanderait du temps et de la délicatesse, ce qu'il n'avait pas forcément à disposition.

Encore quelques allers-retours entre sa penderie et sa valise et ses bagages furent prêts. D'une main, Alexandre redressa ses oreillers, se cala contre la montagne confortable qu'il avait dressée et alluma la télévision qui faisait face à son lit. Comme à chaque fois, il dut batailler avec la télécommande pour trouver la bonne chaîne. Malgré tous ses efforts, il n'avait pas réussi à apprendre un traître mot de gallois. Cette langue barbare semblait ignorer les voyelles, et il avait eu plus urgent à faire. Enfin, la tête d'une journaliste vendéenne bien connue apparût sur l'écran. Dans le coin supérieur droit était affichée l'image d'un pupitre vide devant un immense drapeau de la Vendée. Son père ne tarderait sûrement plus.

— Chers téléspectateurs, bienvenue sur nos plateaux pour une émission tout à fait spéciale. Nous attendons l'allocution du chef de l'état, Son Altesse le prince Henri III qui prendra la parole d'ici quelques minutes ; restez ensuite avec nous pour écouter les analyses de nos experts. En attendant quelques nouvelles du jour.

Le visage de la présentatrice fut remplacée par un paysage qu'Alexandre connaissait bien, pour y être passé de nombreuses fois : l'aéroport de Poitiers. La caméra filmait la descente d'un avion aux couleurs du duché d'Aquitaine. Puis, sans transition, on voyait Bertrand d'Arènes, le fils du duc, en descendre, être accueilli par Laurent d'Illée, le ministre de l'intérieur vendéen, puis s'engouffrer dans un break noir. Un journaliste commentait : « ... une arrivée qui surprend, puisque le comte de Gascogne, titre porté par tous les héritiers du duché, était à Poitiers moins de 24h auparavant. Quel événement aurait pu le pousser à revenir aussi vite ? Les tabloïds, quant à eux, se sont déchaînés en évoquant le souvenir de son histoire avec la princesse Blanche ». 

Fondu au noir, le paisible aéroport est remplacé par des images d'une brutalité inouïe. Des hommes et des femmes hurlant, enchevêtrés, des bruits de tir, de la fumée, du sang, des slogans haineux, des casques de policiers qui roulent par terre... Et au fond, perçant les nuages noirs, la tour Eiffel qui semble bien mal veiller sur la capitale. Pas besoin de commentaire pour comprendre que la situation en République française était de plus en plus tendue. Il était temps d'y mettre bon ordre. La vidéo – amatrice au vu des tremblements de l'image – s'interrompit brutalement, et l'écran revint au pupitre derrière lequel se tenait désormais le prince Henri III de Vendée. Il salua à droite et à gauche, puis attendit un instant que cesse le crépitement des appareils photos.

— Vendéennes, Vendéens. Je viens m'adresser à vous ce soir pour vous annoncer que notre principauté va, dans les semaines à venir, vivre quelques-uns des plus grands bouleversements de son histoire. Vous n'ignorez pas la situation troublée dans laquelle se trouve actuellement notre voisine française, les manifestations qui la déchirent chaque jour et la corruption de son gouvernement. La République est un échec, et de plus en plus de voix en son sein s'élèvent pour la dénoncer. Il nous est donc apparu que le moment était opportun pour que chacun, nous mettions nos efforts en commun pour parvenir à la réunification de la France, ce que nous avons toujours voulu. La tâche sera compliquée, nous aurons tous des sacrifices à faire mais je sais que vous en êtes capables. Dès demain, mon fils Thibault de Tourmel, duc de Berry, partira pour Paris et entamera les négociations. Ce n'est pas une guerre, ce n'est pas une invasion. Le moment est simplement venu de retrouver les frontières naturelles de notre pays que les soubresauts de l'Histoire ont momentanément abolies. Vendéennes, Vendéens, vous tous qui écoutez ces mots, j'espère pouvoir m'adresser sous peu à vous en disant « Françaises, Français ». Dieu nous bénisse tous !

Aussitôt, les premières notes de l'hymne national retentirent, mais Alexandre éteignit la télévision. Il avait entendu ce qu'il voulait, et cela méritait maintenant réflexion. L'essentiel était de savoir comment serait accueillie la nouvelle. Il se connecta sur les réseaux sociaux. Là, les réactions étaient sans filtres, naturelles. Beaucoup approuvaient les déclarations de leur prince, et s'intéressaient simplement aux modalités de ses ambitions.

Ensuite – et c'étaient là les plus intéressants – certains exprimaient leur colère. D'un côté on conspuait ce qu'on qualifiait d'invasion, de colonisation, de guerre cachée ; tandis que de l'autre, on fustigeait un prince avide de pouvoir qui voulait la couronne pour lui seul en la volant au véritable roi, Jean de Bourbon. En fouillant un peu, Alexandre s'aperçut que cette réaction était partagée par un certain nombre d'internautes. Ils ne s'insurgeaient pas forcément de l'éviction du dernier des Bourbons, mais s'interrogeaient : si la France redevenait un royaume, qui en serait le roi ? Une question que le prince de Vendée avait soigneusement esquivé.


Et je suis heureuse de vous présenter ce troisième et dernier narrateur : Alexandre, le p'tit dernier de la fratrie, qui a lui aussi son caractère bien à lui... J'espère qu'il vous aura plu autant que les deux autres ! 

Merci de votre soutien et à bientôt ;) 

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