Et quand j'embrasse sa joue, j'embrasse les étoiles. J'ai déjà goûté l'univers, il a un goût de nous -Inconnu
Tatiana
« Et qu'est-ce-que tu attends pour aller la voir et lui dire ce que tu ressens ? »
-Vous êtes une très bonne psychologue mais n'envisagez jamais de devenir coach love, rigola Tatiana. La vie n'est pas une comédie romantique, il ne suffit pas de dire je t'aime à quelqu'un pour que tout s'arrange. Au contraire, la situation avec son copain risquerait de s'empirer, expliqua la jeune femme.
-Et il ne lui convient pas tu m'as dit ? Argumenta la psychologue.
-Oui, mais elle ne s'en rend pas compte, se désola-t-elle. Et puis, je ne connais rien d'elle, je n'ai aucune idée d'où la retrouver.
-Tu n'as repéré aucun indice d'un potentiel lieu où elle pourrait se trouver ?
Tatiana réfléchit et se repassa toutes les scènes avec Marina depuis leur rencontre. Dans les toilettes, elle avait appris que la jeune femme était une danseuse et que...
-Un spectacle ! Elle participe à un spectacle de danse ! Mais lequel ?
-Il ne doit pas y avoir des centaines de spectacle qui ont lieu dans les prochains jours, si ?
Tatiana se rappela de la conversation de la jeune danseuse et Mathias. Ce dernier s'était énervé car ce spectacle était international ! Elle prit son téléphone et consulta des dizaines de sites internet, et en trouva un qui renseignait sur un concours de danse contemporaine à Cracovie, à l'autre bout de la Pologne. Elle regarda la date : 5 avril 2009 à partir de 19h. C'était aujourd'hui !
-Il est déjà 18h, je n'aurai jamais le temps d'y être à cette heure là ! S'exclama la jeune artiste.
-C'est peut-être ta dernière opportunité de la croiser, mets y tous les moyens, lui conseilla sa psychologue.
Elle avait raison. Tatiana prit sa veste et appela un taxi.
Marina
Dans le bus de sa compagnie, l'atmosphère était tendue. Il faut dire que tous les élèves étaient stressés de décevoir Petrovska. Celle-ci avait été plus sévère que jamais pendant les répétitions. Elle avait pris le temps avec chacun des dix participants pour répéter leur chorégraphie jusqu'à ce qu'elles soient exécutées parfaitement. La professeure était attentive à la technique, mais elle accordait aussi une place importante aux sentiments qui se dégagent de ses élèves quand ils dansent. Et c'était le plus dur. Apprendre un pas peut prendre du temps, mais c'est réalisable. Tandis que faire ressentir quelque chose au public, cela ne s'apprenait pas, c'était inné. Et celle qui arrivait le mieux à toucher le public, c'était bien Marina. Sa sensibilité se ressentait dans chacun de ses gestes. Petrovska avait compris qu'elle incorporait une boule d'émotions, et dans la danse, cela constituait un avantage, il suffisait de laisser exploser ses sentiments au rythme de la musique. Mais dans la vie de tous les jours, cela devait être plus dur à vivre, étant donné qu'elle ne pouvait pas danser chaque fois qu'une émotion la traversait. La professeure éprouvait beaucoup de compassion à l'égard de Marina, et croyait en son élève plus que n'importe qui.
Elle écoutait des compositions de piano tout en regardant le paysage défiler à toute allure. Le siège à côté d'elle était vide, elle avait besoin de sa solitude pour se ressourcer. Elle était la dernière de sa compagnie à passer sur scène, vers 22h. Cela lui donnait un peu de temps pour répéter. Des informations qu'elle avait reçues, douze différentes compagnies seraient présentes, majoritairement des Polonais, Slovaques et Allemands. Marina savait à quel point les écoles allemandes étaient réputées, mais essaya de ne pas se décourager pour autant.
Tatiana
« Cracovie ? Mais on n'y sera pas avant 22h mademoiselle. C'est si important pour vous ? »
Tatiana ne sut que répondre à cette question. Elle ignorait pourquoi elle se rendait à ce spectacle, tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle ressentait le besoin d'y être. Elle ne comptait pas faire de déclaration à la danseuse, seulement veiller à ce qu'il ne lui arrive rien, surtout avec Mathias. Elle se contenterait de l'aimer de loin, et de profiter de la dernière fois qu'elle pouvait la voir.
Après presque quatre heures de route, elle arriva à l'endroit indiqué. Elle remercia le taxi et se dirigea vers l'entrée où deux agents de sécurité contrôlaient les invités.
-Votre réservation s'il vous plaît, demanda un des agents.
Une réservation ! Tatiana n'avait pas pensé à ce détail. Elle ne pouvait pas rentrer sans et elle n'en possédait pas. Elle garda son sang froid et une idée lui traversa l'esprit quand elle remarqua une deuxième entrée.
-Vous devez vous tromper, répondit la jeune femme. Je dois aussi contrôler les invités, mais à la deuxième entrée. On a du oublier de vous prévenir. Tenez, voici l'attestation, dit-elle en sortant de son sac, le papier qui lui autorisait à fouiller les gens. Il n'était valable qu'à son travail, mais cela n'était inscrit nulle part. Elle pria intérieurement pour qu'ils n'aient pas de soupçons, et qu'ils la laissent passer.
-Très bien, essayez d'arriver à l'heure la prochaine fois.
Elle les remercia d'un sourire maladroit et se dépêcha de trouver la salle, car il était déjà 22h10.
Marina
« Marina Jedrych » appela le présentateur.
C'était son tour. La dernière de sa compagnie à passer. Elle prit une profonde inspiration et monta sur scène. Elle cherchait le regard rassurant de Mathias mais ne le trouva pas, la salle était trop sombre. Pourtant, quelques secondes avant que la musique se lance, elle remarqua que le grand spot situé au fond de la salle l'éclairait de manière irrégulière. C'était normal, une ombre était devant ! Le public lui aussi remarqua ce problème et demanda à la personne de se décaler.
Marina n'en revint pas. Comment avait-elle pu entrer ? Elle ne devait pas avoir de réservations vu qu'elle était la seule personne debout, sans siège. Pourquoi était-elle là ? La jeune danseuse n'avait plus le temps de s'interroger, la musique avait démarré. Vu que Tatiana la regardait, elle eut une montée de confiance en elle et s'élança sur scène. Elle reproduisit à la perfection les enchaînements des répétitions, excepté que ceux-ci étaient beaucoup plus intenses. Pendant trois minutes, elle ne pensa plus à rien, juste à la sensation de l'air sur son corps.Une fois sa danse terminée, un tonnerre d'applaudissement résonna dans la grande salle. L'adrénaline de la danseuse redescendit doucement, son cœur lui, battait encore à en lui faire mal. Elle avait été incroyable, et avait même réussi à décrocher des larmes aux spectateurs, dont Tatiana. La danseuse voulut rejoindre la jeune femme, mais elle devait rester dans les coulisses en attendant la délibération des juges. Celle-ci dura bien vingt minutes avant que tous les juges s'accordent sur les trois gagnants. Marina pria intérieurement pour que Tatiana ne soit pas déjà partie.
« Et pour la troisième place, nous appelons Alycja Kytshz ».
Des cris de joie éclatèrent dans toute la salle. Cette femme faisait partie d'une autre compagnie polonaise, Marina avait entendu qu'elle était vue comme la meilleure danseuse de toutes les compagnies de Pologne.
« Et pour la deuxième place, nous appelons Marina Jedrych ».
A l'appel de son nom, la jeune femme n'en crut pas ses oreilles. Tout devint flou autour d'elle, les mots ne résonnaient plus que comme des sons, et elle se crut en plein rêve, incapable de bouger. Jamais elle n'aurait cru pouvoir battre la meilleure danseuse polonaise. Une fois revenue à la réalité, elle avança sur scène et observa sa compagnie, et Petrovska, sauter de joie. Mathias et sa mère, au premier rang, l'attendaient avec un bouquet de fleurs pour la féliciter. Elle jeta un coup d'œil à côté du spot, mais Tatiana avait disparu. Marina devait normalement attendre la fin du classement avant de pouvoir partir, mais elle était sûre que la première serait l'allemande, Agnes Günter, elle avait dansé comme une déesse. Marina sortit dans la salle, à la recherche de Tatiana. Mathias s'élança à la poursuite de sa copine, pour savoir ce qu'elle avait en tête de quitter la scène avant la remise des prix.
-Remonte sur scène, les interviews ne vont pas tarder, lui expliqua Mathias.
La jeune danseuse se rappela le conseil de l'artiste : « Impose un peu plus ton avis. »
-Je suis désolée, tu peux y aller à ma place si tu y tiens tant, répondit-elle en s'éloignant vers la sortie.
Mathias fut abasourdi, c'était la première fois que sa bien-aimée ne l'écoutait pas.
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