Dynesia

By Dinowski

147 2 0

Lana, jeune héritière au trône du royaume de Dynesia, mène une existence bien réglée et sans péripéties. Cert... More

Prologue - Une vision compromettante ?
- Chapitre Ier - Un quotidien perturbé
- Chapitre III - Les prémices de la Croisade
- Chapitre IV - De l'émerveillement à la consternation
- Chapitre V - Une vérification impromptue
- Chapitre VI - L'escale à Zimook
- Chapitre VII - La demeure du Baron -
- Chapitre VIII - La poursuite du jeu funeste
- Chapitre IX - Un séjour prolongé
- Chapitre X - Vers les Nouveaux Mondes
- Chapitre XI - Blasphème !
- Chapitre XII - La courte visite de Timakä
- Chapitre XIII - De chaleureuses retrouvailles
Épilogue - Une destinée tourbillonnante -

- Chapitre II - Un détour mémorable

8 0 0
By Dinowski


Lana, ses parents et Maître Erkad se levèrent à l'aube non sans difficulté : en tant que membres de la dynastie gouvernante, il était impensable de se dérober à la cérémonie de l'Émergence Céleste. Celle-ci se déroulait dans le centre de la capitale. La présence de la famille régnante lors de cette célébration en l'honneur de Starnuzac était indispensable. Il ne s'agissait pas seulement de garantir son déroulement - le Roi et sa famille devaient aussi profiter de ce moment pour réaffirmer leur relation unique avec leurs sujets. Se déplaçant à bord d'un élégant carrosse doré -tracté par les six plus belles juments du Royaume-, la pieuse famille se réjouissait de renouveler son allégeance au Dieu suprême des Dynesiens. L'Ouvrage Incandescent ne donnait aucune indication à propos de cette cérémonie - mais cette fête était très populaire. Tout le monde se déplaçait avec joie pour assister au concours de chants sacrés, qui se déroulait à la fin de la cérémonie. 

Starnuzac devait se sentir à son aise en cette journée dédiée à son existence supérieure : Le ciel était débarrassé de toute empreinte nuageuse et le soleil brûlant se prélassait dans son incommensurable pré-carré. Mais Lana espérait revoir son ami introverti au plus vite ! La jeune femme se montrait taciturne et se figeait sur son siège comme un esprit réincarné ; elle n'était guère friande des divagations oiseuses qui portaient sur ses « vrais rapports » avec Lanon. Quand ses parents s'hasardaient à la noyer sous un flot de questions aussi inintéressantes, Lana ne tardait jamais à sortir de ses gonds. Ces interrogatoires à l'emporte-pièce la gênaient au plus haut point. De plus, ces échanges inutiles aboutissaient toujours à une impasse et ne satisfaisaient donc personne. Ses parents pouvaient-ils seulement comprendre son agacement légitime ? Une jeune femme ne pouvait-elle fréquenter un précieux ami sans le convertir en amant caché ?

« Je présume que tu ne nous révéleras pas encore le fond de ta pensée, Lana » ? lui demanda sèchement sa mère.
Cette dernière était assise sur la même banquette que son mari. À l'extérieur, les juments poussaient des hennissements orgueilleux. Le regard pensif de Lana ne trompait sans doute pas ses parents. Ils devinaient que leur fille songeait à l'insignifiant Lanon... Quant à eux, ils avaient une intention évidente : l'exhorter à se trouver un "projet d'alliance matrimoniale solide" ! Lana préféra tuer dans l'œuf cet impossible débat.

« Ah ! Mais laissez-moi voguer en paix dans mes pensées ! En tant que future Reine, je suis aussi l'unique souveraine des... des songeries qui m'abritent. »

Lana se détourna de ses parents hébétés et contempla, depuis sa fenêtre, l'accotement luxuriant que longeait la calèche. Les propriétés luxueuses de la noblesse apparaissaient déjà sur la route avec leur florilège de colonnes. Ses parents ne comprenaient-ils pas qu'ils tourmentaient leur fille en croyant l'aider ? Son père lui jeta un regard strict en ajoutant :

« Nous n'avons pas l'intention de te blesser, Lana. Nous savons que tu n'aimes pas en parler... Mais je n'ai jamais compris ton engouement pour ce jeune prolétaire falot. Je suis même certain qu'il se se tourne souvent les pouces dans son taudis.

Le grand-père désorienté renifla comme un chien malade en s'agitant sur sa banquette. Faisant abstraction de cette nouvelle bizarrerie du Vieil Erkad, Lana s'apprêta à riposter avec vigueur mais fut devancée par sa mère :

—  Par Starnuzac, Jergenst, tu dois aussi comprendre ce que ressent ta fille. Même si nous partageons la même opinion sur les risques d'une mésalliance ! Mais ce jeune homme auquel elle pense est plutôt miséreux. Son père adoptif est un horrible personnage, rappelle-toi. Cet avorton vindicatif est incapable de voir le monde au-delà de ses champs. Il est difficile de ne pas témoigner de la sympathie pour ce pauvre Lanon. Endurer un tel calvaire sans perdre la raison n'est pas à la portée de tout le monde. Ce garçon serait peut-être devenu un artisan, un garde ou commerçant sans la jalousie maladive de cet homme. Certes, nous n'avons pas le droit d'interférer dans les affaires familiales de ce paysan et nous garderons ce cap-là. Je dois reconnaître, malgré tout, que je comprends les préoccupations de notre fille.

—  Merci, ma chère mère, lui confia Lana avec un soupçon de lassitude. Mais tu te trompes encore une fois sur mes intentions ; Je n'agis pas comme une âme charitable envers Lanon et il ne m'attire pas du tout pour mener une vie de couple. Sa vie est certes désolante, évidemment... Sa mère, par exemple, s'est pendue dans la forêt du Miaulement peu après sa naissance. Mais je n'apprécie pas Lanon pour son passé familial désastreux. Je n'aborde jamais ce sujet avec lui. Un jour ou l'autre, vous devrez comprendre que Lanon n'est rien de plus qu'un ami d'enfance. Il n'y pas d'amourache entre nous et je ne le fréquente pas à des fins de commisération. Point ! ».

Ses parents s'avouèrent implicitement vaincus. Ils ne persévérèrent pas dans leurs litanies offensantes. Lana, quant à elle, se réjouissait d'arriver au plus vite dans le centre-ville de la capitale. Erkad était déjà en train de somnoler et commençait à émettre des glapissements stridents. Ophelia lui tapota le bras avec son coude pour le calmer. Mais, enfin, les anciennes portes en bronze du centre de Harriatiosis se levaient devant le carrosse royal. Les gardiens sur la passerelle en bois qui surplombait les portes adressèrent un salut respectueux à leurs seigneurs. Le cocher muet manœuvrait de plus en plus difficilement au milieu d'une foule grandissante, que Lana et ses parents baisaient de leur main. Les citadins étaient sans doute éblouis par la robe blanche virginale de la Princesse - ils connaissaient et encensaient la pudeur de Lana. L'héritière désignée possédait aussi une couronne d'or parsemée de diamants exquis. Mais ce n'était qu'une couronne d'apparat parmi tant d'autres, en vérité ! La voiture atteignit son point d'arrivée au pied d'une fontaine majestueuse, devant laquelle avait été aménagé un promontoire pour la communication du discours inaugural de l'Emergence Céleste. Jergenst devait s'y employer en premier chef, secondé par sa femme et sa fille. Un siège moelleux avait été préparé pour accueillir Erkad. En tant que monarque déchu et vieil homme sénile, sa seule présence servait uniquement à montrer l'unité de la famille. L'attroupement compact de sujets en liesse acclamait la famille royale. Les jeunes gens s'enthousiasmaient en particulier pour Lana - qui serrait des cohortes de mains moites ou sèches sans s'arrêter. Tandis que ses parents descendaient du carrosse pour enlacer des veuves éplorées, embrasser des chérubins ventripotents ou donner leur bénédiction à des estropiés, Lana constatait que Lanon était encore absent... Son « Pater Familias » tyrannique ne se manifestait pas davantage dans le magma humain qui se coagulait devant sa famille. Le sang de la jeune femme était en proie au bouillonnement. Cette dernière prit subitement l'initiative de s'extraire de manière précipitée du carrosse pendant que le Roi et la Reine lui tournaient le dos. S'engouffrant dans la meute pullulante, Lana était prête à retrouver Lanon - et à le conduire de son propre chef aux festivités, si nécessaire ! Il convenait seulement de ne pas s'attarder.
« Oh ! Pourrais-je devenir votre fidèle époux, eh, eh... ? lui lança une vieille baderne enivrée au milieu du passage.
— Certainement pas ! » s'irrita Lana en esquivant la main que lui tendait son prétendant inespéré. 

Les civils agglomérés ne comprenaient guère pourquoi la Princesse s'écartaient autant du promontoire - ce qui ne les empêchait en rien de lui adresser d'ores et déjà des requêtes en abondance. Lana leur promit d'y répondre dans les meilleurs délais. Sans pour autant s'interrompre dans sa course. Elle parvint à se faufiler en toute promptitude dans une venelle ombragée. Des bâtiments en pierre rudimentaire et couronnés par des toits de chaume usés jouxtaient la ruelle. La princesse accourait sur des pavés glissants semés de dangereux nids-de-poule. « Les services de la voirie se seraient-ils offert un congé prolongé ? » se dit-elle avec consternation. Lana accomplit un détour dans ces ruelles pour échapper aux foules en ébullition - ce qui lui permit de s'extraire du centre et de la ville par des voies détournées. Ces dernières étaient peu fréquentées dans ce contexte de célébration religieuse. La Cité d'Harriatiosis n'était pas démesurément grande, par ailleurs. L'héritière du trône put se diriger vers la Porte orientale après une dizaine de minutes de marche au trot.

Les gardes en armure blanche ne comprirent pas la raison de sa présence. Mais ils actionnèrent le levier de la Porte en bronze massif. Il était hors de question d'entraver le chemin de la future Reine. Ces soldats étaient installés sur une passerelle au-dessus de la Porte, à l'instar de leurs camarades de la Porte Nord auparavant franchie par la famille de Lana. Les militaires s'inclinèrent avant de tirer la manivelle avec dévouement. Lana leur envoya des remerciements expéditifs et poursuivit son circuit. Elle commença à s'enfoncer dans les zones rurales adjacentes d'Harriatiosis ; à mesure de son avancement sur la route, cette dernière s'effritait pour redevenir peu à peu un vulgaire chemin de terre. Lana se souvint que cette piste usée rebutait les familles de noble extraction qui s'aventuraient trop loin de leur villa. Veillant à ne pas trébucher dans les fourrés envahissant le bas-côté de la route, Lana se décida à quitter le chemin vers sa droite. 

Elle enjamba une rivière idyllique jalonnée de rochers noirs : la Princesse venait de fouler le sol du domaine sous le contrôle du père de Lanon. La rivière enchanteresse délimitait le périmètre des terres cultivées par Folbart, le « geôlier » de son meilleur ami. Un moulin s'élevait sur une butte herbeuse et se distinguait par sa piteuse décrépitude. Des champs de blés étaient exploités dans le secteur à l'arrière de cette modeste colline. Engagée dans les champs avec sa robe virginale, Lana se doutait qu'elle était facilement perceptible. En tant que proie d'exception, il était recommandé de ne pas bayer aux corneilles dans cet environnement à l'apparence lénifiante. La notoriété et le danger ne s'excluaient aucunement aux yeux de Lana. Elle ôta son diadème pour le tenir de sa main gauche afin de ne pas suffoquer au cœur de son ascension campagnarde : le soleil resplendissant régnait encore comme un monarque éternel. Hélas, Lana dérapa de quelques pieds entre les rangées de salade et piétina certaines d'entre elles le plus involontairement du monde.

« N'hésitez pas à déchiqueter mes salades avec vos jolis souliers, je n'y verrai aucun inconvénient ! »

Lana tressaillit en entendant cette voix pleine de ressentiment. 

Pivotant sur elle-même non sans oublier d'adopter une posture défensive, Lana eut le divin privilège de rencontrer Folbart. 

Voilà donc le "père" de Lanon ! 

Animée par une haine durable envers cet homme entêté, la jeune femme ressentit toutefois un soupçon de pitié face à ce personnage loqueteux. Sa barbe était crasseuse et son visage saturé de cicatrices hideuses. Ce bougre ne devait pas avoir plus de cinquante ans. Mais ses activités pénibles lui rongeaient déjà la chair et l'accablaient jusque dans ses moindres gestes. Appuyé sur sa fourche rouillée comme une canne de fortune, le pauvre hère portait la dureté de la condition paysanne sur ses épaules débiles. Le tableau était cruellement pathétique. La colère de Lana s'estompa en grande partie. Elle n'avait pas eu la possibilité de revoir cette momie laborieuse depuis plus d'une décennie. Déjà harassé par le travail agricole lors de ses jeunes années, Folbart n'était plus que l'ombre de lui-même. Il dévalait la pente de l'épuisement fatal. La demoiselle opta pour une verve plus conciliante

 « Bonjour, Monsieur Folbart ! annonça-t-elle sur un ton empreint de nervosité. Je n'ai évidemment pas besoin de me présenter, n'est-ce pas... Je voudrais savoir où se trouve Lanon ».

Folbart grogna à la façon d'un ours blessé. Lana réitéra sa dernière question. Le croquant bilieux cracha aussitôt à ses pieds et brandit sa fourche vers la Princesse avec mollesse. L'homme en proie à la démence n'était plus maître de lui-même. La réplique de la fille rousse ne se fit pas prier : celle-ci se réduisit à un fulgurant coup de pied dans le menton du cultivateur en perdition. L'homme s'effondra dans ses plantations qu'il chérissait tant. Après avoir relâché sa fourche dans sa chute, Lana la lui confisqua. Elle l'expédia à quelques pieds de son agresseur. La jeune femme le fusilla du regard tandis que celui-ci se relevait en arborant un visage de prisonnier torturé par des geôliers sans scrupule. Folbart était frappé de stupeur. Son mutisme se traduisait auprès de Lana comme l'expression de sa désolante impuissance.

« Comprenez désormais qu'il est inutile de m'opposer une quelconque résistance, lui confia la jeune femme avec une assurance glaçante. Je pourrais vous faire connaitre un sort plus amer que votre triste existence si vous persistez à séquestrer mon ami comme un vulgaire esclave. Votre labeur est un calvaire quotidien, j'en conviens. Votre vie n'a jamais été facile. Mais ce constat ne légitime en rien votre propension à tyranniser Lanon. Ni à le jalouser comme un écolier frustré.

— Si j'avais quelques années de moins...

— Oui, si vous étiez plus jeune, plus fort, plus vaillant, et plus fortuné, je vous aurais déjà fait rendre gorge. Et je ne me serais pas embarrassée de m'en prévaloir auprès de mes sujets.

— Par Starnuzac, quelle immonde dévergondée êtes-vous ? siffla avec dégoût le paysan, encore allongé dans ses plantations. Quelle hommasse vicieuse vous faites ! Le malin vous abrite ! Je sens votre goût viscéral pour la terreur... 

— Considérez cette offre comme une forme de dédommagement ! s'écria Lana en lançant sur la poitrine de Folbart la couronne qui l'encombrait plus que jamais. Le père adoptif de Lana en fut désemparé.

— J'ai bien d'autres couronnes d'apparat, ajouta Lana. Ce n'est pas la plus précieuse d'entres toutes. Mais dites-moi où est Lanon, et vous pourrez la vendre pour oublier cet incident. Et vous n'oublierez pas de partager les gains avec Lanon !

— QUOI ?! Je ne veux pas de votre diadème infernal, graine de despote aux cheveux rouges !

Lana cligna des yeux comme une sauvageonne exaltée et se jeta de tout son long sur Folbart.

— Devrais-je sonner les cloches de votre trépas, putride créature que vous êtes ? lui suggéra-t-elle en plantant ses ongles dans les vieilles cicatrices du paysan. 

Des larmes de douleur coulèrent le long de ses joues avant de s'évaporer dans sa barbe. 

— Très bien, très bien, j'accepte votre marché ! Lanon est... Je l'ai enfermé dans le moulin », marmonna le paysan.

Lana lui arracha des mains les clés qu'il lui tendait en tremblant. Elle se redressa à la manière d'une fauve impitoyable contemplant son déjeuner. La fille craignait auparavant d'être une proie - elle se plaisait à ce moment dans son rôle de prédatrice imprévisible. L'homme n'osait plus se relever. Il se contentait de la dévisager encore avec son regard de bravache impertinent. Mais Lana ne souhaitait pas dépecer cet animal souffreteux. La princesse gravit la butte sur laquelle nichait le moulin, saccageant avec un regain d'énergie les plants de salades qui se trouvaient sur son passage. Elle déverrouilla la porte du moulin endommagé et pénétra dedans. En son sein prévalaient des monticules de poussière, des sacs de farine et divers outillages. Lana palpa quelques grains d'orge sur une commode entre deux toiles d'araignées. Le sol était jonché de planches de bois moisies et bancales. Elle s'empressa de monter un escalier du même acabit, plus grinçant qu'une vieille baronne alitée. La princesse accéda enfin à l'étage du moulin. 

Une porte conduisant à une pièce unique s'y trouvait. Des termites entreprenantes avaient élu domicile sur les murs aussi solides que leur propriétaire. Lana s'introduisit dans cette pièce... et mit le grappin sur l'objet de ses recherches : Lanon, le seul, le vrai et l'unique. Ce dernier était jusqu'alors adossé contre un amas de laine de mouton à défaut de posséder un lit. Aucune fenêtre n'avait été aménagée dans la pièce. Seule une poignée d'orifices laissait entrevoir quelques rayons d'une lumière hésitante et blafarde. La pièce ne comportait aucun mobilier. Elle était désespérément vide - du moins, si l'on ne comptait pas le garçon au teint lumineux qui survivait dans ce taudis. Ce dernier s'élança vers Lana.

« Ah, Lana, je suis tellement heureux de te revoir ! s'exclama-t-il dans un élan de jovialité.

L'inséparable camarade de Lana était revêtu d'un morceau de drap brunâtre qui s'étirait jusqu'à ses genoux cagneux. Quoique tout à fait perspicace, Lanon dégageait une furieuse gaucherie associée à un manque de courage qui embarrassaient parfois sa tendre amie. L'héritière au trône de Dynesia était outrée par la tenue loqueteuse de son ami. Il était temps de mettre un terme à cette indignité persistante. Les cheveux roux des deux jeunes gens brillaient comme un élégant bûcher dans la pénombre. Ils s'enlacèrent affectueusement avant d'engager la conversation :

— J'étais sûr que tu viendrais me secourir ! lui déclara Lanon avec son intarissable satisfaction. Mais nous devrions nous hâter de regagner la ville, car tu dois effectuer ton allocution devant les habitants d'Harriatiosis et tu pourras...

— Non, le coupa sèchement Lana avec un merveilleux sourire. J'ai mieux à te proposer.

— Tu oserais te soustraire à ton devoir de futur patronnesse du Culte ? s'étonna le jeune homme dont l'anxiété montait à la manière d'une vague discrète.

— Une fois n'est pas coutume, sois sans crainte ! rétorqua en toute confiance la jeune femme.  

— Je faisais une sieste et je ne t'avais pas entendu rentrer dans le moulin... Mais as-tu croisé mon père imaginaire lors de ton escapade dans ses plantations ? »

Lana n'avait pas l'intention de fournir des détails gênants à son camarade. Elle l'aimait sincèrement et ne voulait pas apparaître comme une fille cruelle devant ce garçon... Un garçon si magnanime ! Il abhorrait Folbart qui l'utilisait comme un appoint de main-d'œuvre depuis son plus jeune âge. Mais Lana connaissait la sensibilité exacerbée de Lanon. Elle n'avait pas l'intention de le perturber lors de sa visite.

« J'ai convaincu Folbart de me permettre de te voir, dit-elle à son ami soucieux en lui caressant amicalement le bras droit ».

Lanon n'était pas stupide et son visage incrédule en témoignait. Mais le garçon feignit de s'en contenter. Lana poursuivit sur un ton décontracté :

« Exceptionnellement, je souhaiterais échapper aux célébrations religieuses pour t'emporter dans le Palais Immarcescible. Tu seras mon invité privilégié et je prétexterai une navrante migraine pour justifier mon absence. Je me rattraperai lors de prochains rituels !

— Comment pourrais-je décliner une telle invitation ! jubila Lanon. Allons-y tout de suite ! 

— Pourrais-je me joindre à vous ? » demanda soudainement une voix qui les fit bondir de terreur.

Le binôme fut alors complètement abasourdi. « Maître » Erkad se dressait comme un roi oublié à l'entrée de la pièce. Le vieil homme désaxé s'était métamorphosé en un personnage vénérable et clairvoyant. Un premier détail sauta aux yeux de Lana : sa chevelure blanche n'était plus ce champ de bataille chaotique et avait été coiffée avec un soin méticuleux. Son regard témoignait d'une concentration érudite et il manifestait une vigueur qui bouleversa aussi bien Lana que son ami - malgré le fait que celui-ci ne connaissait le grand-père de Lana que par le biais des railleries de sa petite-fille.

« Oui, les enfants, j'ai joué une astucieuse comédie pendant plusieurs décennies. Je vous prie de m'en excuser. »

Lana ne masquait pas son embarras face à son grand-père, si étrangement ressuscité. Elle s'était gaussée de cet homme avec outrecuidance durant trop longtemps. La jeune femme voulait en savoir davantage. Mais elle ne voulait pas faire preuve de désinvolture envers ce proche qu'elle avait méconnu sous sa vraie forme jusqu'à présent. Cet homme « nouveau » était comparable à un autocrate bienveillant. Il était tout à fait capable d'éclaircir cette situation inattendue. « Ma fameuse vision n'est sans doute pas étrangère à cette réémergence de Maître Erkad », se convainquit Lana en son for intérieur.

— Suivez-moi jusqu'au Palais, mes chers amis ! J'ai besoin de votre aide pour régler une affaire préoccupante. Vous ne commettrez évidemment pas d'outrage si vous manquez la journée de l'Emergence Céleste pour une raison valable... »

Intrigués, les compères suivirent l'homme âgé. Ils descendirent les marches grinçantes de l'escalier et se positionnèrent à l'entrée du moulin. L'aspect les plus stupéfiant -ou le plus inquiétant- du grand-père était son extrême discrétion. Lana peinait à admettre cette qualité insoupçonnée chez le vieil homme. Le monarque "retraité" s'arrêta un instant et pointa du doigt une trappe étrange - que Lanon se promettait ne jamais avoir vu. Ce qu'il ne manqua pas d'affirmer à l'oreille de son amie. Erkad tira la poignet de la trappe et révéla un équipement militaire d'une brillante qualité. Les deux compagnons en furent ébahis ! Le vieil homme fournit à Lana comme à Lanon une épée au pommeau doré, un bouclier rond en bronze, ainsi qu'un arc orné de cryptogrammes elfiques - auquel s'ajoutait un long carquois en bois de chêne avec son lot de flèches. 

« Grand-père, j'avoue ne plus trop vous suivre... J'aimerais quelques informations si vous n'y voyez pas d'inconvénient ! » s'écria Lana devant ce spectacle imprévu. 

Elle redoutait de plus en plus une farce d'une prodigieuse ampleur. Lanon lança un regard approbateur en direction de la princesse. Le vénérable Ancien les exhorta à conserver leur entière patience. Il tendit à chacun une tenue blanche. Le vêtement était d'une sobriété exemplaire.

« Suivez mes consignes pour le moment, déclara l'Ancien en toute quiétude. Enfilez ces tenues banales et débarrassez-vous de vos vêtements actuels. Je patienterai à l'extérieur du moulin pendant que vous vous changez. Je saurai éloigner l'inénarrable Folbart, si besoin est... »

Et il claqua la porte miteuse sans se retourner. Lana scruta l'extérieur depuis la serrure. Elle constata qu'il les attendait avec cette même posture très sérieuse.

« Euh, Lana... Quel est le problème ?! se lamenta le brave Lanon tandis que Lana s'initiait à un bref entraînement avec son épée. 

Son étonnante légèreté lui conférait une grâce certaine.

— Tais-toi, Lanon ! rétorqua Lana en rengainant l'arme dans son fourreau. Enfile déjà tes vêtements à l'étage tandis que j'en fais de même. Je t'appellerai quand je serai prête.

— As-tu seulement une idée de ce que ton grand-père peut avoir en tête ? Tu sais pertinemment, Lana, que ton grand-père n'est pas réputé pour son écrasante lucidité...

— Mes convictions ordinaires fondent comme neige au soleil, lui avoua Lana tandis qu'elle palpait le tissu bizarrement résistant de sa tenue ».

Lanon s'exécuta en se grattant nerveusement la tête. Quant à Lana, elle se déchargea en toute hâte de sa tenue princière. Une douce sensation de libération s'empara de son corps quand elle enfila ce vêtement basique. Un épais capuchon donnait la possibilité de se couvrir la tête. La fille intrépide comprenait l'importance de ne pas se distinguer seulement par ses titres de noblesse, son statut social ou ses biens matériels. L'appel de la gloire, le souci de l'honneur et la quête de grandeur étaient des préoccupations intimes de Lana. Se légitimer en tant que future Reine ne consistait pas à se baisser dans son jardin pour récolter le fruit mûr de la succession. Absolument pas. Il convenait, selon la demoiselle rousse, d'accomplir son devoir en se mesurant directement à l'adversité. Le sens du sacrifice ne résonnait pas comme une vaine formule dans son esprit. 

Démontrer sa bravoure à ses futurs sujets était la méthode la plus efficace pour mériter sa place au sommet de l'Etat. Peu lui importait les principes frileux de son père ; Ce dernier privilégiait les machinations occultes pour parvenir à ses fins au cours de sa jeunesse - il avait aussi la prétention de ne froisser personne. Lana, plus expressive et moins patiente, ne se voyait pas agir comme Jergenst... Agir avec une bravoure infaillible sans le voile de la fourberie politicienne n'était-il pas une meilleure démarche, après tout ? Elle s'était déjà confiée en la matière à Monsieur Vulpsek, son vaillant maître d'arme au passé chevaleresque. Et celui-ci n'avait pas manqué de soutenir ses idéaux guerriers, qui s'enracinaient dans la tradition aristocratique la plus ancienne. À l'aide d'une ceinture en cuire, il ne lui fut pas ardu de plaquer son arc contre son dos, avec le carquois et le bouclier. Encore une fois, Lana s'attendait à subir un poids substantiel avec de telles affaires. Ce qu'elle ne ressentit pourtant pas. Elle autorisa Lanon à redescendre - lequel continuait ses jérémiades sans se lasser :

« Je ne sais pas ce que nous prépare ton grand-père, mais je me passerai d'une destinée héroïque ou d'une expédition saugrenue...

— Nous le saurons bien assez tôt ! Le rassura Lana. N'oublie pas tes instruments de travail, Lanon !

— Tu es désopilante, ironisa Lanon en ajustant la seconde ceinture autour de son corps frêle.

Lana l'aida à serrer cette dernière pour lui permettre de transporter son arc, son écu, et son carquois outre l'épée insérée dans son fourreau.

— Tu ignores les rudiments de la guerre et tu n'as jamais bénéficié d'un quelconque entraînement, anticipa Lana une fois la préparation achevée. Ne commence donc pas à m'apostropher sur ces évidences dont j'ai conscience. Mais je suis dorénavant certaine que mon grand-père n'a jamais été un simplet grotesque. Je me trompais lourdement. Et il doit être motivé par d'excellentes raisons que nous apprendrons dans les meilleurs délais.

— Si tu le dis, Lana... s'inclina Lanon. Après tout, je vais peut-être m'affranchir dès maintenant de l'emprise de Folbart.

— Considère-toi comme libéré de la tutelle inique de ce soudard, renchérit Lana en craquant ses doigts.

— Je resterai en ce cas ton éternel débiteur, énonça pompeusement son camarade avec son adorable sourire. »

Lana hocha la tête en lui adressant son plus beau sourire. Les deux compagnons quittèrent conjointement le moulin. Erkad l'Ancien reniflait avec un air soupçonneux une feuille de salade rouge. Se tournant vers le duo en armes, il les accueillit en levant les bras comme un spectateur dans une arène.

« Vous êtes magnifiques, les enfants ! À présent, suivez-moi en enfilant vos capuchons. Vous ne devez pas être reconnus par les passants, ni par les gardes du Palais.

— Nous revenons donc dans le Palais ? le questionna Lana en redressant son capuchon malgré la chaleur estivale.

— En effet. Vous êtes officiellement des apprentis nécromanciens qui doivent faire leurs preuves auprès de moi. J'ai déjà communiqué ma bénédiction au peuple et les Harriatioséens n'attendent plus rien d'un déviant mental comme moi... Ne parlez plus jusqu'à nouvel ordre, est-ce bien clair ?

— Oui ! », assurèrent en cœur les jeunes gens encore déroutés.

Le groupe s'achemina vers les ruelles des vieux quartiers abritant les bâtisses surplombées de toits de chaume par lesquelles Lana avait transité. Ces zones étaient encore en grande partie désertes. Seuls des enfants en bas âge et des vieillards impotents se montraient à leur fenêtre. L'un d'entre eux s'esclaffa en apercevant Erkad l'Ancien avec ses accompagnateurs encapuchonnés :

« Ne vous égarez pas, mon cher Maître, ah, ah ! Mais j'imagine que ces vagabonds armés vous aideront contre quelques brigands, hein !

— Je serai très prudent ! » lui certifia le grand-père de Lana en simulant une voix puérile.

Lana ne put s'empêcher de susurrer à Lanon qui se retenait de pouffer : « Comment ai-je pu être dupe comme tous ces gens-là, par Starnuzac ? J'ai été particulièrement sotte ! Ou je n'étais pas encore habilitée à décrypter les vraies facettes de mon grand-père... ». Et les trois personnages intrigants poursuivirent leur route vers le Palais Immarcescible, bifurquant cette fois-là à leur droite pour se rediriger vers la Porte Nord. Les gardes saluèrent avec déférence Erkad l'Ancien lors de sa sortie de la capitale. Ensuite, le vieil homme et son escorte atypique remontèrent la route principale menant au Palais. L'édifice resplendissait toujours à l'horizon avec ses couleurs rafraîchissantes et ses bulbes proéminents. 

L'équipe aux accents mystiques franchit l'entrée principale, sans éveiller le moindre soupçon auprès des soldats chargés de la garde : ceux-ci connaissaient l'emploi du temps de Maître Erkad - et ils se muraient dans un silence absolu comme à l'accoutumée. Maître Erkad, Lanon et Lana traversèrent le couloir principal jalonné de statues antiques. Cependant, le vieil homme les conduisit dans une pièce connexe à l'éminente Salle du Trône. Il s'agissait d'un espace de délibérations privées, ordinairement réservées aux conseillers les plus loyaux. Cette pièce était de modeste superficie, ses murs en marbre étaient dénudés et encadraient une table circulaire autour de laquelle le groupe s'installa. Une chandelle occupait le centre de cette table.

« Très bien, déclara machinalement Maître Erkad. Vos capuchons ne sont plus une obligation pour le moment. Je suppose que vous connaissez cette légende tombée en désuétude, relatant l'histoire d'un certain Truganipal jusqu'à son absorption punitive par le Cristal Rose ? Ce chacal enragé et gigantesque marque toujours les esprits des enfants les plus téméraires, ah, ah ! 

Lanon et Lana se souvenaient effectivement de ce récit mythique, étudié sur les bancs de l'école mais raconté de diverses manières. Truganipal incarnait surtout l'archétype du Mal suprême, le maître des mondes souterrains, le repoussoir cauchemardesque qui s'invite dans les mauvais rêves de tous les enfants de Dynesia. Ils ne le savaient que trop bien et ne risquaient pas de l'oublier.

— Eh bien, ce n'est pas un tissu de calembredaines destiné à effrayer les chérubins malappris ! rectifia le Vieil Erkad. Cette créature redoutable existe pour notre plus grand malheur ».

Lana se figea tandis que les pires rêves de son enfance remontaient à la surface de sa conscience. Truganipal, demi-dieu déchu, ce bâtard né -prétendait-on- d'une union illégitime de Starnuzac avec une femelle mi-chacal, mi-humaine des Enfers ardents, cette expression stéréotypée du cataclysme, du désespoir et de la barbarie... Lana s'obstinait à rire jaune, tandis que son compère revendiquait avec fermeté son incrédulité devant cette assertion :

« Avec tout le respect que je vous dois, maître Erkad, l'existence de cette monstruosité vorace n'a jamais été démontrée...

— Vas-tu donc te taire ?! s'emporta le vieil homme.

Le binôme turbulent consentit à écouter le vieillard dans le plus grand calme. Le « Maître » reprit le fil de son propos :

— Ce que vous devez comprendre, c'est que le Premier Maître de nos légendes était bien le gardien du Cristal Rose. Vous savez que cet artefact a causé la mort de ce roi mythique. Mais aussi la capture du vil Truganipal - or, nous assistons en ce jour à la funeste émancipation de ce démon. Et par des procédés qui m'échappent complètement ! De surcroît, nous ne savons quasiment rien à propos du Cristal Rose : qu'il s'agisse de sa localisation éventuelle ou de son devenir depuis d'innombrables années... Il n'est pas à exclure que divers monstres se soient immiscés dans notre dimension après un séjour pénible dans les Ténèbres. En tant qu'Aîné de la dynastie borhamilienne, sachez que j'entretiens des relations irréductibles avec notre Dieu Tout-Puissant. Je m'étais donc accordé avec Starnuzac pour transmettre une vision à Lana.

— Je ne m'étais alors pas évanouie à cause d'une faiblesse momentanée, si j'en crois vos paroles ! triompha Lana, sûre de sa forme athlétique.

Lanon réclamait une « démonstration scientifique » tandis que Lana se remémorait chacune des séquences de son « envoûtement » par le Maître. Comment autant de secrets avaient-ils pu être dissimulés ?

— Je comprends votre scepticisme et je compte le réduire en cendre grâce à ce sortilège. La magie est théoriquement prohibée et réservée de nos jours aux peuplades primitives. Mais il s'agit d'un don céleste auquel les meilleurs Hommes sont en droit de prétendre. »

Lana et Lanon s'armaient de patience pour ne pas le contredire avec effronterie. Une seconde plus tard, ils furent témoins d'une scène ahurissante : La table se mit à tournoyer sur elle-même tandis que Maître Erkad fermait les yeux et croisait les bras avec une placidité digne d'un ascète. Une fumée blanche fut projetée dans les airs depuis le milieu de la table. Le mouvement circulaire du meuble ralentit... La figure répugnante du Démon apparut. La physionomie bestiale de Truganipal jaillit comme un éclair dans la nuit printanière. Lanon hurla de terreur pendant que Lana était immobilisée par la folie indomptable de ce demi-chacal titanesque. Des cris sourds hantèrent la pièce, suivis par des sons de lames entrechoquées et de craquements ignobles. 

Lana vit alors une image éphémère de ruines encore fumantes. Ces dernières étaient sillonnées par des troupes de chacals humanoïdes dans de longues capes noires. Leur gueule prognathe et orangée reniflait avec délectation le sang et la destruction. Il s'agissait de soldats armés de lance et d'un long bouclier décoré de rosaces étranges. Mais les cris, les cliquettements et les beuglements morbides des chacals cessèrent aussitôt. La fumée mystique se dissipa. La chandelle continuait à occuper le milieu de la table. Lana et son ami tentaient de reprendre leur esprit après cette exposition de « preuves » traumatisantes. Maître Erkad passa de nouveau à la charge :

« Voici l'œuvre de Truganipal à la cité naino-elfique de Malackburg, mes enfants ! Appuyés par ses innombrables cohortes de Nogatiens sanguinaires -ou de "chacals" comme vous les appelez familièrement-, vous avez pu admirer son carnage. Le Souverain des Abysses est déjà en train d'annihiler ses premières séries de victimes !

— Que devons-nous faire ?! s'effraya Lanon en tapant ses mains sur la table.

— Il faut réunir un Conseil de Guerre, Maître Erkad ! exigea Lana dont les sens étaient chambardés.

— Je me suis déjà attelé à cette tâche, Lana. Je voulais surtout vous communiquer vôtre tâche : Vous avez été élus par le glorieux Starnuzac pour mettre un terme au péril nogatien fabriqué de toutes pièces par Truganipal ! C'est un honneur grandiose et un destin incertain que vous offre notre Dieu. Entendez-le bien. Bien sûr, je suis à la fois attristé et honoré de vous l'apprendre... ».

Lanon n'osa plus regarder Maître Erkad. Il essaya de trouver le secours nécessaire auprès de son amie. Ce fut peine perdue ! Cette dernière ne pouvait croire que son grand-père lui mentait. Elle connaissait déjà cette vérité inavouable dans ses propres entrailles. Sa dernière vision trouvait désormais son entière signification : Truganipal n'avait jamais été neutralisé. Il était revenu à la surface de ce monde pour oppresser et asservir les mortels. Et il reprenait d'ores et déjà ses activités dévastatrices non loin du Royaume.

« Les enfants ! tonna le vénérable Erkad avec une force surhumaine. Vous devez sauver notre monde avant qu'il ne soit trop tard ! Nous n'avons pas d'autres choix que de vous envoyer directement au contact du Prince des Enfers !

— Nous devrons... L'exécuter ? le questionna Lana avec un mélange ambigu d'excitation et d'angoisse.

— Ah, je sais que tu en es tout à fait capable, Lana ! Que tu veux parvenir à ce résultat, et que tu l'arracheras de toutes tes forces ! Lanon est indécis mais il se bonifiera sous ton aile. N'est-ce pas, mon jeune ami ?

— Mais Starnuzac pourrait-il se tromper, mon Maître ? questionna Lanon, plus blême que jamais.

— Non, rétorqua catégoriquement le vieil Erkad. N'essayez pas de fuir votre destinée et vivez-la pleinement. Ou vous ne survivrez pas ! »

Lana et Lanon se levèrent de leur chaise avec une ferveur inébranlable et attendirent les dernières instructions du vieillard. Celui-ci leur confia quelques vivres et des gourdes avant de terminer son discours :

« Starnuzac s'adressera à vous selon ses propres moyens pour vous donner de plus amples renseignements. Et tant que j'y pense, prenez ceci, ajouta-t-il en donnant à Lana une carte jaunâtre du monde connu. J'ai pu m'entretenir avec des guerriers elfes qui mènent des opérations de harcèlement contre les armées surpuissantes de Truganipal et ses sbires. D'après les dernières nouvelles de nos services de renseignement, l'orgueilleux Truganipal prendrait ses quartiers dans une demeure seigneuriale de Malackburg. Le plus curieux étant que cette dernière resterait encore debout. Vous pourriez rencontrer des compagnons certes exotiques sur votre route... Mais ils vous seconderont dans votre tâche de purification rédemptrice. Surtout, vous devrez trouver un moyen de vous infiltrer dans le bastion de Truganipal pour lui ôter sa vie imméritée.

— La cité naino-elfique de Malackburg étant située vers le Sud, nous n'aurons d'autre choix que de parcourir la Forêt du Miaulement ?

— C'est exact, Lana, lui confirma le Maître en conservant son aura magnétique. Je planifierai la défense du Royaume aux côtés de mon fils et de ses conseillers militaires. Partez, mes enfants, et ne revenez pas avant d'avoir accompli votre travail sacrificiel ! ».

Lana et Lanon acquiescèrent avec une fervente résolution. Les deux jeunes gens adressèrent un baiser d'adieu à cet Ancien, qu'ils avaient tant sous-estimé. Et ils accoururent vers leur futur sous le patronage de Starnuzac l'Unique.

Continue Reading

You'll Also Like

21.3K 2.8K 41
La Province de Nauphela est divisée en quatre Ordres : Les Chevaliers, les Fées, les Sorciers et les Archers. Pour établir une harmonie entre chacun...
178K 13.5K 27
Que feriez-vous si vous vous retrouviez menotté(e) et enfermé(e) dans une pièce avec votre pire ennemi(e) ? Jungkook et Taehyung, deux anciens camar...
5.4M 86.5K 36
~pile, tu es à moi, face, je suis à toi~ « Ce mec c'est... le mal incarné. Et le roi du lycée. Son pote et lui sont tout sauf fréquentables. Ils se b...
2.5M 114K 113
Mariage Forcé et la nouvelle tendance sur Wattpad, je vous laisse découvrir le mien . Surtout ne vous arrêter pas simplement sur la couverture, je v...